SOS. (jill)

t’es fou. fou, sony. fou de rage. fou de connerie. fou de folie. t’as les neurones déplacés, le cerveau à l’envers. l’insomnies pour foudroyer tes nerfs. les yeux injectés de sang et les sueurs froides viendront à bout de toi. t’as plus une minute à toi, les secondes égrainées, envolées. volées par ta propre chair, ton propre sang. elle prend tout, cece. même ce qui ne lui appartient pas. surtout ce qui ne lui appartient pas. ton appart, ton lit, ton temps, ton sommeil même. plus rien ne t’appartient. cece, pique assiette de collection. t’as pas cessé de voir elle et ses copines vadrouiller dans ton loft à toutes les heures du jour et de la nuit. te gardant éveillé. venant à bout de tes nerfs et ta patience. et tu la vois, jubiler. hurler. elle s’en réjouit, cece, de t’voir comme ça. est-ce qu’un jour ça s’arrêtera ? t’es bien forcé d’admettre que la gamine que t’as construite t’a échappé des mains. rebellée à peine as-tu eu le dos tourné. traîtresse qui n’a pas su t’attendre. encore moins te pardonner. malgré tout ce que t’as fait, pour elle. malgré que tu la laisses faire, pour elle. rien ne lui suffit, à cece. l’appétit vorace encore plus féroce que le tien. elle te prendra tout cece, jusqu’à ce qu’il ne te reste plus rien. pas même ces murs. pas même ces meubles. pas même ton frère, le vrai, celui qui compte le plus. non, cece, elle te prendra tout jusqu’à la moelle, ne te laissera rien. pire encore qu’une femme de qui on divorcerait, parce que cece est une sangsue accrochée à ta jambe, se donne le droit de t’anéantir sous le prétexte du sang. t’as plus les armes, pour la battre. t’as fini, de lui courir après. t’es fatigué. tu veux juste qu’elle dégage. qu’elle te rende ta vie. et qu’elle ferme sa putain de gueule. deux minutes, au moins, le temps de te laisser reprendre tes esprits. de trouver un plan. de regagner un peu de terrain. et pour ça, tu t’caches. enfermé dans ta chambre jusqu’au matin, pour avoir la paix. rien que ça. une heure au moins, au calme, tandis que de l’autre côté, l’apocalypse se prépare. elle et ses copines, à mettre en place leur plan machiavéliques. à occuper chaque parcelle de votre appartement, de ton âme aussi. t’étouffe. t’en peux plus. t’es au bord de la rupture, sony, épuisé par une poignée de nanas toutes aussi cinglées les unes que les autres. alors quand tu sors enfin de ta piaule, après tu ne sais même pas combien de temps à y être resté enfermé, c’est parce que t’as l’impression que le calme est enfin revenu. que tu vas pouvoir respirer, enfin, après tout ce temps à te noyer. t’as entendu la porte claquer, de si bon matin, et t’en as profité pour redécouvrir les lieux. l’enfer sous tes yeux, enterré sous les fringues de meufs, les brosses à cheveux et les mascaras laissés en bordel partout dans la salle de bain. et ça fulmine, évidemment. ça fait rager, serrer les poings. tu la tueras. un jour, quand tu pourras. quand tu s’ras prêt. tu t’es glissé en silence jusqu’à la salle de bain, et t’as pas encore fini de pisser que t’entends encore du bruit, de l’autre côté. arrêt sur image, à t’en glacer le sang. oh non. t’envisages un instant de rester planquer là le reste de la journée, parce que t’es certain que l’une d’entre elle est revenue finir le boulot. t’achever et repartir dans le plus grand des calmes. mais tu sors quand même, avec toute la précaution dont tu sais faire preuve - c’est à dire pas beaucoup - et tu réussis à te tirer jusqu’à la cuisine, la mort dans l’âme. le dernier jour d’un condamné. et finalement, t’es presque heureux de voir jill à l’autre bout de la pièce, le nez dans le paquet de céréales. trop heureux. putain, c’est toi. et tu parcours la distance qui vous sépare à grandes enjambées pour refermer autour d’elle tes bras portant tout le misère du monde. accolade inhabituelle. presque désespérée. tu la serres un peu trop fort. comme si t’avais jamais été aussi heureux de la voir venir squatter ton appart. jill. faut que tu m’aides. t’as l’air d’un fou. les cheveux hirsutes, le caleçon à peine remis, les yeux injectés de sang. tu penses même pas à ce qu’elle peut bien foutre là une heure aussi matinale, tu lui demanderas une autre fois, quand le temps ne vous pressera pas. par où t’es entrée ? grouille, dis-moi. y a pas le temps. faut les empêcher de revenir. une gorgée de café froid trônant dans une vieille tasse et tu la reposes déjà, les idées fusant à mille à l’heure. encore dépassé par les évènements. t’as pas le choix, sony. tout est bon pour que ça ne recommence pas.