soon we'll be found (deva)

Repos forcé. Le bandage le serre un peu trop fort mais il arrive quand même à se lever et à se hisser sur la pointe des pieds pour compter les bouteilles de Tequila Mix qui trônent sur l'étagère, en train de prendre la poussière. Il sait qu'être raisonnable inclurait de rester chez lui, juste en haut du bar, le temps de se remettre mais il préfère bosser. Ne pas bosser ça serait penser. Et il ne peut pas se permettre de penser à moins de devenir fou. Son cerveau parasité avait besoin de mains avec lesquelles s'occuper. Même avec son fils blessé, Stavros ne travaillait pas pour autant. Il avait quasi-définitivement déserté le bar. Il mettait son nez dans les comptes de temps en temps, histoire de laisser sa petite aura de boss plâner au dessus du comptoir mais même la clientèle avait bien compris que maintenant, le maître des lieux c'était lui. Après le coup de couteau, y a déjà deux semaines. le Roaring avait fermé trois jours avant de rouvrir. Nikos avait halluciné lorsqu'ils avaient vu des dizaines de clients venir prendre de ses nouvelles. La nouvelle avait vite tourné à Night Falls et les témoignages de sympathie avaient affluer, aussi nombreux qu'inattendus. Parfois sous la forme de billets de 100$, parfois sous la forme de morphine ou autres calmants. Tout ça obtenu illégalement, Nikos s'en doutait, mais il avait tout accepté, ému que les gros loosers qu'il servait ici aient autant de considération pour le grec qui remplissait leurs verres. Comme quoi, parfois ça venait de là où on s'y attendait le moins. Le fait est que depuis, c'était plutôt bon enfant au Roaring Lion. L'épisode du coup de couteau semblait avoir calmer tout le monde, Nikos n'était pas dupe. C'était souvent le cas à chaque fois qu'il y avait une bagarre puis tôt ou tard les choses repartaient en couille, parce que c'était le propre de l'Homme que de tout saloper. Il ne pouvait pas contenir sa connerie bien longtemps. Alors Nikos profite de cette accalmie, et surtout de sa condition pour faire des trucs qu'il faisait jamais avant. Il créé une page Facebook pour le bar, s’impressionne du nombre de likes qu'il récolte en quelques jours. Fait l'inventaire, assis sur une chaise du bar. Deva de l'autre côté en train de servir les clients, il l'entend plus trop d'ailleurs. C'est étrange. Généralement quand Deva est là, on l'entend. Il tend l'oreille. Toujours rien. Il pousse un soupir puis sort de la réserve, marche jusqu'au bar. Elle est bien là, penchée par dessus le comptoir, les yeux dans les yeux avec un client plus intéressé par la serveuse que par son verre qu'il manque presque de renverser tant il est subjugué. Deva, y'a pas qu'un seul client au comptoir. Un groupe de trois mecs attend aussi, l'un a l'air agacé mais les deux autres en profitent également pour la mater. Voilà pourquoi il avait demandé plusieurs fois à son père de la recadrer, Deva semblait avoir un véritable attrait pour tout ce qu'il y avait un appareil trois pièces entre les jambes. Mais pas le genre d'attrait caractéristique d'une nymphomaniac. Plus de celle d'une petite fille avec des daddy's issues. Il se glisse derrière elle et la tire un peu par le bras pour que leur conversation soit hors de portée du client qui lui adresse un regard noir, que Nikos lui rend bien volontiers. Ca sert à rien de me regarder comme ça, elle est payée pour te servir, pas pour te distraire. Si tu veux te rincer l'oeil, t'as qu'à aller au Sinner. Aucun coup de couteau ne l'intimiderait assez pour l'empêcher de gérer son bar comme il l'entendait. Il se retourne vers Deva, qui semble pas franchement contente de cette interruption. T'es vraiment la pire, je me casse vingt minutes et je te retrouve à deux doigt de t'enfuir avec un client. C'est un gros con qui frappe sa femme, lâche l'affaire. Il dit vrai, Hunter Wells est le genre de vermine dont Nikos se passerait bien dans son bar mais il continue de revenir malgré ses multiples avertissements, et évidemment son père l'a à la bonne, ce qui empêche Nikos de bannir ce taré de son bar à tout jamais.

