jeux de masques. (mila)

c’est toujours le même décor qui se plante à mesure que l’astre se dilue dans le manteau d’ébène de la nuit, et que les ruelles se parsèment de halos jaunâtres et grésillants. le même lieu, une arrière salle du sinners badigeonnée de volutes et autres smogs ardoise, où ce sont toujours les mêmes mains trop anguleuses qui s’arrachent quelques pauvres jetons à la couleur effacée par les paumes suintant l’avarice. elle pourrait presque devenir spectatrice mila, se délecter du sublime spectacle des égos qui se déchirent l’un à l’autre et des visages qui se fendent des stries profondes de la défaite. mais c’est d’autant plus jouissif de les creuser de ses propres ongles, rallonger un peu plus la liste des victimes qu’elle a dépouillées. et fermer les paupières en ayant la satisfaction crade de savoir que ce soir, c’est son visage qui sera mélangé au rouge de la haine et de la rancoeur. elle s’invente égérie de tous leurs maux, et c’est thérapeutique de les provoquer plutôt que de se concentrer sur les siens. ça lui grignote l’attention, glisse un semblant d’adrénaline dans le torrent de ses veines, et suffit à chasser les pensées trop nocives qui pullulent entre les paroies de son crâne. véritable vermine qui remonte avec les crues quand le temps est pluvieux, et inonde tout le reste. pourtant, y’a ces pupilles qui scintillent d’une lueur un peu plus vive que toutes les autres. ses pupilles à lui. une nouvelle fois, il s’est laissé traîner jusqu’ici, avec cette même effronterie ou tout simplement totale absence de rationalité qui lui dessine toujours le même sourire au milieu du visage. celui de l’imbécile heureux qui pense déjà avoir la victoire sous les doigts, sans réaliser qu’elle bien trop glissante pour ses mains. ce soir, c’est lui qui lui offre la mise en scène la plus attrayante en volant jalousement tous ses regards, alors qu’elle soutient avec délice l’étreinte tissée entre leurs pupilles. cash qui tranche un peu trop avec le décor, se découpe à la perfection au milieu de la couche de fumée et des carrures trop sévères coincées dans des étoffes imbibées de moisissure jusqu’à la trame, l'alignement opalin de ses dents contre les lèvres conglutinées des autres. alors elle modèle dans sa tête un jeu, en énonce silencieusement les règles lorsqu’elle fait trembler sa main en observant ses cartes, que sa cuisse s’agite un peu trop sous la table. fausse nervosité qu’elle lui offre sur un plateau d’argent saupoudré d’un regard un peu fuyant. et cash mord bien trop rapidement à l’hameçon, s’y écorche presque immédiatement la lèvre en augmentant la mise. elle ravale le sourire qui menace d’écorcher le masque, et lui offre au contraire une hésitation trop longue pour être anodine et ponctuée d’un froncement de sourcil dubitatif. 100. elle lui donne le bluff trop grossier pour qu’il ne soupçonne pas une manigance, et qu’il soit d’autant plus regonflé de cette assurance aveuglante qu’il a. son regard échappe au sien, faussement craintive d’être découverte, tandis que ses mains poussent les quelques jetons au centre de la table. le premier acte qui s’essoufle, rideau qui s’abat tandis qu’une nouvelle idée pour parfaire son tableau éclot à nouveau dans son cerveau. mila retrouve son regard, y ajoutant une couche épaisse d’hésitation et la lueur discrète de la malice qui y crépite. puis elle fait glisser son doigt jusqu’à l’encolure de sa robe qu’elle descend légèrement, lui offrant une vue bien meilleure sur sa poitrine. le mouvement un peu trop sensuel, qu’elle lui adresse pour chercher à encore plus brouiller son esprit. et un clin d’oeil qui vient sublimer le tout, qu’elle lui offre éhontément alors qu’elle sent l’amusement indécent grouiller au fond de son estomac, non sans l’étouffer presque immédiatement pour ne pas lui révéler la supercherie. elle sent presque déjà le délice de la vision de son visage ravagé par la surprise de s’être encore une fois trompé. et juste comme ça, c’est l’ensemble de la soirée qui se colore d’un intérêt bien plus attrayant.

