the worst mood / eliaz & tekla

c'est beau, si beau que ça leur en couperait le souffle à tous les trois. c'est beau lorsque leurs lèvres se lient, que leurs trois corps se touchent, s'entremêlent, se complètent. c'est beau lorsque ça se murmure des je t'aime à l'oreille, des je t'aime à répétition grâce à l'alcool qui délie les langues. c'est beau, si beau. puis parfois, ça éclate. ça fait tellement d'étincelles que l'appartement en prendrait presque feu. dans ces moments, asa, il gueule. il gueule jusqu'à ne plus avoir de voix. il gueule des insultes, des mots trop durs pour sa réelle pensée. il gueule puis il se barre, claque la porte et laisse les cris derrière lui. parce que ça, tout ça, c'est aussi beau que ça peut en devenir laid, en donner mal à la tête. asa, il lui arrive de ne plus les supporter, eliaz et tekla. il lui arrive de les haïr pendant un temps avant que sa haine ne se retourne contre lui. ça, tout ça, c'est de sa faute. pourquoi il est comme ça, asa ? pourquoi il n'arrive pas à les aimer, à les chérir sans les détruire ? pourquoi ? autant de questions sans réponses qui s'emmêlent dans son esprit, lui arrachent des cris de douleur et le font cauchemarder la nuit. et asa, il a toujours préféré fuir, abandonné ses amours naissants pour éviter de les briser de ses pauvres mains. il l'a toujours fait jusqu'à ce qu'ils arrivent, tekla et eliaz. à eux deux, ils ont tout changé. aujourd'hui, asa, il ne peut plus fuir, plus comme avant. et même s'il part pendant des jours sans donner signe de vie, il sait, ils savent qu'il reviendra toujours auprès des seuls réels amours de sa vie. il sait, ils savent qu'ils se retrouveront toujours à trois, les lèvres liées et les jambes entremêlées sous les draps.
et là, dans le froid de cette rue à peine éclairée, il se demande ce qui est le mieux à faire. il pourrait retourner auprès de ses amants, tenter de se faire pardonner pour tout, tout depuis le début de leur idylle. cependant, par fierté, il n'y retournera pas, asa. pas maintenant. pas avant d'avoir pu respirer, vider sa tête de toutes ces conneries, de toutes ces choses qui sont insignifiantes mais qui arrivent pourtant à provoquer la troisième guerre mondiale entre eliaz, tekla et lui. une, deux, trois heures. il ne sait pas depuis combien de temps il est dehors, ni comment il en est arrivé à se taper cette gonzesse dans les toilettes dégueulasses de la boîte de nuit. ses lèvres sur sa peau brûlante, il en vient à se dire qu'il préfère les baisers de tekla. ses doigts dans son caleçon, il pense à ceux d'eliaz. avant que ça n'aille plus loin, asa pousse la demoiselle, manquant de la faire tomber, et sans un mot, il repart. il est temps de rentrer, qu'il se dit. pas pour le meilleur, sûrement pour le pire, mais il faut rentrer. il faut rentrer et c'est ce qu'il fait, le pas lourd, la bouche pâteuse, les cheveux collés à son front à cause de la sueur et le crâne qui lui fait un mal de chien. c'est presque un exploit qu'il soit arrivé à bon port sans encombres, sans aucune égratignure. et quand il arrive, asa, il n'est qu'à moitié surpris de voir tekla et eliaz le regarder comme si c'était un demeuré. ou peut-être qu'ils sont juste énervés. contre lui. chacun contre l'autre. contre eux-mêmes. énervés pourquoi, asa ne se rappelle même plus. il ne sait pas trop ce qu'il fout, là, le dos contre la porte d'entrée. haussement d'épaules avant de se rapprocher d'eliaz, de passer ses doigts dans ses cheveux avant d'attraper sa main et de la détailler de ses yeux embués par l'alcool. il sent la résistance, asa, mais il n'en a pas grand chose à faire. tu sais que t'as de belles mains, eli ? tu sais que j'les aime tes mains, pas vrai ? il ne sait pas très bien ce qu'il dit, pense juste aux doigts de cette nana comparés à ceux d'eliaz. puis il jette un coup d’œil innocent à tekla qu'il tente d'attraper par la main à son tour pour la rapprocher de lui. et toi, qu'est-ce que t'es magnifique, putain. et ta bouche. t'as une si belle bouche. à cet instant, asa, il est comme dans un autre monde, une autre dimension. plus pour longtemps.