Elle pourrait nettoyer le bar, ranger les bouteilles, resservir le type sur le tabouret d'à côté avant qu'il prenne la peine de le demander, trouver un truc à faire, quelque chose de productif. Elle pourrait mais non, elle est occupée deva, penchée sur son comptoir, a plonger dans les yeux vitreux d'un habitué, sourire aux lèvres, gamine candide. Lolita en puissance. Elle bat des cils comme une idiote, il draguerait sûrement n'importe qui pourvu qu'elle ai des seins mais ce soir, c'est elle. Ce soir on la voit, on la remarque. Obnubilé par l'attention qu'on lui porte elle oublie qu'elle travaille, que ce type n'est même pas attirant et que de toute façon, l'alliance a son doigt le rend pas vraiment libre. tout ça c'est du vent, coup de pied sur un château de carte et d'un sourire deva construit un nouveau rêve à base d'amour inventé, qu'elle oubliera déjà à la fin de son service. Il est pas réel, le client, c'est une chimère qui comble le vide le temps d'une soirée, qu'elle touchera pas sans doute, qui s'évanouira avant le levé du jour parce qu'il ne compte pas vraiment. C'est juste une occupation, intérêt faussement titillé, qui masque simplement le besoin de se faire remarquer. Si elle travaillait pas, sans doute qu'elle aurait fait semblant de pas entendre nikos qui l'interpelle comme une petite fille prise en faute. Regard noir qui atteint pas sa cible, elle est pas douée pour l'intimidation deva, les yeux vite levés au ciel, rébellion puérile comme ces ados qui se cherche encore, presque femme mais pas assez mature. C'est l'air boudeur quand elle prépare se redresse du comptoir, oeillade à son client favoris qui a le mérite de s'intéresser à elle. Et c'est difficilement qu'elle réprime un soupir quand il l'entraîne à l'écart, son affection pour nikos s'arrête là ou celle d'un autre commence, certains jours il pèse lourd dans la balance mais souvent, trop loin d'elle, il ressemble à un but inatteignable. Et deva, elle est papillon de nuit, attiré vers les lumières qui s'éclairent que pour la faire venir. Nikos il est différent, il brille jamais pour elle, elle doit le trouver à l'aveuglette dans l'obscurité, forcer le destin pour tomber sur lui. « je les servais les autres, j'te jure. Fais pas fuir ta clientèle. » ou la sienne, elle sait pas trop. Bras croisé sur sa poitrine, elle ronchonne comme une gamine, elle est pas si stupide dev, elle sait bien que l'oeil vitreux des piliers de bar est pas sain, que y aura pas d'amoureux transi accoudé au bar pour lui chanter la sérénade. Elle a pas besoin qu'on l'aime, elle façonnera l'amour elle-même, elle verra sans problème la douceur dans les effluves d'une haleine alcoolisée, une caresse dans un regard libidineux qui en ferait vomir d'autres. Si tout est question de point de vue, deva voit le monde à travers ses fantasmes, elle inventerait des contes de fées sur des faits divers. « on faisait que discuter, il est gentil avec moi. » elle hausse les épaules comme si ça justifiait tout, des hématomes sur sa femme, quelle importance si a elle il lui sourit ? Des propos enivrés qui n'ont aucun sens, c'est pas si grave puisqu'il le dit quand même. pas comme toi, elle voudrait dire. Pourtant il est pas méchant nikos, plutôt bon patron, du genre à te laisser partir une heure plus tôt si t'as besoin. Dommage que deva, elle ai jamais besoin de ça, dommage qu'elle préfère son amitié, celle qu'elle grappille de force un peu plus chaque jour, dommage que certains jours, ils fassent trois pas en arrière. « tu devais pas te reposer ? je gère moi. tu devrais être chez toi en train de récupérer. » grosse part d'inquiétude venue d'une amitié qu'elle a presque inventée, d'un besoin de pas le contrarié, autant par son statut de patron que parce qu'elle l'apprécie, parce qu'elle aime pas le regard ennuyé qu'il pose sur elle. et une part, plus petite venue de son envie de retourner vite au comptoir, parce qu'après tout, hunter avait pas fini de se perdre dans son décolleté.