en lui ouvrant une fois de plus les portes de son monde, mila avait laissé cash le parsemer de ces éclairs. elle l’avait laissé décolorer tout le reste pour ne plus être que la seule couleur à inonder sa rétine. la seule teinte qui surplombe toutes les autres, bien trop particulière pour ne pas s’y attarder. c’est tout un kaléidoscope qui scintille au creux de ses yeux, qui suinte de son être. parce qu’il a le rouge de la colère qui serpente sous l’épiderme, le noir profond d’un danger tamisé au fond des orbites, et un semblant de tendresse qui se cache sous les côtes, dont on ne voit pas tout de suite les contours. il faut gratter, chercher à apprivoiser l’homme fauve, pour finalement le voir rugir un peu plus. comme une pierre brute et qui érafle les doigts quand on la touche trop abruptement, ce sont les airs de brute viciée à l’amertume et à la violence qu’il offre aux passants. mais pour les curieux, les amoureux des tumultes comme elle, qui s’évertuent à éplucher les couches de roche, et à chercher sous l’encre qui zèbrent la peau, le spectacle est tout autre. un nouvel être à apprivoiser, à garder jalousement dans l’étreinte de ses bras. et rien n’est réellement facile, entre deux idiots qui préfèrent s’écorcher plutôt que de se réparer. sous couvert d’un simple jeu, c’est la provocation et le besoin viscéral de toujours prendre l’ascendant sur l’autre. les égos qui tentent de se rengorger en asséchant l’autre, avec ce même égoïsme qu’ils ne prennent même pas la peine de remettre en question. non, c’est normal, qu’ils s’affrontent jusqu’à l’épuisement. c’est normal qu’ils se retrouvent ici à transformer un simple jeu désuet en une lutte pour celui qui parviendra le mieux à tromper l’autre. ironique. et même quand les dés sont pipés, que mila est clairement dans sa zone de confort, elle s’agrippe sans flancher à cette victoire qu’elle entrevoit déjà dans l’assurance naïve de cash. elle pourrait lui concéder un peu de terrain, mais entre eux chaque centimètre de grappillé est d’autant plus délicieux que le précédent. et c’est la consécration qui lui arrache presque un sourire de contentation quand il plonge tête la première dans le piège qu’elle lui avait rapidement tendu. l’imbécile qui s’enfonce dans l’antre du fauve sans en être apeuré, elle sait qu’il signe la fin de la guerre et lui dépose le trophée dans les mains. parce que les cartes dans ses mains ne peuvent pas la trahir, elle le sait trop bien. il ne peut tout simplement pas avoir mieux, pas même aussi bien. alors elle abandonne enfin le masque de l’incertitude, pousse elle aussi la totalité de ses jetons au centre de la table. et sans attendre, elle retourne ses cartes, en le fixant avec une attention presque religieuse. elle veut voir le chef d’oeuvre de son travail, cash à qui on arrache d’un coup toute l’effronterie devant la supercherie. merci chéri, j’avais justement envie de nouvelles chaussures. mila s’accapare la victoire, alors que seules ses cartes ont étées révélées. l’insolence qui coule des lèvres, le long du sourire qui étire ses pulpeuses presque dolentes de s’être abstenues si longtemps. et elle brûle, de le voir perdre le contrôle, imploser de la redescente violente de dopamine de savoir qu’encore une fois il ne parviendra pas à la détrôner dans son propre royaume.