je laisse tomber mon tablier dans un soupire à faire trembler les montagnes. nouvelle soirée à la maison après un service interminable au harry's et sans surprise mes pieds rencontrent mille et un obstacles sur le chemin jusqu'au salon. j'suis pas chiante, j'avais juste demandé une chose. qu'après le boulot l'appartement soit nickel, histoire que de pas avoir l'impression de faire un second service une fois chez moi. deux soirs d'affilée que c'est le même bordel, deux soirs d'affilée que je sais plus où mettre les pieds. j'ai vu eliaz entrer juste avant moi et voilà qu'on se regarde même pas. on voudrait parler mais on sait où ça va nous mener. tout droit vers asa. c'était à lui de ranger, c'était à lui d'assurer. je grince des dents, mâchoire serrée. je devrais sûrement me calmer, mais je suis trop fatiguée. fatiguée de toujours voir les mêmes têtes, de servir les mêmes verres, me prendre les mêmes remarques. je dis pas que j'aime pas mon job ou ma vie, mais y a des jours où je voudrais tout envoyer valser. j'suis humaine, j'suis pas parfaite. alors j'sens la rage monter, elle met le feu à mes joues, elle vient troubler ma vue, siffler dans mes oreilles. pas besoin de scander son prénom pour savoir qu'on aura pas de réponse et se douter qu'asa est dehors. je prends sur moi, j'ai pas le choix, je voudrais pas non plus saouler eliaz. regardez-nous, on croirait voir des ménagères. travailler, ranger, nettoyer, puis patienter. espérer qu'asa revienne. on a pris l'habitude, qu'il nous file entre les doigts, qu'ils disparaisse en coup de vent. une bête blessée, il aime pas les remarques, il s'offusque à la moindre voix haussée. il se trouve laid, il se croit mauvais et il en joue. il nous rejette pour mieux nous retrouver. mais putain s'il savait ce qu'il est beau. terrible, fascinant. il nous met dans de ces états, il provoque nos rires et nos pleurs. source de joie, source de peines. avec asa c'est tout ou rien, mais à nous trois c'est surtout tout. un regard échangé, un mot lancé concentre la passion de trois âmes. d'une âme.
alors quand il rentre, à moitié bousillé, le palpitant hors de la poitrine, j'voudrais tout lui pardonner. les mots pour plaire il les a toujours eu, mais les mots du coeur pas tant que ça. c'est rare qu'asa déclare sa flamme et si éphémère soient ces paroles, j'viens les balancer d'un revers de la main. « j'espère que t'as passé une bonne soirée. » je lâche sèchement. « puis j'espère que ça valait la peine de nous planter. », encore que j'aimerais rajouter. c'est pas la première fois alors je viens mettre le feu aux poudres. je pourrais laisser passer. après tout, c'est qu'une querelle sans intérêt. est-ce que ça vaut la peine de dégueuler mon agacement ? certainement pas. je sais pas pourquoi j'suis comme ça. peut-être que j'suis jalouse. jalouse d'asa, qui joue les martyrs à traîner les bars pendant qu'on lui prépare un lit chaud dans lequel il viendra s'abandonner. peut-être que je suis jalouse qu'on lui pardonne tout, tout ça pour sa belle gueule et ses belles paroles. j'en sais trop rien. je l'aime toujours, je le déteste parfois. et ce soir, c'est l'une de ces fois.

