CLYDE & REED - Combat de chiens

Combat de chiens
@Clyde Morrison & Reed Taylor



23 heures.

T'as fini ton service, rangé l'insigne et tombé le gilet pare-balle. Ce soir, tu as envie de te divertir alors tu sors couvert (cash, flingue, capote - la base) mais en civil afin d'assister à ce que ce monde a de plus cruel à offrir, la preuve que l'humain n'a de respect pour rien : des combats de chiens.

Y'a pas mieux pour exciter un homme. Toi-même qui trouves la pratique dégueulasse ne peux nier que c'est toujours un plaisir sauvage et purement masculin de voir le sang couler et de parier sur le vainqueur tandis que le vaincu agonise à même le sol. L'allégorie de la guerre, ni plus ni moins et ni plus ni moins violente, au final, que celle que tu mènes aux fils de pute qui brisent des vies pour vivre la leur. Quand tu vises la tête, lors d'une fusillade, tu ne vaux pas mieux que ces connards qui beuglent autour de toi. Certains secouent des billets par-dessus la foule dans la lumière sépia d'une ampoule poussiéreuse, pendue à un fil descendant des méandres du plafond si haut qu'on ne l’aperçoit même pas. Ici, tout résonne, le bruit de l'os comme celui des cris d'encouragements. L'arène n'a rien de solide, c'est du vite fait. Ces cons savent-ils qu'il suffirait que l'un des chiens change de cible pour que les grillages à poule tombent sur leurs jambes amputées par les molosses ? Probablement pas, non, et cela participe encore un peu plus à l'excitation qui te prend.

Il y a du danger ce soir. Tout est illégal ici.
Pourtant, tu ne fais rien, tu observes, ton ticket de pari dans la main, calme au milieu de la tempête.
Tu as fini ton service. Dans ce trou à rats, tu n'es pas un flic, tu n'es qu'un chien, toi aussi.

Combat de chiens
@Clyde Morrison & Reed Taylor

Comme bien souvent pour qu'une situation dégénère, ça se passe très vite.
D'abord le chien blanc choppe le noir à la gorge. Couinements, éclaboussures : le pelage immaculé devient carmin. Puis la prise de conscience : le combat est terminé, l'heure de régler les paris a sonné. Mélange de la violence avec de l'alcool et de l'argent, tu obtiendras un cocktail détonnant d'agressivité à laquelle s'ajoute ici la mauvaise foi des joueurs. Un gamin tombe, tu baisses les yeux, déjà conscient que le monde est sur le point de déraper. Il est défoncé, on ne voit que ça. Soudain, le premier coup de feu ; ces enculés de manouches, jamais foutus d'accepter la défaite dignement. Ca se bat, ça fuit et surtout ça sort les flingues pour faire les malins. Forcément, sans contrôle de sécurité, à quoi tu t'attendais comme public ?

C'est l'instinct qui agit : Tu plonges, attrapes ce gosse par le col et l'entraînes à l'écart, poussant dans son dos pour le faire avancer dans un coin tandis que ton autre main brandit déjà ton arme. Boum : headshot. Boum : dans le dos. Un, deux, trois (soleil !) cadavres pour dissuader quiconque d'encore s'en prendre à toi, puis tu t'accroupis à côté du junkie, à couvert d'un pilier en béton cylindrique suffisamment large pour vous y cacher tous les deux.

- J'espère que t'es perché, gamin, parce que ton bras est pas beau à voir. Pas beau du tout à dire vrai. Fais-toi un garrot si tu veux pas crever ici. Sauver sa peau, pourquoi pas, tu avais une main de libre. L'amener aux urgences ? Faut pas pousser. De l'autre côté du pilier c'est toujours le Kosovo. Les tireurs sont à terre mais les autres se battent à mains nues et personne n'a remarqué que ce qui devait arriver est en train de se produire : le chien s'échappe. On entend les hurlements du premier qu'il choppe à la nuque sans plus vouloir le lâcher : une véritable boucherie. Toujours accroupi, tu pivotes et te penches, adossé au pilier, le flingue au bout des doigts. Coup d’œil sur la scène puis retour rapide à ta cachette. Alors, combien de macchabées tu mises sur le chien ? Avant que l'un de ces cons ne le plante et mettent fin à la bagarre générale en tuant le prétexte de la soirée. Bande d'ivrognes.