elle est formelle. chaque variable, chaque petit pourcentage a été savamment étudié, torturé dans son cerveau lessivé par la concentration intense. elle ne peut tout simplement pas perdre, l’impossibilité est stricte. et la marge d’erreur lui semble si fine qu’elle n’en est à peine palpable du bout des doigts. elle en offrirait presque son âme à la damnation tant elle est persuadée que c’est le rictus délicieux de la défaite qui viendra, comme toujours, pourfendre le visage de cash à l’autre bout de table. mila ne perd pas, pas quand elle n’en pas donné l’ordre de sa propre langue. mila est d’une assurance écoeurante, parce qu’elle a la pile de réussites entassées sous la semelle, les papilles déjà trop habituées à la victoire pour se laisser intoxiquer par l’adrénaline. alors non, il n’y a pas une once d’hésitation qui lui vrille les veines, simplement une satisfaction volcanique qui gonfle la poitrine. sans même avoir eu la confirmation de ses attentes, elle se pâme déjà de l’avoir une nouvelle fois écrasé sous son talon, lui arrachant un énième triomphe à la saveur toujours aussi riche que la première fois. qu’importe le nombre de fois où elle y a trempé les lèvres, la sensation ne s’est jamais affadie, si ce n’est amplifiée. le palet la réclame presque égoïstement, assoiffé à chaque fois que les effets psychotiques se dissipent. mélange entre un besoin viscéral de nourrir un égo vorace, et celui de prendre le dessus pour s’orner d’une supériorité qu’elle vibre de ressentir. bataille infernale où l’on n’épargne pas même les palpitants, pas même les souvenirs chaleureux qu’on niche dans l’estomac. ici, il n’est plus le réconfort qui étreint le corps refroidi par la nuit. il n’est plus la silhouette qu’elle essaie de dessiner dans ses projections futures, liée à ses côtés. non, ici il n’est plus qu’une cible à taillader, une autre roche sur laquelle affûter sa lame. son visage est placardé au milieu d’une foule de faces à tordre de déception, s’y mélangeant presque. presque, parce qu’il la happe. entame cette concentration olympienne qu’elle enfile d’habitude aussi simplement qu’un manteau. elle ne peut pas perdre. et pourtant, elle croit à une illusion quand elle observe impuissant la fierté retrouver les traits de son visage quand elle dévoile ses cartes. impossible. elle croît ensuite à un jeu de sons quand ses mots renforcent le pincement qui commence à lui vriller le palpitant. mais il y a l’espoir sourd qu’il s’est trompé, et qu’en retournant ses cartes elle y verra moins qu’elle. il peut tout à fait ne pas avoir bien étudié sa combinaison quasiment imbattable. et la sentence tombe, létale. sévère et sans s’attarder plus longtemps c’est toute sa rage qui éclate sous la langue quand elle se lève d’un coup pour quitter la table sans lui accorder le moindre regard. pire que lui servir la victoire sur un plateau d’assurance tronquée, le laisser savourer le spectacle de son égo piétiné par sa propre chaussure. cash est pourtant coriace, ne lui laisse qu’un répit trop court pour calmer les crépitements qui affolent son crâne. elle le sent glissé dans son ombre, quasi immédiatement dans son sillon et elle ne prend même pas la peine de vérifier qu’il s’agit bien de lui quand deux bras viennent l’encercler. casse-toi, j’espère que t’es bien fier de toi parce que ce soir tu dors tout seul. mâchoire enserrée qui grince presque tant la mauvaise foie puérile est sévère. la chute de la reine n’est même pas gracieuse, elle tente de recoller les morceaux à coup d’acidité qu’elle lui balance vulgairement au visage. mais il la connaît trop bien, sait exactement où appuyer pour éteindre le volcan fumant. et ça l’exaspère encore plus, quand ses lèvres caressent son cou, fantôme de son souffle brûlant qui l’enivre. mila se retourne pour lui faire face, dos coincé contre le comptoir, torse touchant presque le sien. je peux t’apprendre à fermer ta bouche si tu veux. imitation piquée par une colère qui s’effrite progressivement. elle est de moins en moins crédible, froncement trop appuyé de sourcils et les lèvres pincées en une imitation grotesque de moue boudeuse. regard perché dans le sien, les mains qui s’échappent malgré elle contre son abdomen, mine de rien, cherchant à rafistoler la fierté bleuie à travers un contact à moitié assumé.