sur tes talons tekla entre dans l'appartement et sans même te retourner tu énonces mentalement chacun des gestes de sa chorégraphie quotidienne. tu finis par te retourner pour cueillir son sourire, mouvement final de sa petite routine. mais c'est une fleur fanée que tu trouve face de toi. un coup d'oeil à la pièce et tu comprends. tekla elle est fatiguée, tekla elle va encore devoir ranger. et tu te demandes si elle est plus dérangée par l'absence de asa ou par la présence au milieu du salon de chaque objet qu'il était censé ranger. dans le fond, tu penches pour la première option.
tekla fanée commence une nouvelle danse, elle flotte d'un endroit de la pièce à un autre les yeux dans le vide rendant à chaque objet sa place originale. tu l'observes un moment. fatigue ou colère ? un mélange des deux, sûrement. tu interceptes sa trajectoire et déposes tes lèvres contre son front avant qu'elle ne s'évapore à nouveau vers un autre coin de la pièce. je vais t'aider, tu lances à mi-voix -qu'elle t'entende où non n'a pas vraiment d'importance- et tu te joins à sa danse.

le temps tourne sur la grande horloge de la cuisine et tekla vaporeuse pourrait bien finir par s'évanouir complément dans la nature si jamais elle ne regagne pas bientôt la terre. il va bientôt rentrer, j'en suis sûr, tu accompagne ça d'un sourire. mais est-ce qu'elle a envie de le voir franchir la porte ? tu en es beaucoup moins sûr..
et il finit par entrer le pas lourd et le coeur plus encore. ton regard passe de l'un à l'autre alors qu'il s'approche de toi. il sent l'alcool et l'inconnue mais tu souris au contact de sa main. elle rejoint la tienne et tu la serre. asa tu lui en veux parfois, de blesser tekla mais asa il a ce pouvoir sur toi, du bout des doigts il te fait tout oublier alors tu continues de sourire quand il serre à tekla sa coupe de belles paroles. tu te dis qu'elle aussi s'adoucira, tu l'espère même.
mais c'est à une ortie qu'il vient de se frotter et elle vient tout juste de le piquer. tu grimaces. et puis elle a raison tekla ! alors tu défais rapidement ta main de celle de l'acusé en le repoussant doucement. elle dit vrai, la nuit est déjà noire depuis quelques heures et ce n'est pas avoir vous qu'il a préféré la regarder tomber. c'est dehors, seul -ou accompagné d'autres- qu'il était et pas ici, pas avec vous. parce qu'asa il est comme ça, comme un chat de quartier, volatile et irrassasiable. et on ne sait jamais à combien de porte est-ce qu'il a miaulé avant de venir voir ce que l'on avait à lui offrir. et on ne sait jamais où est-ce qu'il va fuir si le ton monte et qu'on lui reproche d'être vagabond.
et c'est pesant, de se demander toujours si il rentrera. et c'est vexant, de le savoir dans d'autres bras. tu sens le feu de tekla te gagner, un petit peu. et cette brûlure douloureuse a un nom : jalouse. dis, où est-ce que tu étais ? hein asa, avec qui est-ce que tu étais ?

