burning cities to taste ashes (desi)

Il y a clairement un endroit moins craignos en ville pour déposer la jag' d'Edna. C'est statistique. Gemma, habillée dans des tons bien trop clairs pour faire bon ménage avec l'épaisse couche de saleté qui recouvre ce trou, considère sérieusement la lévitation. Si elle jouit vraiment des pouvoirs surnaturels que les rumeurs du bled lui prêtent, c'est le moment ou jamais pour qu'ils se manifestent. Tout plutôt que poser les cuissardes à 600$ la paire dans les taches de cambouis - formule consacrée qui lui suffit amplement, hors de question de s'arrêter sur la nature exacte desdites taches. Ironique, le pied qu'elle prend à se frotter à la crasse, à la confronter ou l'embrasser, tant que cette putain de crasse reste métaphorique. Sociale, relationnelle, morale, métaphysique, abstraite. Sa fascination pour la vermine se fige nette dès qu'elle, littéralement, laisse des traces sous les ongles. Lorsque Javier lui a annoncé que c'était à elle de récupérer le bolide d'Edna, la friquée fripée qui leur sert d'employeuse à tous deux, lui derrière un volant, elle derrière une boule de cristal, elle a feulé. S'est auto-balayée du regard en guise de réponse, comme pour dire qu'est-ce qui, dans tout ceci, t'as donné l'impression que je mettrais jamais l'orteil dans un garage, cabrón. Benjamin Franklin fut impliqué dans la conversation. Kitty a besoin d'un nouvel écran. Mathématiques de base, dont la somme est qu'il est dix-neuf heures, le soleil se couche et Gemma est devant le rideau de fer. Fermé. Fuck it. Frustrée, elle frappe treize coups sonores d'une façon toute particulière - main gauche, doigts à moitié pliés, ne laissant que son mont de la lune entrer en contact direct avec le métal. Elle sait qu'il y a quelqu'un; de la lumière est visible à travers les interstices du volet. Javier s'est bien assuré qu'un larbin reste sur place pour permettre à la Jaguar de quitter ce trou à rats avant la nuit tombée, d'après lui. Atrocement, lentement, dans un ignoble fracas grinçant, le rideau s'ouvre. Gem, les bras croisés, les lèvres pincées, est à l'agonie. Elle aperçoit graduellement des pompes rapiécées, grincement grincement, un jean maculé, fracas fracas, un t-shirt. Quatre millénaires plus tard, une paire de sourcils. Merde. Putain de Benjamin Franklin. "Mignonne, ta piaule." Gemma desserre les lèvres, juste le temps de placer ses trois mots qui suintent le mépris, mais pas les bras. Elle ne le connaît pas, ce type. Elle ne l'a vu, à tout casser, que deux fois en chair et en os. A sentir la ridigité dans les muscles de Gem, pourtant, tu croirais que c'est elle qu'ils ont abandonné aux dents urbaines alors qu'elle avait douze ans. A sentir les braises dans ses tripes, tu croirais qu'elle a souffert un seul putain de jour dans sa vie. Elle est prise de court, elle ne s'attendait pas à ça, pas à lui, mais Gemma maitrisait la supériorité Olympienne avant de faire sa première molaire. "Tu me fais visiter ?" Sans attendre de réponse, elle se faufile à côté de lui, pénètre dans son odieux temple de la ferraille, fronçant le nez devant la vague odorante - pétrole, acétone, bassesse. Ça pue l'homme et la déception. Pour le panache et uniquement le panache, elle se retourne brusquement, s'approche de lui. Agrippe son t-shirt et s'y essuie minutieusement la main gauche. Crasse sous les ongles.

t'es en train de bricoler ta vieille mustang quand les coups résonnes et brisent la musique ambiante. la voix de stevie nicks anéantie alors que le forcené continue son vacarme. une heure que tu as fermé, une heure que le rideau métallique est tombé pour t'offrir un semblant de tranquillité, alors t'hésites quelques secondes avant de t'extirper de sous la caisse. peut-être minute, avec l'espoir que l'on te foute la paix une fois pour toute. mais il n'en est rien. t'as un t-shirt blanc tâché de graisse, remonté jusqu'aux épaule. tu regardes la pendule, il est trop tard, trop tard pour qu'on t'emmerde. alors t'ouvre le rideau de fer, sourcils froncés, préparant déjà une tirade qui lui ferait prendre la fuite. et t'es un peu trop surpris quand tes yeux sombres se posent sur la femme. qu'est-ce qu'elle fout là, celle là ? elle dégouline les bonnes apparences, le fric et l'amertume. bras croisé sur la poitrine elle t'observe, haineuse. et toi, t'as arqué un sourcil rempli d'incompréhension. Mignonne, ta piaule. un ricanement nerveux t'échappe, t'as envie de lui fermer le rideau à la gueule, mais t'as pas le temps d'en placer une qu'elle s'invite, te bouscule presque pour rentrer dans l'atelier. Tu me fais visiter ? tu sens l'ironie dans ses mots, le dégoût dans son froncement de nez et tu refermes derrière elle. elle n'aura qu'à prendre la porte de service comme les gens civilisés. t'as pas le temps de l'esquivé quand elle s'approche, plante ses doigts dans ton haut pour s'essuyer vulgairement la main, tu la regardes faire et tu te recules légèrement grimaçant. t'as peur de chopper une maladie ou quoi ? que tu lances un rictus au coin des lèvres. ton t-shirt n'a rien de stérile, bien au contraire. et t'essayes de te rappeler de son prénom, c'est une du pseudo-girls-gang de cécilia, une de ces filles inapprochables, griffes dehors en permanence et crocs acérés pour mieux vous éventrer, vous, les hommes. vous les êtres des bas fonds. du moins c'est ce qu'elles scandent. tu l'entends cece souvent, trop souvent, hurler qu'elle vous étranglera tous et fera de votre vie un enfer sur terre. et gemma, voilà son nom, et l'une d'entres elles. tu n'as pas le souvenir de lui avoir adressé la parole une seule fois, mademoiselle bien trop occupée à grimper haut, très haut sur son piédestal. les seules fois où t'as parlé de la rouquine, c'était avec Sony, au détour d'une bière. le genre de conversations graveleuses, où vous vantiez les mérites du gang de sa sœur, juste pour le plaisir de vos yeux de mâles ingrats. tu la regardes attentivement, puis tes yeux se posent sur la jaguar derrière, la seule chose aussi clinquante qu'elle dans ce foutu garage. je vais pas te faire l'insulte de te dire que t'es venu pour mes beaux yeux... j'suppose que c'est pour cette caisse que t'es là ? mouvement de menton en direction de la dite voiture. j'pense qu'on t'as mal informé sur les horaires d'ouverture du garage, alors tu m'feras le plaisir de repasser demain. que tu craches avant de lui passer devant pour retourner à tes occupations premières. une clé de douze déjà dans les mains, t'ouvres le capot de la mustang.

