broken mind (beau)

- la tête tournée vers les étoiles -(one) un soir d’orage, de tempête. elle regarde son mari, les poings serrés, la mâchoire crispée. elle vient de perdre les eaux. elle sent son entrejambe mouillée. il l’emmène à la maternité. il lui faudra attendre douze heures avant d’enfin serrer le petit beau dans ses bras.
(two) c’est sa grande sœur qui a choisi son prénom. personne ne sait ce qui s’est passé dans la tête de la petite fille quand elle a choisi de lui donner son prénom. il l’aime son prénom, il trouve que ça sonne bien, que ça le représente bien. il aurait pas supporté avoir christopher en premier prénom.
(three) c’était un gamin turbulent, qui ne tenait pas en place. on le voyait détaler à quatre pattes dans la maison. et puis quand il sut enfin marcher, ce fût fini. ses parents passaient leur temps à lui courir après, faisant éclater sa grande sœur un peu plus sage au passage. déjà a cet âge, beau était un petit malin, très content de pouvoir défier l’autorité parentale.
(four) première rentrée scolaire. premier ami. première fois qu’il quitte ses parents pour une journée entière et pour se retrouver entourer d’inconnus. le temps des premières fois. mais il s’en sort plutôt bien beau. c’est un petit garçon, vif d’esprit quoi que tout de même un peu capricieux. personne n’est parfait.
(five) sa mère lui a fait prendre des cours de piano, comme elle en a fait prendre à son ainée. le piano, c’est une histoire de famille, il n’y a que le père qui n’en joue pas, restant souvent dans son coin, quand les trois se réunissent autour du clavier. pas de sa faute, il a pas eu la même éducation. c’est sa femme qui a abandonné sa vie de château pour lui.
(six) quand il débarque au collège, ça devient un peu plus compliqué. il fournit le minimum syndical. pourquoi faire plus ? si ça suffit, c’est qu’il n’a pas besoin de faire plus. ses parents essayent de le pousser à faire plus d’efforts, essayent de le pousser à prendre exemple sur les premiers de la classe qu’il n’apprécie pas. beau, ça le braque, ça lui donne encore moins envie.
(seven) après le piano, il y a le dessin. s’il partage la musique avec sa sœur et sa mère, il partage le silence, des feuilles et un crayon avec son père. son papa, il est ébéniste. il sait comment dessiner des courbes, il sait comment sublimer un dessin par une sculpture. son papa à beau, c’est son héros.
(eight) et puis, y’a aussi cette fille, au loin. elle est jolie avec ses cheveux roux, elle le fait rougir avec ses sourires. c’est son premier béguin, sa première petite amie. ça a duré trois semaines. mais c’était déjà beaucoup pour lui. et puis après, il s’est rendu compte que son amour ne s’arrêtait pas aux jolies filles, il allait parfois aussi aux beaux garçons. mais il préférait pas trop le montrer, il ne savait pas comment les autres allait réagir.
(nine) quinze ans. le divorce des parents. la mère qui l’a demandé, après une énième dispute. il l’a mal vécu. il se reposait sur sa grande sœur. il ne supportait pas d’être déchiré entre les deux personnes qu’il aimait le plus au monde. sa maman a fini par partir, déménageant, les quittant. il va la voir, parfois, pendant les vacances. mais il lui en veut.
(ten) il a pris option art plastique au lycée. sa prof de dessin lui a demandé, s’il ne voulait pas faire autre chose que ses gribouillis dans les marges de ses cahiers. il a dit non beau. il veut pas faire ça. pas assez d’imagination pour une bd, pas assez de talent pour tout simplement dessiner. enfin, c’est ce qu’il pense. alors il se contente des marges de ses cahiers.
(eleven) diplôme en poche rime avec indépendance. il avait déjà commencé à travailler lorsqu’il était au lycée. il travaillait au fast food du coin, sentait la frite à longueur de journée. il a arrêté de servir des frites et s’est attaqué au café et au service en salle. c’est pas si terrible que ça. son job lui permet de payer le loyer de son petit studio.
(twelve) il s’est déjà dit que plus tard, il achèterait une grande maison avec un terrain. il aurait sûrement la famille qui allait avec, deux enfants, une sorte d’âme sœur et un chien. une vision sans doute un peu niaise, parce que rien ne se passe jamais comme dans ses rêves, il l’a compris assez vite beau.
(thirteen) en plus de lui donner un salaire tout a fait convenable pour le jeune homme qu’il est, son boulot lui permettait de faire des rencontres. c’est d’ailleurs récemment, qu’il a osé marqué son numéro de téléphone sur le gobelet d’un client, charmé par son sourire. il attend juste un appel. un sms. mais s’il commence à penser que ça ne sert plus à rien d’espérer.
(fourteen) il aime passer du temps sur le toit de son immeuble. lui, contre le reste du monde. beau y monte sa chaise pliante et s’assoit. il observe le ciel, les gens qui marchent dans la rue, les quelques voitures qui passent. il a déjà pensé à partir, quel jeune n’a jamais pensé à mettre les voiles pour une plus grosse ville ? mais il ça ne l’a jamais tenté. c’est là qu’il est né, c’est sûrement là qu’il mourra.
(fiveteen) récemment, il a appris que sa mère se remariait. ça l’a mis en rogne. sa petite vie de couple parfaite lui donnait la gerbe. plus jamais il ne voulait mettre les pieds dans sa maison. beau voulait tout simplement quitter sa vie. il n’y avait que sa sœur qui l’en empêchait. qui arrivait à le résonner. sûr que sans elle, il lui aurait déjà hurler ses quatre vérités avant de foutre le camp. c’est pas l’envie qui lui manque.