asa, il ne sait jamais rien. c'est tekla qui le dit et parfois, quand eliaz est énervé contre lui, il le dit aussi. il fait juste, se met à réfléchir après, au moment où les conséquences de ses actes lui retombent sur la gueule. le plus simple aurait été qu'il fasse ce que tekla lui avait demandé de faire. au lieu de ça, asa, il a préféré jouer au plus grand des cons, un air de défi sur ce visage aimé, chéri autant que détesté. le bordel, son bordel, il l'a laissé par terre, étalé sur le sol du salon jusqu'à dans leur chambre. et quand il rentre, bousillé par l'alcool qu'il a ingurgité tout au long de la soirée, il ne sait toujours pas. il ne se rappelle même plus de l'objet de leur possible querelle, se contente de leur faire des avances à tous les deux. ce qu'il veut, asa, c'est de pouvoir les ramener dans leur lit, qu'ils ne fassent qu'un jusqu'au bout de la nuit. les doigts entremêlés avec ceux d'eliaz, il joue avec, les observe avec autant d'intérêt que d'amour. et lorsque ce dernier se détache de lui, accompagné d'une tekla qui efface ses mots d'un revers de la main, il comprend que ça, ça ne marchera pas. – j'espère que t'as passé une bonne soirée. puis j'espère que ça valait la peine de nous planter. ses yeux rencontrent les siens, plein de rage et de rancœur. il se mord la lèvre inférieure, sa pensée voguant, se concentrant sur sa beauté à elle, accentuée par cette violente colère qui rajoute des nuances à ce visage déjà coloré des couleurs de l'amérique latine. il retient de lui répéter qu'elle est belle, tellement belle, et détourne le regard pour le poser sur eliaz. il est énervé, lui aussi. il a la même flamme qui brûle au fin fond de ses iris, celle qui lui donnerait presque envie de faire demi-tour, de repartir, de retrouver cette nana qu'il a laissé tomber dans les toilettes pour continuer ce qu'ils avaient commencé. – dis, où est-ce que tu étais ? hein asa, avec qui est-ce que tu étais ? c'est à son tour de s'éloigner, levant les yeux au ciel.
ses traits s'assombrissent et asa, asa, il se ferme complètement. des reproches et réprimandes, il en a entendu toute sa vie. il a l'impression de se retrouver à la maison, les cris de ses parents résonnant dans ses oreilles. où t'étais ? avec qui ? à faire quoi ? puis ce qu'il voit, ce sont les yeux effrayants de son père, ce poing qui se lève et le loupe de justesse. et à cet instant, c'est comme s'il étouffait. comme si les murs étaient entrain de se refermer contre lui. il pensait qu'ils étaient libres, tous les trois. libres d'être et de faire. juste libres. – depuis quand j'suis en prison ? qu'il lâche, venimeux et d'une voix pâteuse. non parce que j'étais pas au courant que cet appart en était devenu une et que vous, d'un geste dédaigneux, il les désigne tous les deux avec une moue qu'on pourrait définir de dégoût, vous vous étiez transformés en deux gros cons. il ne prend pas de pincettes, asa, encore moins quand il est alcoolisé. sous l'impulsion de l'alcool, il serait capable de faire son sac et de partir pour de bon, avec l'incertitude de revenir un jour. parce qu'à cet instant, il les déteste. il les déteste du plus profond de son être. il les déteste de lui faire ressentir ça, tout ça; toutes ces choses qui le retournent intérieurement, lui donnent l'impression que son cœur se brise à chaque fois qu'il entend, voit que derrière cette colère, il y a une vive douleur cachée dont il est le créateur. et dans tout ça, il les déteste surtout de le rendre incapable de bouger, de le retenir alors que tout en lui le pousse à s'en aller. vous étiez tous les deux et vous trouvez quand même le moyen de me faire chier parce que j'vous ai laissé, quoi, deux heures ? c'est un putain de comble !