T'as peur de chopper une maladie ? Elle tsk. Langue rencontre palais rencontre agacement. Oui. Oui, c'est exactement ça, asshole, et l'ironie lasse qui lui coule hors de la gorge en posant cette question s'écrase au sol. Ne rencontre aucun obstacle. Gem n'a rien à rétorquer car oui, c'est exactement ça, elle a peur de chopper une saloperie et, contrairement à lui, il n'y a rien là dedans qui l'amuse. Il pense littéral, naturellement, parce que c'est ce qu'elle attend d'un larbin, même lui, même avec ce regard et ces poings qu'elle meurt d'envie de desserrer pour en déchiffrer la paume, espérant glaner au creux de l'épiderme ce que même Cece ne dit pas. Bien sûr qu'elle a peur, idiot. Personne ne prendrait tant de peine à être intrépide sans avoir peur. Naturellement, faut savoir où regarder pour s'en rendre compte, privilège dont personne sur l'ensemble de la croûte terrestre n'est dépositaire pour l'instant. Ça fait une éternité que Gem est passée maîtresse en l'art raffiné du posséder la pièce. Et tout ce qui se trouve à l'intérieur. "Respecter les horaires et rater ce délicieux tête-à-tête ?" Le sifflement s'est fait miel. Gemma, quand elle bat des cils, ça s'entend dans sa voix. "Pour rien au monde." Elle avance vers la jaguar, tout aussi rouge et chrome que celle qui est venue la libérer du royaume de la grisaille. Ses talons résonnent contre le béton, tambour de guerre qui noie le grésillement pseudo-musical qu'éructe la radio. Elle fait le tour du bolide, l'inspecte. Tout à l'air en ordre - autant que puisse en juger un individu qui a autant d'intérêt pour la mécanique que pour la couleur originelle du t-shirt de Desi. Elle rutile. Good. Maintenant reste le business de faire rentrer la ferraille au bercail. Pour cela, elle a besoin des clés qui n'ont pas l'air d'être dans les environs - bien qu'elle a comme la certitude préfabriquée qu'un certain ex-convict de ses parages immédiats pourrait lui apprendre une chose sur deux au sujet de démarrer une voiture sans clé. Gem s'éloigne du carrosse, retourne vers la citrouille. Desi prétend être allé se perdre dans ses entrailles, accorder toute son attention à l'ensemble d'organes mécaniques devant son nez et aucune au groupement de terminaisons nerveuses derrière sa nuque. Cute. Presque convaincant. Peut-être qu'elle pourrait y croire, si elle n'était pas, well, Gemma. Regarder à gauche, observer à droite, elle a écrit le manuel. Ça se voit aux muscles sinueux dans les bras de Desi, ça se sait au roulement de ses omoplates, sa colonne vertébrale le crie à travers le coton sali. Il la sent. Elle pourrait s'humecter les lèvres qu'il le saurait. Elle se tient à quelques dizaines de centimètres de lui, pile derrière, au creux de son angle mort, se régalant de la tension visible dans la nuque de Desi. Clémente, elle finit par avancer jusqu'à la fenêtre conducteur. Fait cliqueter ses serres parfaites, manucurées, pointues, sur la carrosserie. Le son - régulier, métallique, menaçant - est une symphonie à ses oreilles. Jouissif. A ses yeux, elle a deux options. Fouiller le taudis pour ses clés ou - "Tu paries sur qui, entre la peinture de ton tacot et mes griffes ?" Joignant le geste à la parole, elle fait crisser son index sur la portière. A peine. Juste un avant goût strident. "J'aurais tendance à miser sur mon ongle. Il a coûté plus cher." De sa réputation ou de son aura, Gemma est toujours précédée. Même un ex-taulard doit savoir qu'elle ne joue pas. Que le tempo que ses doigts battent sur la tôle est un décompte. File-moi les clés ou bien-