i'm not a stranger to the dark / tommi.

C’était la soirée d’Amanda.
Ou celle de Marvin.
Peut-être celle de Joaquin.

Il s’en moquait, en réalité.
Quel anniversaire, quelle occasion.
Pour qui, pour quoi, pour quelle célébration.
Si il y en avait seulement une.

Une cannette de bière, et puis une autre. Son sourire trop grand et sa manière de glisser ses mains dans le dos d’un inconnu pour l’éviter. Lever les yeux au ciel et quémander du feu, appuyé contre le rebord de la fenêtre. De la musique et des rires. Son regard dans le vague, la roulée au coin des lèvres. Il s’occupait. Comme on occupait un enfant impatient, comme on occupait un ennemi pendant la diversion. Il avait souri à trop d’hommes, à trop de garçons. Le regard profond et le scanner animal, dans un battement de cils. Un frisson le long de son échine. C’était un réflexe, sans y réfléchir. Il fallait évaluer, à chaque silhouette sa propension. Les quelques voitures dans la rue, le reflet de la lune. La lumière chaude des lampadaires pour contrer le froid de l’air. Un reniflement, un détournement. Slalomer, retour en arrière. Se laisser tomber, place perdue sur un canapé. Il ne se souvenait plus exactement. Si il avait bien embrassé une de ces personnes, en arrivant. Comme ça lui arrivait, souvent. Un baiser et un rire, pour saluer ou pour remercier. Fermer les yeux, un instant, le mégot incandescent brûlant contre sa bouche. Un coup d’oeil alentour. Un autre.

Peut-être qu’il lui ressemblait, étrangement.
Le corps maigre, les boucles brunes.

Andreas.
Il avait dû répéter, à cause de la musique.
Dans le creux de son oreille, en dévoilant les canines.

Rallumer une cigarette, rattraper une bière à la volée.
C’était le manège incessant.
Qu’est-ce que tu fais là, toi ?
Des noeuds à l’estomac.
Et puis rire.

J’sais même plus chez qui on est, c’est une pote qui m’a proposé.
Un miracle, qu’il sorte ainsi.
Il n’y avait que son antre et les stroboscopes.
La foule dansante ou le froid de son appartement.
Il nageait en eaux profondes, depuis des jours, depuis des nuits.

Et ronger à petit feu les courbes de son visage, dans les recoins mal éclairés d’une soirée qui s’éternisait. La tempête, pour mieux retenir les noyés. Il fallait tout lui dire, au plus vite, soudainement. Lui raconter l’injustice et lui raconter les systèmes oppressifs. Lui expliquer Proudhon et puis résumer Turchin, Goldstone et Korotaïev. Et ne pas écouter, si on voulait l’arrêter. Sourcils froncés, les emportements et les troubles. Se taire entre temps, fumer tranquillement. Des bouffées de nicotine, la nuque en arrière et le regard au plafond. Ça grouillait dans son ventre. Ça dormait entre ses reins. La chair de poule, la fièvre au corps.

Un instant d’inattention.
Perdu à le fixer.
Se repaître en silence.
Ils étaient les mêmes.

Même si il n’en disait rien.
Sa main était tombée sur sa cuisse.
Il avait sans doute trop bu, de toute façon.