Elle pose sur lui ses yeux de biche et sans doute que si son coeur n'était pas réduit à un petit tas de poussière ça lui aurait fait quelque chose dans le bas du ventre. Sauf que non. Depuis qu'une tempête rousse régissait sa vie, ses sentiments ne semblaient même plus être les siens. Lascive la Deva, totalement permissive et jamais très loin des ennuis. Elle a le goût des espoirs déçus et des textos laissés en lu et c'est ce qui lui donne cette douceur qui cloue Nikos au mur, l'empêche de la virer ou de l'engueuler. Il soupire encore, ponctuation de chacune de ses conversations avec la belle brune car ils ne parlent définitivement pas la même langue. Elle prétexte la gentillesse de Wells comme excuse à son manque de conscience professionnelle et Nikos se demande un instant si il ne devrait pas missionner Nejma pour lui donner des cours. En soit, Deva est là depuis beaucoup plus longtemps, elle connait les codes, elle serait capable de tenir le bar une journée entière non stop si elle n'avait pas une obsession malsaine pour l'attention. Il savait en tout cas que son abruti de père lui ferait assez confiance pour lui donner les clés, Nikos pourtant émettait une réserve. Deva était attachante, il supposait, mais elle avait ce petit truc qu'il ne parvenait pas à identifier et qui le faisait parfois un peu flipper. C'est toi qui fait fuir la clientèle à assoiffer tous les clients sous prétexte qu'un seul d'entre eux t'a adressé la parole sans faire de faute de syntaxe. Il n'est pas énervé, au contraire, il dit ça d'un ton neutre, il reste factuel parce qu'il sait que s'énerver ne sert à rien avec Deva, déjà parce que lui n'était pas le genre de personne qui hausse le ton ou monte dans les tours, ça c'était le truc de son père, mais surtout parce qu'il a horreur des éclats de voix injustifiés. Il est gentil avec toi et quand il aura fini de se bourrer la gueule il va aller refaire le portrait à sa femme. Son aversion pour Wells était sans fin, peut-être parce que son père lui-même avait déjà eu la main lourde sur lui et sa mère jusqu'à ce qu'il soit en âge d'être assez grand et fort pour pouvoir répliquer. Quoiqu'il en soit, même si Nikos n'était pas du genre à se mêler de la vie de ses employés il se sentait un peu obligé de mettre Deva en garde. Il avait le sentiment qu'elle était assez naïve pour s'acoquiner avec les mauvais garçons, et même si quelques échanges au bar ne garantissaient pas que ça irait plus loin il préférait prévenir que guérir. Il n'avait pas envie qu'un énième scandale éclabousse le Roaring Lion avec une tentative de viol ou un truc dans le genre. Le coup de couteau qu'il s'était pris avait suffit déjà à faire les choux gras de la presse locale alors que ce n'était qu'une simple bagarre entre petits voyous de Night Falls qui avaient décidé de faire un concours de pénis à côté de la table de billard.  Comment tu veux que je me repose avec toi ? De toute façon, Nejma arrive dans 10 minutes, tu vas venir faire l'inventaire avec moi que je t'ai à l'oeil. Ton grand pote Stavros se fait rare en ce moment et d'habitude on faisait ça à deux pour aller plus vite, comme tu l'aimes tant c'est toi qui va le remplacer. Stavros adorait Deva, c'était un fait. Nikos connaissait assez son père pour savoir qu'il l'avait embauché pour son physique, Deva avait une beauté particulière mais surtout indéniable. La façon dont son père se comportait avec elle était sans équivoque même si il n'était pas assez con pour lui faire du rentre-dedans, il pensait sûrement que sur un malentendu ça pourrait marcher. Mais ça c'était pas son problème, c'était le problème de Deva. Nikos se doutait bien que depuis que son paternel se faisait plus rare au bar Deva était un peu désorientée. Stavros et elle étaient quasiment complices, son gros tas de muscles de père ne riait jamais autant qu'en sa présence ce qui provoquait une grimace de dégoût chez Nikos de manière quasi-systématique quand ce n'était pas sa mâchoire qui se contractait inconsciemment. J'espère que tu sais compter parce qu'on va faire que ça. Si on est assez efficace, on s'ouvrira une bouteille pour fêter ça. En réalité, efficace ou pas, il allait s'ouvrir une putain de bouteille de Jack pour fêter ça dans tous les cas. Il avait besoin de force en ce moment, pour oublier mais surtout subsister. Il n'avait aucune nouvelle de sa part, elle s'était une fois de plus évanouie dans les airs et le whisky saveur miel était le seul truc qu'il gardait de réel.