aveuglée par la colère, aigrie par la rancoeur. je me fais bouffer par mes sentiments, par l'amour et la haine que je peux porter à asa. le voir débarquer comme une fleur et nous lancer ses belles paroles, ça me donnerait presque la gerbe. parfois, j'ai juste l'impression qu'il se croit mieux que nous, parce qu'il faut le comprendre, c'est lui la victime dans l'histoire. asa le martyr, asa l'incompris. asa, la traînée de poudre et moi j'suis l'étincelle qui viendra tout exploser. et j'embarque eliaz avec moi au passage. je l'enrôle dans ma croisade et tous les deux on prend les armes. on se soulève face à l'oppression. c'est marrant car du point de vue d'asa, nous sommes les oppresseurs. ses geôliers, ses tortionnaires. pas besoin de connaître l'issue de la querelle pour savoir que tout le monde sera perdant. voués à s'engueuler, voués à se détester, y en a pas un pour rattraper l'autre et nos mots viennent dépasser nos pensées. ou pas. j'en sais trop rien, quand j'entends asa et ses insultes, j'pourrais presque croire qu'il les pense. ça me blesse mais là, toute de suite, y a pas de place pour la douleur. elle se fera ressentir une fois la pression retombée, le rythme cardiaque stabilisé. je hoche la tête en silence, la mine dégoûtée, je retiens chacune de ses paroles. putain il me rend dingue. il me fait voir rouge, j'aurais presque envie de le frapper. asa l'insolent, l'impertinent. un beau salaud surtout. « ouais justement on était deux alors crois surtout pas que c'est parce que tu nous a manqués tout ça. » que je réplique, cinglante. je me rapproche justement d'eliaz, pour faire front commun, vanter notre union face à lui. s'il croit qu'il est le seul à pouvoir faire mal, il s'est bien trompé. moi aussi je peux être une garce, moi aussi je peux te retourner tes saleté à la tronche. je fais preuve de mauvaise foi, car ouais, il m'a manqué, ils m'ont tous les deux manqué toute la journée, comme à chaque fois que je passe la pas de la porte de ce foutu appartement. comme à chaque fois que je me lève la nuit, qu'il fait froid et que je quitte leurs bras. parfois, ils me manquent même quand ils sont là. quand asa m'insulte, quand il revient chez nous en pensant que tout lui était du. qu'on était que des acquis. « ce qui me fait chier, c'est pas que t'ailles découcher parce que ça, on le fait tous. » je m'arrête plus. je rentre dans son jeu, j'suis tombée dans le panneau. demain on sera plus d'un à regretter nos mots. « ce qui me fait chier, c'est que tu reviennes la braguette à l'air en nous ayant laissé tout ton merdier. » je termine, l'oeil accusateur sur son allure défroquée. la jalousie me ronge et je transpire de méchanceté. pourquoi faut-il qu'il nous brise le coeur comme ça ? qu'il se transforme en mr hyde ? avec lui faudrait toujours prendre des pincettes, mais moi j'fais pas dans la subtilité. je lance un regard en direction d'eliaz. j'voudrais qu'il me bâillonne, qu'il m'enferme dans une autre pièce. avant que je regrette, avant que je ne déverse mon poison. je suis de l'alcool pur sur leurs plaies béantes. personnification de la brûlure et la prétention de purifier les chairs pourries.

et si tekla montre les dents, asa lui se met à aboyer. il parle fort, si fort que tu te demandes si ça n'est pas après le monde entier qu'il en a. et ses mots sont durs, tranchants. il jette chacun d'entre eux au visage de tekla comme si elle était fautive, et tu la sens bouillir à côté de toi. tu lui prendrais bien la main à tekla, tu la bâillonnerai bien, tu la stopperait bien mais à quoi bon ?

il jouait au fauve, elle se glisse dans le rôle de la vipère, faisant claquer chaque mot contre son palais. il grognait elle le pique, attaque à son tour. tekla la douce c'est tekla la cinglante aussi et elle ne lâchera pas l'affaire. pas besoin d'oracle pour savoir comment tout cela finira et tu aimerais t'enfuir, échapper à ce massacre -un de plus. tu te lèves, repenses à l'inconnue dont tu as senti le parfum sur asa tout à l'heure. tu te dis que tu aimerais y être toi dans ses bras, sûrement qu'elle ne hurle pas, qu'elle le pique pas non plus, sûrement qu'elle est douce.. mais ton regard croise celui de tekla elle brûle de colère, de mépris pour cette version brouillon et débraillée de asa. tu lui en veux de se montrer à vous comme ça, tu lui en veux terriblement. et tu lui en veux encore plus de s'en prendre à tekla, de déformer la douceur de son visage en cette moue colérique et blessée.