mila et cash, comme deux palpitants coincés dans la même cage thoracique, destinés à s’entrechoquer l’un contre l’autre pour tenter d’aspirer des fragments de vie à l’autre mais sans jamais se résoudre à se déchirer totalement. et dans l’espace confinés les souffles s’effleurent, se cherchent, les pulpeuses se mélangent pour partager les passions qui parfois sont trop grosses pour ne pas éclater. il est là, l’équilibre délicat qui soutient toute leur relation criblée de moisissure, se rapprocher de l’implosion pour en inspirer le soufre sur le point de s’embraser, mais d’éviter la détonation. jouer à étirer les limites, les modeler jusqu’à en voir les craquelures annonçant la cassure définitive, et s’arrêter juste avant le bouquet final. à chaque fois un peu plus dangereux, un peu moins assuré que l’autre ne finira pas avec la poitrine définitivement transpercée sans possibilité d’étancher la plaie. c’est ça, qui l’avait séduite, poussée à le transformer en une constante de sa vie, l’adrénaline à laquelle ses lèvres étaient infusées. jusqu’ici le jeu reste prudent, simplement matérialisé par une partie de carte où le seul enjeu visible est une poignée de billets à la trame viciée par les paumes grasses. puis rien de plus, si ce n’est quelques hématomes qui tâchent l’égo. la chute n’est pas assez vertigineuse pour la briser totalement et il semble parvenir bien trop aisément à lui faire oublier cet emportement qu’elle avait tracé sur son visage. c’est presque trop facile. un schéma de soirée beaucoup trop idyllique pour eux qui s’étranglent aux joutes verbales acérées, venin à profusion craché de lèvres tremblantes de fureur. inconsciemment, mila se prépare à une riposte plus crade, se doute qu’il va bien vite s’ennuyer de cette quasi-docilité qu’elle lui offre. elle qui d’habitude lutte jusqu’à l’épuisement pour garder sa souveraineté intacte et lui imprimer les couleurs de son triomphe de partout sur la rétine baisse presque les armes, ferveur balayée par son souffle ardent contre sa nuque. elle est soucieuse de vérifier que malgré la distance qu’elle creuse volontairement entre eux du bout de ses absences à répétition, elle reste tout de même coincée dans son crâne, sous sa peau. toujours cette jalousie qui lui corrode les veines, mila veut être la seule nymphe à marbrer ses songes même quand les draps sont veufs de son corps. celle qui se rêve reine ne peut décemment pas accepter de partager son royaume. et cash s’y impose en roi, couronne fièrement enfoncée sur le crâne. mais il la connaît trop bien, habitué à manipuler la grenade entre ses mains, il sait parfaitement sur quels boutons déposer le doigt pour enclencher le détonateur, quitte à se faire aspirer par le souffle de l’explosion. c’est ce qu’il fait, avec une audace qu’elle ne lui soupçonnait presque pas. allusion lubrique à une autre qu’il ne désigne pas précisément. c’est pourtant suffisant pour lui arracher les derniers soupçons de tendresse qu’elle était encline à lui offrir ce soir. l’erreur est fatale, mila garde les lèvres cousues l’une à l’autre pour contenir les flammes qui menacent de s’en échapper. elle veut continuer à nourrir le brasier juste assez pour le calciner et se délecter du spectacle. les sentiments sont bien vites oubliés dans les limbes de l’esprit troué, et c’est uniquement la rage profonde et d’un noir opaque qui recouvre les murs de sa boîte crânienne. elle fulmine, trace des lunes écarlates dans ses paumes d’une pression appliquée de ses ongles, y teinte ses phalanges d’un blanc presque immaculé. tandis qu’il continue de parler, elle ne lui offre que son silence, gardant jalousement le reste. calme plat avant la tempête, mila ne prends pas même la peine de toucher son verre, se contente de l’observer d’un oeil percé par le crépitement de l’irritation qu’elle sent remonter dans ses artères. et finalement quand ses mots se déposent directement à son oreille, sublimés par ses lèvres qui râpent sa tempe avec une sublime effronterie, elle sent la retenue finalement céder sous les assauts de ses nerfs saignés à vif. tu veux encore jouer nicky? pourquoi tu proposes pas à la meuf plutôt sympa? la question est rhétorique, écoutilles déjà scellées à toute réponse qu’il pourrait bien lui offrir. elle crache les mots avec une véhémence qui lui est bien trop souvent réservée, cadeau empoisonné qu’elle conserve et nourrit spécialement pour lui. la riposte est déjà toute tracée dans son esprit ravagé par cette possessivité qui lui ronge les viscères. l’oeil balaie la salle pour trouver ce qu’elle cherche, l’accessoire manquant à cette vengeance que son coeur réclame. et quand finalement la pupille s’arrête sur une silhouette effilée et une chevelure cascadante, c’est presque un sourire mauvais qui étire les lippes. c’est vrai qu’elle est pas mal, t’as de bons goûts. compliment hypocrite qui ponctue son départ, alors qu’elle l’abandonne bien vite pour fendre la foule et rejoindre la dite victime de son plan consistant à frapper avec deux fois plus de virulence que lui. sans lui offrir le moindre mot ni attention superflue, elle encercle sa nuque de ses doigts et vient presser avec force ses lèvres contre les siennes. baiser volé qu’elle saupoudre d’une ferveur appuyée, s’assurant en gardant les yeux ouverts que là bas cash n’en manque pas une goutte. aussi vite qu’elle est partie, elle le rejoint et en une imitation parfaite de ses paroles précédente glisse ses lèvres contre son oreille. t’es peut-être bon joueur mais pas moi chéri. quitte ou double. murmure toxique dont elle savoure chaque mot, assez inconsciente pour ne pas réfléchir au retour de bâton. mais qu’importe, quitte à chuter autant l’entraîner avec elle, les flammes de l’enfer seront peut-être moins suffocantes à deux.