Elle grince des dents, se balance d'un pied à l'autre, les bras croisés sur la poitrine. Gamine gênée qui tente de jouer les femmes impassibles. Demi échec. Elle se dit qu'il fait pas exprès nikos, qu'il doit faire ça pour être gentil, qu'il comprend pas vraiment qu'elle aime ça. Pire : elle a l'impression d'en avoir besoin, autant que l'air pour respirer, que l'eau pour s'hydrater. C'est viscéral, tout dans ses tripes hurlent pour qu'on la remarque et quand – enfin – ça se produit, elle s'accroche avec tout le poids de ses espoirs, suspendu aux lèvres qui lui parlent, aux yeux qui la voient. Des secondes volées à la réalité qui lui laisse le temps d'emmagasiner ses rêves jusqu'au prochain qui la verra. Et si c'est un pauvre type accroc a l'alcool et a la violence, deva s'en soucie pas vraiment. Elle aimerait n'importe qui pourvu qu'elle y voit quelque chose de beau. Sans doute parce qu'elle y connaît rien, à l'amour. « j'y peux rien s'ils veulent discuter, je vais pas leur tourner le dos c'est pas professionnel. Puis ça me fait de sacré pourboires, je lui rends jamais la monnaie. » condescendance un peu fébrile, elle a trop de respect pour nikos pour réellement s'énerver, trop de fierté pour rien dire. Sans être l'employé du mois  - nejma et adam sont sans aucun doute de bien meilleurs candidats – elle a jamais fait d'écart. Sauf peut-être ces soir ou elle se permet de boire un verre alors qu'elle est derrière le bar. Ce que, elle espère, nikos a jamais remarqué. Stavros était du genre à trinqué avec elle ou à lancer un clin d'oeil de connivence, c'était facile. Tout était facile avec le père, elle se sentait presque reine. Et sans doute qu'elle a tendance a oublier que le regard que nikos porte sur elle n'est certainement pas le même que son père. « il rentrerait peut-être pas ivre s'il était pas autorisé a venir ici tout les soirs, moi je fais que lui parler, rien de plus. » elle affiche une grimace ennuyée, c'est facile de parler a hunter, d'écouter ses paroles enivrées et ses pupilles dillatées qui lorgnent sur son décolleté, c'est facile d'oublier, dans ces moments-là, qu'il a une femme, qu'il la traite mal. Et c'est sans doute un sentiment de culpabilité qui lui tord le ventre, juste là, à chercher des excuses pour un homme qui bat sa femme. Elle a pas envie d'ouvrir les yeux, deva. Elle vit dans son monde brodés de rêve là ou nikos souffle dessus comme de la poudre de fée pour faire apparaître la réalité. Mais ce ne sont pas ses sarcasmes qui lui couperont la voix, elle a fini par s'y habitué, bien plus qu'à cette distance qu'il instaure que stavros comblait, lui. S'il n'accepte de communiquer qu'avec cette ironie dérangeante qui la renvoie au rang de gamine intenable, elle s'en accommodera. Jamais difficile pour les relations humaines, presque trop facile. « il va bien ? » son sourire s'élargit à la mention du patron, si elle a jamais compris la tension qui crépitait entre le père et son fils elle a toujours eu bien plus de facilité à obtenir l'intérêt de stavros que de nikos, il avait cette façon de toujours la voir, même quand elle essayait pas de se faire remarquer, la sensation d'être importante ici alors qu'elle n'était pas grand chose. Stavros était accessible, sans doute parce qu'il le voulait bien. Nikos, lui, il n'est pas comme ça, il recherche pas la compagnie féminine comme son père, il jette jamais un œil sur deva autrement que pour surveiller son travail, ne laisse pas les heures s'étirer pour discuter avec elle. Là ou Stavros était palpable avec facilité, suffisait de tendre les doigts, toucher nikos relève d'une course de longue haleine ou on risque souvent de finir essouffler avant même d'avoir