tu passes nerveusement tes mains dans tes cheveux en t'éloignant d'eux deux toujours face à face quand ton pied rencontre un obstacle au sol. tu sens le feu monter encore en toi et sans vraiment le vouloir tu envoies voler l'objet en question à l'autre bout de la pièce dans leur direction avec un coup de pied. mais bordel asa arrête de faire l'enfant ! en prison ? tu es loin de l'être ! et le con, le seul con ici c'est toi ! tu parles plus fort que tu le voudrais et ton intervention au lieu de calmer le brasier en toi l’alimente. ton pied rencontre un autre projectile et les sourcils froncés tu cherches le regard de asa. un jour tu vas laisser ta parure de martyre dans un coin et assumer tes actions, hein asa est-ce que tu grandiras un jour ?! , tu sens ta main trembler et tes jambes la suivre alors tu t'appuies contre le canapé pour essayer de le cacher soutenant le regard de asa

c'est la tempête, l'ouragan qui s'abat sur une terre déjà démolie par tant de batailles perdues que l'on en oublierait le compte. les mots claquent, s'entrechoquent dans les airs pour exploser en plein milieu du salon, à quelques centimètres de leurs trois corps qui ne savent que faire de cette rage bouillonnante, celle qui brûle à l'intérieur de leurs entrailles et déclenchent un incendie dévastateur. asa, il ne mesure jamais la portée de ses paroles, ni les conséquences qu'elles pourraient avoir. il balance, lâche des mots insultants comme on lâcherait une bombe en plein temps de guerre. il n'y a aucun filtre pour l'empêcher de dire toutes ces choses qu'il finira par regretter amèrement alors il ne s'arrête plus. il ne s'arrête plus, plus jusqu'à ce que l'air arrête d'arriver à ses poumons et qu'il doit reprendre son souffler. puis c'est au tour de tekla de déverser son poison, sa haine grandissante pour celui qu'elle appelle son âme sœur. ses mots résonnent, se heurtent au recoin de son crâne et provoquent des maux étrangers, presque inconnus et inédits. c'est peut-être l'alcool, la fatigue, un tout, mais il sent que ça le titille au milieu de sa poitrine. ça le touche comme un coup de poing en pleine figure. et tout ça, ça s’accentue lorsque les deux corps des opposants se rapprochent, se collent presque comme pour lui montrer qu'il est seul, seul face à un monde qui ne veut pas de lui. l'incendie se propage, crame chaque parcelle d'asa pour ne laisser que des cendres au nom de trahison et de jalousie maladive. – mon merdier ? j'dois te rappeler que tu as choisi de vivre avec mon putain de merdier. si t'es pas conten- sa phrase reste en suspens, arrêtée par un projectile, objet oublié et abandonné sur un sol pourtant débarrassé de tout son merdier. ses yeux, initialement ancrés dans ceux de tekla, se dirigèrent vers la silhouette qui s'était éloignée sans qu'il ne s'en rende compte.
maintenant, c'est eliaz qu'il regarde d'un air incrédule. il en oublie presque la présence de tekla, tout comme les mots injurieux qu'il comptait ajouter, lui balancer à la gueule comme si elle n'était rien d'autre q'une vulgaire inconnue qu'il ne pouvait pas réellement blesser. il encaisse les coups sans broncher tandis que sa tête menace d'exploser. les syllabes prononcées ont un goût d'acide dans sa bouche et brûlent, brûlent toujours plus ce corps qui se vide de toutes ses forces. – un jour tu vas laisser ta parure de martyre dans un coin et assumer tes actions, hein asa est-ce que tu grandiras un jour ?! il refuse, asa, de détourner son regard. pas après ça. pas après ces reproches qui le bousillent de l'intérieur. il tente de garder une certaine contenance; de ne pas lui sauter à la gorge ou au contraire, de s'écrouler par terre. à cet instant, ses iris dans ceux d'eliaz, il se sent paralysé, incapable de bouger ou de sortir quelque chose de sa bouche asséchée. c'est un lourd silence qui s'installe, court mais intense. il serre la mâchoire, passe une main lasse sur son visage éreinté, marqué par les traces de l'alcool qui continue de couler dans ses veines. – tu... ça se brise. encore. toujours plus. ça se brise, là, au fond de sa poitrine. et, asa, il ne sait pas comment faire pour exprimer sa douleur autre que par une rage massacrante, déferlante. elle t'a fait quoi, eli ? elle t'a fait quoi pour que tu prennes à ce point sa défense ? il sait que ça n'a rien à voir mais ça s'emmêle dans son esprit. ça se mélange. ça n'a plus aucun sens. elle t'a fait quoi, putain ? c'est à son tour de frapper, de frapper la chaise juste à côté de lui à l'aide de son pied avant de s'y agripper, le regard poser sur ses jointures qui en deviennent blanches à force de resserrer leur prise. puis à un moment, ses nerfs terminent par se calmer doucement. j'suppose que j'dors sur le canapé ce soir ? asa, le maître dans l'art de passer du tout au rien, du jour à la nuit, de soleil à la pluie, de l'amour à la haine.

