HE WILL PLAY GOD : bo & roméo

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am i mistaken?
we're already braking
on our way from the long time
baby play god

les corps qui s'élancent. la musique bourdonne dans les oreilles. roméo il joue fort, ce soir, il se nique les doigts, la peau s'en va, y'a du sang sur la guitare noire. mais les gens sautent un peu plus, ce soir. puis lui aussi. et y'a pas de place pour quoi que ce soit à part sa musique. parce que les gens sont heureux, là. et lui aussi. et il se dandine, il crie, il pleure presque. mais il vit, là, roméo. il vit.
puis y'a une cinquantaine de personnes, voir cent peut être, roméo il calcule pas très bien. c'est l'arrière du bar, y'a pas tant d'éclairage que ça à part en plein dans sa face. et il voit pas les visages, il voit surtout les silouhettes, les gens qui applaudissent, pas grand chose, en soit. il voit les corps qui se trémoussent, cherchant le plus de contact possible pendant les chansons les plus lentes. ils voit les briquets se lever, il voit les moshpits se former. et il continue de chanter, roméo. il chante à tue-tête, utilise toute la force de ses poumons. chansons qu'il connaît bien trop par coeur, chantées déjà un milliard de fois. les chansons qu'il a écrites dans sa chambre tout seul, quand il pensait qu'y'avait personne. mais les gens ils sont là, ce soir, ils sont tous là et ils connaissent les paroles. il chantent, eux aussi, puis ils dansent. et il est plus si seul, roméo, il est plus si seul parce qu'il y a du monde, autout. et puis y'a ses copains. et il en a écrit des chansons, avec eux. il a écrit des trucs tout cons, quand ils étaient vachement défoncés, puis autour d'un feu ou une connerie du genre. y'a des chansons qui parlent d'amour, et d'autres chanson qui parlent de l'apocalypse. y'a de tout, dans sa tête, à roméo. y'a beaucoup d'amour, mais y'a de la peine aussi. et ça il le crache, il l'envoie à la face des gens dans la foule. et ils aiment, eux. ils aiment.

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La musique résonne dans sa poitrine. Elle étourdit son cœur ; elle fatigue ses démons ; elle s’empare de lui, et Bo, assis au bar, dos à son verre qu’il vient de vider d’un trait, il regarde les corps se mélanger, se séparer, il regarde ces âmes se percuter et se libérer. Il a un sourire sur ses lèvres humides. Pas un sourire d’apparat, comme celui qu’il donne à ses patients récemment, comme celui qu’il a donné au serveur, il y a quelques minutes. Sa tête se balance, son pied imite la rythmique ; Bo se laisse ensorceler par la musique, sans avoir tenter de résister. Il s’était convaincu que cet atmosphère ne pouvait lui faire que le plus grand bien. Que des notes de musique un peu forte, que quelques verres d’alcool, que l’odeur d’un bar ne pouvait pas échouer à l’extraire de son quotidien assombri. Il voulait s’amuser. Il avait besoin d’une distraction. Musarder loin de la prison de son monde qui s’effrite. Il s’était convaincu que sortir ne pouvait lui faire que du bien, même s’il ne devrait pas dépenser de l’argent vainement, même si sa mère aurait besoin de son épaule, encore une fois, encore un peu plus, pour s’y perdre et pleurer sa détresse. Mais là, perdu dans un monde d’ivresse et de liberté, là, Bo s’y sent bien, et il n’y a aucun autre endroit où il préfèrerait être. Il sourit, un peu plus, en regardant la passion animer le chanteur du groupe. Il ne connait pas le groupe. Il n’y connait rien en musique. Mais celle-ci, Bo l’aime. Peut-être un peu trop facilement, peut-être sous l’effet de la vodka qui l’ébranle et engourdi ses sens. Peut-être pour le leader du groupe. Il sourit, férocement. Son cœur pulse en rythme avec la mélodie. Le corps du chanteur se détache dans la faible lumière qui éclaire la scène, et les quelques visions lucides qu’il capte de son visage l’enchante encore plus que les paroles qu’il chante. Il l’envie. Il envie son énergie. Il envie sa passion. Il envie cet inconnu que Bo imprime dans son esprit, pour revivre et revivre ce moment lorsqu’il sera perdu. Il sourit, secoue la tête pour retrouver ses esprits et s’invite dans la foule, les yeux découpant la silhouette du chanteur alors qu’il se fraye un passage. Il pousse une porte, vers les toilettes, et s’avance dans un couloir sombre. Les coulisses. Il y pénètre, l’âme aventureuse, et s’y perd alors que derrière lui, la musique cesse dans un chaos d’applaudissement.