parcouru la moitié du chemin. Pourtant si elle se soucie du paternel, c'est pas pour autant qu'il lui manque. Il fait partie de ses personnes qu'elle a idéalisé le temps qu'elle les cotoyait, modeler leurs comportements pour l'imaginer merveilleux. Puis oublier sitôt qu'il a disparu. Elle se le remémore seulement quand elle entend son nom, ou quand ses tripes se tordent lorsqu'elle cherche vers nikos la relation qu'elle a perdue, sans jamais parvenir à la retrouver. « comme tu voudras patron » elle tord le mot avec trop d'ironie, le suit en traînant des pieds jusqu'à la réserve, non sans un coup d'oeil à hunter, elle peut pas s'en empêcher, sourire contrit et haussement d'épaule. Il est sans doute trop embrumé par l'alcool pour se rappeler qu'elle l'a abandonné, il reviendra la prochaine fois, ils recommenceront, elle réinventera et il s'en ira encore. frapper sa femme, y a les mots de nikos en échos dans son crâne qui lui arrache une grimace. Elle sent déjà sa voix qui va résonner chaque fois qu'il viendra se rasseoir au bar, gâcher son jeu du soir. Alors elle tente de noyer ses pensées à coup de chiffre, elle compte avec son air boudeur d'enfant, évitant sciemment de l'approcher, même de parler. un, deux, trois. frapper sa femme. quatre, cinq, six. alcoolique. « j'suis désolée d'accord ? Il était gentil avec moi, il avait toujours un verre, je pensais pas que ça posait problème. Et j'ai compris que ça te plaisais pas mais tu devrais te concentrer sur toi, en ce moment. C'est plus important. » elle a pas décollé le nez des étagères, continue l'inventaire même si elle a perdu le compte. Y a rien qui la fasse frissonner plus que de sentir qu'elle dérange, de sentir l'hostilité qui plane dans l'air. Observer la mâchoire contractée de nikos sans savoir s'il souffre ou s'il est en colère. « me fais pas la gueule. » murmure d'enfant gênée, prise en faute. Elle tripote les bouteilles comme si ça pouvait lui donner une contenance. Y a un air d'égoïsme qui flotte dans l'air, pour le laisser se soucier d'elle plutôt que de s'occuper de lui, pour chercher son pardon juste parce qu'elle supporte mal de se sentir abandonnée.

Deva, le manque affectif incarné versus Nikos 1m93 d'apathie. Le silence dans la réserve est hostile d'un côté, confortable de l'autre. Compter le calme, satisfait son besoin que tout soit droit et carré et parfait, à l'inverse de sa vie et du pansement qu'il doit absolument changer ce soir puisqu'il n'a pas les moyens de faire venir une infirmière pour s'en occuper. Pendant qu'il compte les bouteilles de rhum, il ne pense plus à la bagarre, aux coups, au sang chaud qui dégouline sur sa peau, ni à Gemma en train de menacer son agresseur ou au clapotis irritant de sa perfusion. Il ne pense pas non plus au silence de sa chambre d'hôpital ni au médecin qui lui conseillait de remercier la bonne étoile qu'il avait là-haut puisque la lame n'avait touché aucun organe vital malgré la quantité de sang déversée sur le sol de Roaring Lion que Gemma avait durement épongé. Compter lui permettait de penser à autre chose, et la compagnie de Deva, contre toute-attente, était une excellent moyen de se changer les idées, de couper avec le fil incessant de ses pensées parasites qui le ralentissait dans tout ce qu'il faisait. Même lorsqu'elle ne faisait rien de particulier, qu'elle n'essayait pas de le pousser à bout. En temps normal, elle délivrait tellement d'énergie que la voir concentrée avait un effet apaisant plutôt étrange. Il ne la croyait pas capable de rester concentrée aussi longtemps, il la regarde de temps à autre d'un petit coup d'oeil méfiant parce qu'il sait qu'il faut se méfier de l'eau qui dort. Surtout avec Deva. Il