the a team (cia)

- la tête tournée vers les étoiles -
t'avais six ans quand il est venu dans ta chambre ce soir là. en fait c'était même le soir de ton anniversaire. il a dit qu'il avait encore un cadeau pour toi. qu'est ce que t'allais faire à cet âge ? bien sur que tu l'as cru. bien sur que tu l'as laissé entrer, refermer la porte. t'as même obéi quand il t'as dit de fermer les yeux. il avait ses mains sur toi. t'étais pétrifiée mais t'es restée silencieuse. jusqu'à ce qu'il s'en aille, qu'il te laisse dans un silence lourd et bourré de culpabilité. ça a duré des années comme ça. peut être qu'il pensait qu'en disant rien tu consentais. qui allait croire une enfant face à une figure d'éducation ? une figure religieuse même ? cet orphelinat orthodoxe t'y es restée jusqu'à la majorité. tes pires cauchemars s'y sont réalisés. pas un seul bon moment, jamais, aucun. jusqu'à tes treize ans le père matthew n'a cessé de se servir de toi comme d'une chaussette. après, tu ne devais plus l'intéresser, il a du passer à une autre des petites. personne ne savait pour toi, ce n'était pas une histoire connue. comment saurais tu donc si il faisait d'autres victimes ? à seize ans, tu t'es liée d'amitié avec cette fille, suzi. mais un soir, les choses ont dégénérées. t'as été surprise, pas habituée à ça et en même temps quand même un peu. elle se forçait sur toi elle aussi. elle disait qu'elle t'aimait dans l'oreille et que si tu l'aimais aussi il fallait que tu restes tranquille, que t'allais adorer ça. mais ce n'était pas le cas. pourtant t'as obéi cette fois encore. ta seule amie, bien sur que tu l'aimais dans un sens. c'était confus et bien trop déroutant. ça n'a plus jamais eu lieu ensuite. elle a même arrêté de te parler, du jour au lendemain. dévastée, tu n'as cessé de compter les jours qu'il te restait à vivre là. et quand, enfin, tu as eu dix huit ans, que t'as pu partir, t'as tout fait pour trouver de l'argent et fuir ce pays pour aller le plus loin possible. c'est comme ça que tu t'es retrouvée aux etats unis. sans un sous en poche mais pleine d'espoir.

les gens parlent de l'american dream. et si tu leur racontais ton histoire, personne ne te croirait. ces choses là, ça ne se passe que dans les films. tes parents ne t'auraient jamais abandonné sans raison, tu devais forcément être difficile à vivre. et si le père matthew s'est permis d'aller aussi loin en toi c'est parce que tu lui en as donné la possibilité. en fait, tu sais qu'on te traiterait de salope. après tout, c'est un peu vrai non ? il doit bien y avoir quelque chose en toi, dans ton comportement, qui explique ce qu'il t'est arrivé. parfois toi aussi t'y crois. toi aussi tu te dis que finalement ta vie c'est un peu comme une fatalité grotesque dont il suffit d'attendre la fin. c'est même plus une question d'avoir la force de te battre contre ces pensées. tu n'en vois juste pas l'intérêt. bien sur que tu rêves d'une belle vie, celle des beaux films romantiques. mais tu sais que ça ne sera jamais pour toi alors à quoi bon continuer d'y croire ? tout ce que t'as jamais voulu c'est quitter ton pays natale, laisser tes bagages psychologiques là bas et ne jamais faire demi tour. mais ça va faire quatre ans que t'es là bientôt et t'as jamais été aussi instable. tu traînes pas avec les gens qu'il faut, tu gagnes de l'argent en bossant dans un vieux diner pourri mais surtout en vendant de la drogue. tu bois et bien sur que t'essayes ta marchandise. la seule chose dont t'es incapable c'est l'intimité avec quelqu'un. pas quand t'es net en tout cas. en fait, il faut que tu te retrouves dans un état totalement second, que ton corps soit incapable de bouger pour accepter. faut que ton cerveau s'arrête. y'a que comme ça que tu ne sens plus rien.