j'ai le palpitant qui se tord dans ma poitrine. il bat à tout rompre, comme s'il allait exploser, comme s'il était en train de saigner, poignardé par les paroles d'asa. par la scène lugubre dont nous sommes tous à la fois témoins et acteurs. j'peux pas croire qu'on en soit arrivé là, je veux pas. au départ ça allait être juste une querelle de couple, mais je pense qu'on savait tous les trois que ça serait bien plus que ça. est-ce qu'on peut réellement parler de couple ? est-ce qu'il y a quoi que ce soit de conventionnel dans notre relation ? aucun de nous ne tourne vraiment rond, on est là à cracher notre venin, cracher nos faiblesses parce qu'en fin de compte elles nous sont trop dures à supporter. asa, eliaz, moi, pas un pour rattraper l'autre. on se mérite plutôt bien. mais ce soir on y croit pas, on y croit plus. ce soir tout le monde est victime. ce soir y a plus d'amour. ce soir y a trop d'amour. il nous consume, nous tourmente, il parle à notre place. il prend même possession de notre corps, lorsque les objets commencent à voler à travers la pièce. le projectile d'eliaz passe pas loin d'asa et moi, ce qui a le don de nous rappeler à l'ordre. les cris s'arrêtent quelques secondes, le temps pour chacun de réaliser ce qui se passe. le temps pour moi de respirer, d'imaginer toutes sortes de suites possible à la phrase qu'asa était en train de me balancer à la figure. je me doute bien de ce qu'il s'apprêtait à dire et je suis heureuse de pas en avoir entendu la fin. je veux pas qu'il me dise ces choses là, qu'il me rejette une énième fois.
mes bras tombent alors le long de mon corps et je laisse eliaz prendre la relève. qu'il vide son sac, qu'il allège son coeur si lourd de la même haine qui nous accable tous. moi, je m'éloigne d'eux, gorge serrée, estomac noué. à cet instant, j'aurais presque envie de crever. c'est cette nausée qui me retourne la poitrine, ce désespoir que j'arrive plus à contrôler. je me serais bien écroulée de fatigue dans le canapé, si la voix et les paroles d'asa ne m'avaient pas fait sursauter. « bien sûr, c'est de ma faute. » que je dis à voix basse, passant mes mains sur mon visage. je sais pas ce qui me blesse le plus. qu'asa m'accuse face à eliaz, ou qu'il refuse qu'eliaz puisse être contre lui. moi je peux lui faire du mal, soit, mais eliaz, c'est trop dur à ses yeux. et soudainement, me voilà relayée au rôle de sorcière, la femme qui trouble les esprits. si j'écoutais asa, j'ai saboté leur complicité, je les ai monté l'un contre l'autre et je dois certainement apprécier la vue. je passe en trombe entre eux et lâche un « t'es vraiment qu'un connard. » à l'attention d'asa avant d'aller me réfugier dans notre chambre, claquant la porte derrière moi, véritable courant d'air de chagrin. le corps effondré sur notre lit, j'attrape un oreiller pour y enfoncé mon visage aux traits déformés par cette douleur qui me ronge de l'intérieur. j'y étouffe un cris de rage, un unique pleurs que je pouvais plus contenir.