attend le moment où elle va commencer à mélanger les chiffres pour l'emmerder ou faire tomber les bouteilles d'alcool comme des dominos en se confondant en excuses. Mais rien de tout ça. Au contraire, ça se voit qu'elle fait l'effort de se tenir à carreau. Il la voit tenter de dire quelque chose plusieurs fois avant de refermer la bouche avec un air bougon et ça, ça le fait sourire quand elle ne le regarde pas. Il imagine la torture que ça doit être pour elle de s'empêcher de l'ouvrir après la mise au point qu'il y avait eu vingt minutes plus tôt au comptoir. L'incident avec Wells est déjà oublié pour Nikos qui ne s'attarde jamais vraiment sur quoique ce soit, surtout pas quand c'était à propos de la clientèle du Roaring Lion. La prochaine emmerde n'allait pas perdre de temps pour se pointer alors autant profiter des moments de sérénité. Deva, elle, est toujours tendue. Il le voit à sa manière dont ses épaules ne s'affaissent jamais et les traits de son visage tendu. Et ça loupe pas. Nikos est obligé de se mordre la lèvre pour ne pas éclater de rire, Deva s'excuse, Deva conseille, Deva supplie. Car la plus jolie des métisses ne supporte ni qu'on l'ignore ni qu'on ait une mauvaise opinion d'elle. Alors elle se justifie encore et lorsqu'elle lui demande de pas faire la gueule, Nikos éclate de rire malgré ses points de suture sur son ventre qui menace de sauter. Détend toi Lili la tigresse, c'est déjà oublié. Dis moi plutôt combien de sachets de pop-corn salé il reste. Il hausse légèrement les sourcils, l'incite d'un mouvement du menton à continuer à compter toujours amusé sa mine déconfite. Il se rend compte alors qu'il sait pas grand chose à propos d'elle alors que ça fait un moment qu'elle bosse ici. Il blâme son père et sa manière de s'approprier toutes les filles qui passent la porte de ce bar. Pourquoi tu bosses ici ? La question vole d'un coup, un peu brute. La question est légitime, Nikos a du mal à comprendre comment on peut avoir envie de bosser ici en son âme et conscience lui qui est lui-même forcé à se terrer ici. Il sait que Nejma bosse ici car elle est étrangère et qu'il n'a pas été très regardant sur les papiers, il sait qu'Adam est plus ou moins bon qu'à ça. Mais elle alors ? T'as l'air d'être une nana intelligente, tu pourrais faire autre chose que servir les crapules de ce bar miteux avec un patron pas sympa et l'autre qui veut te sauter. C'est évident comme le nez au milieu de la figure que Deva aurait du être partout sauf là à servir des whisky et des verres de vin médiocre à des gros porcs qui votent Trump et qui passent leur week-end à tirer sur des canettes de Bud sur leur terrain vague. Il avait souvent l'impression que Crescent Heights était un concentrés de talents gâchés, de jeunesse perdue et de désillusions.

Elle préférerait retourner derrière le comptoir sous le regard lubrique des piliers de bars que de rester dans le silence oppressant de la réserve. Elle est pas faites pour ça, deva, les silences, l'attente, la pression. Elle comble les vides en parlant trop – et trop fort – pour pas avoir a réfléchir. Certainement pas de ces esprits raisonnables qui pèse le pour et le contre avant de faire un choix, qui font une introspection après chaque mauvais choix. Mais le silence, ça l'oblige a y réfléchir, ça l'a fait paniqué. Vague de mauvaise conscience qui la fait trembler jusqu'à plus supporter la cacophonie de sa tête, elle fini toujours par l'ouvrir, c'est plus fort qu'elle. Et ses excuses sont lancés dans un débit ultra-rapide, comme si elle avait peur de pas avoir le temps de tout dire. Les sortir avant de les ravaler. Elle attendait son soupire, l'air qu'il arbore souvent en sa présence, ce regard lassé des frasques à la Deva. Le retour à l'indifférence qui lui sied bien. Au lieu de ça, il rit. Ça dure pas, c'est furtif. inattendu.  « tu te moques de moi? » elle voudrait y mettre le ton outrée des femmes vexées mais le sourire immanquable sur son visage la trahie. Mélange de soulagement et de surprise, rassurée de pas sentir le froid les recouvrir trop longtemps, étonnée de l'entendre rire. Un son qu'elle entend trop peu, mélodie légendaire dont elle entendait parfois les échos mais n'en était jamais spectatrice, encore moins instigatrice. C'est presque étrange, Nikos qui rit, elle essaye d'enregistrer les sons pour les moments ou il poussera de nouveaux soupirs en la voyant, pour se souvenir d'un rare moment ou c'est arrivé. C'est dommage, rire, ça lui va pas si mal. « douze. et y a plus de sucré. » s'il y en a déjà eu, elle met pas souvent le nez dans la réserve, jamais assez longtemps pour se soucier de ce qu'elle contient. Deva, elle préfère l'autre côté, avec les clients, là ou la vie grouille quitte a être au plus près du pathétisme humain. Il doit pas comprendre pourquoi elle aime ça, deva, sinon il poserait pas la question. « pourquoi pas ? ton père m'a embauché » elle hausse l'épaule comme si ça expliquait tout, c'est la première réponse qui vient face à la question qu'elle attendait pas. Et y a pas vraiment d'autres explications, elle cherchait quelque chose, avec un cv qui tiendrait sur un post-it, la candeur dans le regard et le sourire-soleil. Ça aurait pu être ailleurs, ça aurait pu être autre chose, mais ça a commencé ici. « pour quelqu'un qui observe plus qu'il ne parle t'es pas très doué. j'ai aucun diplôme, aucun talent particulier. A part mes mojitos, mes mojitos sont vraiment géniaux. Mais c'est pas avec ça qu'on construit un avenir. » c'est un sourire sur ses lèvres, un peu mélancolique peut-être. Pourtant deva elle est a mille lieux de s'inquiéter pour le futur, elle n'est pas de ces gosses qui ont rêvés de devenir médecin, astronaute ou pompier, pas de ses adolescents à grincer des dents d'inquiétude pour savoir quelle fac les accepterait. Elle a laissé les courants l'emporter pour la mener jusqu'ici, et si c'était pas son rêve c'est pas son cauchemars non plus. Et si ça doit être sa carrière, son métier pour le reste de sa vie ça la gêne pas deva, elle se voit bien là, même sans Stavros. C'est son foyer, bizarrement, une seconde maison ou elle voit pas défiler les hommes dans le lit de sa mère, une maison ou les habitués finissent par l'aimer un peu. Une maison ou on la voit. elle pourrait faire autre chose, si elle en avait au moins l'envie.« et t'es sympa, t'es juste pas comme lui, j'ai pas l'habitude de .. tu sais, il avait pas l'air de m'éviter tout le temps. » elle hausse les épaules en espérant qu'il comprenne ce qu'elle ne parvient pas a dire. pas que nikos la fuit vraiment, non, il a aucune raison de l'éviter. Elle saurait pas expliquer le trouble qui flotte sur elle quand il est dans les parages, la sensation d'être invisible, du moins de laisser indifférent. D'être quelqu'un, mais pas quelqu'un de précis. Plus un visage parmi la foule, comme ces inconnus qu'on croise dans la rue, parfois plusieurs fois, mais dont on ne se soucie pas, qu'on oublie une fois qu'ils sont derrières nous. Alors que deva, elle oublie personne, elle les garde sur papier glacée dans son esprit, parfois en film qu'elle s'invente. « c'est comme si t'étais pas toujours là. Comme si t'avais envie d'être ailleurs des fois. » être ailleurs, ou avec quelqu'un. Elle sait pas, y a pas vraiment de différence, chez soi parfois, c'est dans des bras. Et si deva elle aime être ici, peut-être que nikos rêve d'autre chose.