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puis la chanson se finit. les cris. les applaudissements. mais y'a pas de rappel. roméo il est un peu connu, pas trop quand même, pas du tout peut être. mais ça lui suffit. c'est très bien, déjà. parce que partir partout pendant longtemps c'est peut-être pas la belle vie, au final. les gens qui te prennent en photo, c'est peut être pas énorme, au final. du coup il est bien, là où il est. ça lui suffit, les petites salles. ça lui va, l'arrière du bar. puis c'est déjà très bien.
et y'a tout le monde qui part de la scène, et roméo reste un peu plus, parce que c'est cool quand même, il prend une fleur, toute seule, y'en a pas plus parce que le groupe de roméo c'est pas un énorme boyband connu mondialement. c'est pas la grosse fête, encore une fois. c'est juste la rose. puis il sourit vachement, roméo. parce qu'il a une fleur, roméo.
puis il quitte la scène, un peu après, quand y'a deux trois techniciens qui se ramènent. il part, enfile une cigarette entre ses deux lèvres puis l'allume dans le couloir, juste après avoir quitté les projecteurs. et il sourit toujours, ce con. parce que c'est cool, comme vie, c'est pas horrible. et peut être qu'un jour, il fera ses grands voyages. peut être bien, ouais. dans le sens où ça va, en tout cas, c'est possible. parce que même s'il est vachement bien là, il pourrait être encore mieux, roméo. il pourrait partir loin.
et un peu plus loin y'a un mec. et leurs regards se croisent, avec le gars. il est pas mal, du tout. il est un peu loin, mais même de là ça se remarque. beauté mal éclairée se fait accoster par un mec de la sécu, qui le bouscule un peu, lui demandant de sortir. mais roméo il s'avance, il l'écarte, la grande armoire à glace, laisse, il est avec moi. puis il le regarde un peu, encore. de plus près. puis il sourit un peu comme un con, un peu gêné peut être. il fume encore, se gratte la tête. il était avec lui, maintenant.

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Bo il bouscule les murs de chaque côté du couloir. C’est petit, comme couloir, et ses pas sont incertains. Il a un sourire figé sur le visage, un air enfantin, parce qu’il sait au fond qu’il a fait une connerie en venant dans le sud, en venant dans ce bar miteux, en venant ici seul en espérant repartir à deux. En buvant déraisonnement de la vodka pure, comme un vrai russe, dirait babushka. Sauf que le russe, il tente tant bien que mal de marcher droit dans ce couloir ridicule, et il échoue minablement. Il tente de trouver les toilettes, mais lorsqu’il se décide enfin d’ouvrir une porte, il tombe sur un mec assis à une table, un mec qui fait peut-être le double de son poids, un mec plus grand, et il a beau sourire sauvagement, Bo, son sourire il ne trouve pas preneur et tout ce qu’il éveille chez le type de la sécurité, c’est un regard noir et interrogateur. « Mauvaise porte », qu’il dit avec un accent russe qui se réveille de nul part, qui l’étonne autant qu’il n’inspire pas l’homme en face de lui. Quand il se met debout et qu’il s’avance vers lui, Bo tente un pas en arrière, mais il ne trouve qu’un mur et il sait qu’il est fichu. Il se répète qu’il n’aurait pas du venir ici, qu’il n’aurait pas du venir dans le sud, parce que babushka avait raison : rien de bon n’arrive dans ce quartier de la ville.
Une main sur son épaule, une étreinte un peu trop forte au goût de Bo. Il se retrouve dans le couloir, en train de marmonner qu’il était simplement à la recherche des toilettes, mais aligner deux mots dans cette situation est un supplice inexpliqué. Il sait que dans quelques secondes, il allait se retrouver dans arrière cour, une ruelle aussi sombre que les yeux du type de la sécurité, et qu’il sera encore plus perdu qu’il ne l’est maintenant. Mais une partie de lui s’en fiche, profondément, de la façon dont il va finir. Andrea lui a dit : il faut vivre au présent. Et c’est ce qu’il fait. Il vit l’instant, et se faire jeter d’un bar minable, c’est inédit pour Bo. Aussi soudainement que Bo se fait pinailler contre un mur, un homme s’interpose, et en quelques mots, en l’espace d’un instant, la main du type sur son épaule n’est plus qu’un souvenir et il se retire sagement dans son antre.
Bo, il s’adosse contre le mur derrière lui, et il sourit. Il a envie de rire, parce que l’adrénaline n’avait pas atteint ce pic depuis longtemps, et que la sensation est divine, mais il se retient lorsqu’il plonge les yeux dans ceux de son sauveur. En temps normal, Bo, il s’excuserait, il s’épancherait dans des explications, dans des démonstrations, mais le regard de l’inconnu est tout ce qu’il importe. Parce que c’est le présent. Et rien que le présent qui compte. Il s’approche de lui, de son oreille. « Je suis avec toi, alors ? » qu’il murmure, comme s’il dévoilait un secret. Il sourit, il s’appuie à nouveau contre le mur et dans un éclair, il réalise enfin devant qui il est. Le chanteur. Ce chanteur. Celui qu’il a dévisagé en toute clandestinité. Bouche bée, yeux écarquillés, il la ressent enfin, cette gène déguisée en euphorie. « T’es la rock star, t’es le chanteur ! » qu’il murmure à nouveau, par automatisme plus que par volonté. Il lui sourit, un peu plus fort qu’avant. Peut-être pourra-t-il le sauver une deuxième fois. « T’as une loge ? Je vraiment besoin de pisser, et je trouve pas ces fichus toilettes » qu’il prononce, à nouveau à voix basse, à nouveau en se penchant vers son oreille, plaçant une main sur son épaule lorsqu’il perd son équilibre une seconde.

