canailles. (kamil)

l’air frais. c’est un truc dont il profite pas souvent, cash. pas souvent, voire même rarement. il passe ses journées enfermé à la salle de boxe, ou bien sur le ring, avec l’odeur âcre de la sueur et du sang. dans les clubs miteux à miser l’intégralité de la fortune gagnée la veille. ce soir il a l’air insouciant qui fait papillonner son bide. ou peut-être est-ce seulement l’air des soucis qu’il inspire, au loin. l’adrénaline d’avoir à s’en sortir, encore. il est presque capable de les sentir arriver. il sait, qu’ils sont pas loin, ils le sont jamais. toujours au coin d’une rue, au détour d’un café. sans qu’il n’arrive à les éviter, pourtant. on pourrait croire, à force d’entraînement. mais non. trop con pour savoir les anticiper ou bien seulement les éviter, peut-être qu’il aime trop ça au fond cash. ouais, c’est ça. attrait bien défini pour tout ce qui le foutra en l’air. de son choix de femmes, partagé entre l’incendie et la folie. mila ou deva. de son incroyable capacité à se foutre la tête la première dans les emmerdes, à se frotter aux bras plus gros que les siens encore. ceux qui tiennent un flingue au bout de leurs poings serrés. cash, lui, n’a que ses dix doigts pour mettre à terre par K.O, ce qu’il fait généralement assez bien. mais là, il a la tête qui tourne, cash. enfoncé dans les embrouilles jusqu’au cou. ce soir, s’il se rend au blue lagoon, c’est pas pour y repartir avec une gonzesse pendue à chaque bras. il doit parler business avec un acolyte, l’un des seuls qui, il le sait, pourra l’aider à se sortir de là. quand il le rejoint, au comptoir du bar, il a la main qui s’écrase sur son épaule, la serre entre ses doigts par pure complicité. salut mec il l’aime bien kamil. les dents pétées et la gueule déformée. la rage jusqu’au fond des poings. il a du potentiel, kamil, cash l’a toujours su. il ferait un bon protégé s’il ne jurerait pas autant par les règles de la rue. et dans la rue, des règles, il n’y en a aucune. là est tout le problème, kamil est un loup et le ring exige de l’entraînement. de l’assiduité. une volonté à en faire pâlir les moines. cash est certain que kamil se bat par ennui, par manque de savoir où passer la nuit. et si ça lui coûtera sûrement beaucoup sur un ring de pros, ce soir c’est exactement pour ça qu’il vient le chercher. cash a besoin d’aide. et dans le maigre kaléidoscope, les vrais ne font pas vraiment la queue pour le suivre au bout de ses conneries. il décide de pas l'assommer tout de suite avec les affaires de grand garçon. parce qu’ils sont là, tous les deux. ils ont la soirée devant eux, une jolie vue sur les décolletés des filles. peut-être qu’il branchera kamil avec l’une d’entre elles, cash est certain qu’il sait pas aussi bien y faire que lui. un jour, il lui apprendra. et ils seront champions, à deux. il fait signe à la serveuse, elle aussi est jolie. elle mérite bien un pourboire. deux. vous pouvez mettre ça sur sa note. et il a la tape amicale qui frappe à nouveau dans le dos de son pote, le sourire aiguisé de l’enfoiré qui perd jamais vraiment de sa contenance.

y a plus que l’air bon enfant qui traverse la salle du blue lagoon quand il arrive. des sourires sournois qui fendent les gueules, des yeux noirs qui prévoient rien de bon. rien qu’une nuit encore à errer. ce soir au moins il erre pas seul, il sait toujours trouver la bonne compagnie cash, la souhaite rarement. ce soir c’est kamil, ce soir c’est les vieux potes, ce soir c’est les poings serrés et les coups de coudes pour provoquer. ce soir cash n’a pas besoin de regarder derrière son épaule et c’est plutôt attrayant, une soirée rien que pour profiter. et puis pour oublier. t’as besoin de moi pour t’arranger un coup maintenant ? le rictus du grand méchant loup sur la gueule cassée, parce que ça l’fait rire. il a l’oeil malicieux qui se veut provocateur, il cherche la petite bête pour déclencher les fausses rages, celles qui se terminent en bonnes vieilles tapes sur l’épaule. perds pas ton temps vieux, c’est moi qu’elle va préférer. il le dit sur le ton de la raillerie, rappel à peine masqué que le champion, c’est lui. égo surdimensionné du garçon qui voudrait tout avoir. le succès, le charme. l’argent et la réussite. les potes et la famille. et des femmes à n’en plus finir. il sourit encore quand l’alcool lui brûle les lèvres, et il a le regard qui se parsème de noir. un coup d’oeil sur l’arcade enflée de son pote, rien d’inhabituel pour les gars comme eux, ceux qui perdent les poings chaque soir dans la cage. c’est qui, ce connard ? un autre genre de scène, mais les combats restent les mêmes. tu m’appelles, comme d’hab. sur le ring ou dans la rue, il sera là. parce qu’ils sont peu à valoir quelque chose et même si cash fait partie d’ces loups qui n’font confiance à personne - et à qui on n’peut pas faire confiance, paradoxalement - y a quand même de ces gens pour qui il ferait une exception. kamil et cash ça remonte à loin. et rien que pour ça, ça vaut quelque chose à ses yeux. j’ai vu mieux. il déchante vite, mais il ment pas cash. il sait d’expérience que s’ils s’accrochent autant l’un à l’autre, c’est qu’ils sont dans le même bateau. j’me suis fourré dans de sales merdes. un gars qu’il faut pas faire chier. et c’est même pas une blague. c’est trop répétitif pour ne pas y croire, une habitude qui prend plus d’ampleur qu’il ne l’aimerait, cash. il a le sourire froissé du gars sur les nerfs, pas vraiment inquiet - mais un peu quand même. j’dois trouver un mec et lui faire cracher les 10 000 qu’il planque quelque part. y a qu’ça à faire pour effacer la dette que j’lui dois. y a le genou nerveux qui s’affole et sa main qui frotte sa nuque, par habitude. peut-être qu’un jour il arrêtera. peut-être qu’il se rangera, du bon côté cette fois. pour l’instant il en est pas capable, il court après les emmerdes comme après les femmes, ne s’arrêtera que quand il sera trop tard. le seul truc, c’est qu’le mec est introuvable. et c’est bien ce qui le met dans une situation compliquée. le piège s’est refermé sur lui. s’il dit non, il est foutu. s’il dit oui, il est tout aussi foutu. y a pas d’issue, rien qu’un faible espoir qu’une chance de cocu lui tombe sur le coin de la gueule - et il hausse un sourcil abruti en s’disant qu’il devra voir ça avec mila. t’en es ? un coup d’oeil vers lui, cette fois il est plus vraiment inquiet. il sait déjà que les pires coups, c’est à deux qu’ils les font.