Mila est d’humeur kamikaze, ce soir. Prête à se laisser imploser de rage si le souffle de l’explosion peut l’emporter lui aussi, où ne serait-ce que l’écorcher juste assez pour lui offrir la satisfaction de l’avoir touché. Un bien grand sacrifice pour le plaisir éphémère de lui arracher ce foutu suffisant de la bouche, mais quand il s’agit de Cash elle a la folie des grandeurs et se fiche bien des blessures à s’infliger elle-même pour pouvoir savourer le feu d’artifice. Et il est bien trop doué, connaît avec une perfection terrifiante sur quels boutons appuyer pour la faire bouillir, quels mécanismes enclencher pour l’apaiser quand les mots commencent à devenir trop tranchants. Alors évidemment, même après que le jeu soit terminé, il joue son as, celui avec lequel la défaite n’est pas envisageable. Jouer sur la jalousie maladive qui lui dévore les entrailles, le parasite à l’essence même de tous les dysfonctionnements qui polluent leur relation. Et comme à chaque fois, elle ne prend même pas la peine de réflechir, et s’enfonce profondément dans le piège qu’il lui tend grossièrement. Pas de retour en arrière possible à présent, mais Mila enfonce les barrières et emmerde les limites, c’est la fureur qui lui obstrue la vision et l’envoie noire de lui faire ravaler violemment les mots qu’il a eu le culot de prononcer. Combattre le mal avec le mal, le meilleur moyen d’obtenir réparation lui semble être de se pendre à d’autres lèvres, d’offrir ce qui lui est réservé à la première personne, et de lui barbouiller son triomphe avec délice. Le résultat ne se fait pas attendre, la harpie se régale à deviner ses phalanges se blanchir autour de son verre, et son contenu glisser contre sa gorge pour tenter d’étouffer l’incendie qui lui ravage les entrailles. C’est l’étau de sa main qui se resserre avec une pression juste un peu trop appuyée pour ne pas le trahir, et juste un instant alors qu’elle vient constater l’étendue des dégâts au creux de ses yeux, elle sent son palpitant louper un battement. Infime, parce qu’elle retrouve sa stature presque immédiatement, mais une fêlure quand même dans le rideau épais de colère qu’elle lui balance à la figure. Son but était de la rapprocher, alors que le sien est de s'échapper de cette proximité volcanique qui lui consume le visage. Mais c’est les instincts qui répondent, la conscience déjà oubliée dans un coin du crâne depuis longtemps, et elle se laisse happer dans son halo ravageur, se rapproche de lui avec l’effronterie maculant les lèvres. C’est quoi au juste, une menace? Qu’est-ce que tu comptes faire? Mila aimerait grapiller l’ascendant, mais dans ce genre de guerre les rôles sont trop mélangés pour qu’il y ait de gagnant. Seulement deux perdants, acculés par leurs propres démons qu’ils n’ont pas parvenu à garder muselés. Il avait suffit d’une simple remarque désuète pour la faire imploser et perdre toute once de retenue. Elle ne prend pas garde aux dégâts, se contente juste de chercher à le pousser au bord du précipice, comme à chaque fois. Pourtant elle sait très bien qu’il l’entraîne toujours dans sa chute, mais qu’importe. Ses mains viennent s’écraser contre ses épaules, le repousser en arrière, continuer dans la provocation pour voir jusqu’où il est prêt à aller cette fois. Un peu plus que la dernière fois, un peu moins que la prochaine. Rentrer avec elle? Je t’en prie, j’ai pleins de personnes qui attendent juste un message pour prendre ta place. Pleins. L’affirmation est déformée, siffle avec une fureur exagérée. Elle veut exacerber la réalité pour obtenir la meilleure réaction possible, et réparer au mieux son ego froissé. Et probablement qu’il saura détecter le bluff, savoir qu’il ne s’agit que d’une énième arme facti pour riposter, ou peut-être que comme elle c’est la jalousie qui prendra possession de tous ses moyens.