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y'a pas mal de trucs qui se passent dans sa tête à ce moment là.
les étoiles filent, explosent, feu d'artifice mental. un mélange de désir, d'alcool et de fatigue. et beaucoup d'excitation. comme si son cerveau cherchait à reprendre son souffle, à respirer du concert qu'il venait d'effectuer, à laisser sortir toutes les paroles ancrées au fond de son crâne une bonne fois pour toutes. avoir une vie réelle, normale, qui tourne pas uniquement autour de quelques mots sur un bout de papier.
sauf que là, il vit. et même si son cerveau est en ébulition, que son esprit est empli de la fumée qui s'échappe d'entre ses lèvres, il vit. et il vit avec le mec, là. avec le garçon en face de lui, qui a l'air de chercher ses mots, se chercher sa tête. il a dû la laisser tomber un peu derrière. mais ça lui va, à roméo. c'est plus drôle. parce que quand on est désinhibé, on dit tout ce qu'on pense. on est sincère. et ça lui va, roméo. très bien.
puis il lui susure des mots dans le creux de l'oreille, des paroles suaves dans le cou. il sent la chaleur de ses paroles effleurer sa nuque, et il écoute, sourire aux lèvres. je suis avec toi, alors ? et il baisse un peu la tête. il rougit un peu, roméo, mais il sourit, surtout. et il le regarde un peu plus. il relève la tête, puis il le regarde, dans les yeux, dans l'âme. puis il allait répondre, mais le mec s'émerveille déjà, lui coupant la parole. t'es la rock star, t'es le chanteur ! et il a l'air vachement étonné, puis roméo il lève un peu les sourcils aussi, parce que le mec s'est vraiment perdu. mais roméo y'a un gros boum, dans son coeur, là. parce qu'il l'a appelé rock star. c'est une étoile, roméo. c'est le chanteur. c'est la célébrité. et c'est surtout une des premières fois qu'on l'appelle comme ça, et pas juste par son prénom. du coup il rigole un peu, souffle par le nez. roméo. je m'appelle roméo. qu'il dit, un peu plus doucement, pour que le mec respire un peu. et le mec tombe un peu sur lui, s'appuye sur son épaule pour lui demander lentement l'accès aux toilettes. puis il rigole, il pouffe de rire. le mec a fait tout le trajet pour pisser. ouais, t'inquiète. suis moi. et il prend délicâtement sa main. il s'y accroche, puis l'emmène. il le guide. et le mec titube un peu, mais il lui montre le chemin, il le laisse s'appuyer sur lui. et ils marchent, puis roméo rigole de temps en temps. et ils arrivent à la loge. la green room. et y'a les mecs, le groupe, les copains qui sont là. puis roméo leur fait un signe de la main puis s'arrête de marcher et pointe une porte du doigt en se tournant légèrement vers le mec. c'est là.

» Let's play a game. + MIA
» « The game you play isn't fun anymore. »
» Just play your song ♪ | Luka
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