Le Roaring Lion aurait mieux fait de s'appeller le Crying Soul. Ici, l'humanité venait déverser toute la noirceur dont son âme esseulée était capable. Les outsiders rencontraient les désabusés, la médiocrité prenait place au bar à côté de l'innocence perdue. Un concentré de mauvaises fréquentations où se perdaient de temps en temps des étoiles filantes comme Deva. Nikos se doute qu'elle finira par ses vieux jours entre ces murs, mais il est bien obligé de saluer la bonne volonté qu'elle y met. Il n'a jamais tenté de la connaitre car rien ne l'intéresse si ce n'est les notes de son synthé ou le son de sa guitare. Il a la lassitude d'un mec de 80 balais alors que son visage aux traits droits confirme ses 24 ans. Seules ses cernes sont preuves insidieuses du sommeil qu'il ne trouve jamais, alors oui, Deva il l'avait regardé faire de loin. Il avait balayé vite-fait l'idée de s'y intéresser car il exécrait tout ceux qui appréciait son père. Il avait bien vu plusieurs fois qu'elle tentait de nouer le contact, de s'intéresser à lui mais le rideau de fer s'abattait toujours, d'autant plus que ces derniers mois avec tout ce qu'il s'était passé avec Gemma Nikos avait tendance à se méfier de toutes les femmes torturées de son entourage. Et aucun doute que Deva en était une. Mon père embauche toutes les filles qui rentrent dans un jean 36 et qui sont née entre 1995 et 2000. Lorsque Deva avait débarqué au Roaring Lion, Nikos avait su exactement pourquoi son père l'avait embauché. Elle était sublime, drôle, malicieuse et son air mutin faisait d'elle une bombe à retardement. Nikos avait le doute quant à la relation qu'ils entretenaient vraiment mais il refusait d'imaginer qu'ils aient pu coucher ensemble. Il ne savait même pas si elle était majeure. Elle faisait tantôt 18, tantôt 25 selon sa tenue ou la façon dont elle se maquillait. Tous les doutes étaient donc permis. pour quelqu'un qui observe plus qu'il ne parle t'es pas très doué. Ca avait le mérite d'être franc. Nikos haussa les sourcils avant de rétorquer. C'est justement parce que je t'ai observé que je sais que t'as rien à foutre ici. T'as un talent, tu t'en rends même pas compte. Tu ferais une excellente commerciale, y'a qu'à voir comment t'arrives à les faire consommer. J'sais pas si t'es au courant mais quand t'es de shift on fait nos meilleurs chiffres en happy hour alors reprends-toi, t'es pas bonne que pour les Mojitos. Tu fais de très bons Long Island aussi. Touche d'humour ironique pour achever de la détendre. Elle est touchante, impossible de le nier. Elle a ce truc typique des gamines qu'on a envie de sauver et en même temps elle dégage une sensualité qui adoucit les moeurs. C'était peut-être un autre de ses talents aussi mais il s'abstiendra d'aborder le sujet. Elle avait beau avoir cette candeur qui donnait envie de lui donner le bon Dieu sans confession, il reste son patron et il s'oblige à ne pas laisser la place à ces choses-là. Sauf que peut-être que justement, il en fait trop. C'est ce que Deva avoue à demi-mots, en le comparant à son père et ça, ça le pique. Alors que ça devrait pas. Mais il sent pourtant la morsure de la susceptibilité dans son ego. Il aimerait être comme les autres, tout ressentir, procurer de la chaleur,  savoir mettre à l'aise. Il se sentirait sûrement moins seul, ça faciliterait son sommeil. Mais il reste un putain d'iceberg. Elle l'achève avec ses derniers mots. Il reste comme un con son crayon à papier en suspens au dessus de la feuille d'inventaire. Le regard accroché au métal froid de l'étagère et il jurerait qu'il peut sentir les points de suture se détendre et laisser perler du sang. Comme si Deva venait de rouvrir la brèche. Déstabilisé. Pourtant Dieu sait qu'il lui en faut. Il finit par la regarder. Si tu pouvais pas t'évader physiquement d'un endroit, qu'est-ce que tu ferais ? Quel paradis artificiel tu t'inventerais ? Finalement, c'est peut-être ça la clé. Deva peut faire ce qui lui est impossible. Là on devine un manque d'ambition de sa part, chez lui c'est plutôt le passé qui le verrouille aux chevilles. Le regard froid, mâchoire serrée, le ton dur et acéré. Je déteste cette ville, je déteste ce bar, je déteste ma vie. Parfois je suis tellement en colère que j'ai l'impression que je pourrais faire ployer du fer à distance rien qu'avec mes pensées pleines de haine. Putain de merde, ce n'était pas du tout la tournure que devait prendre cet inventaire à la con et pourtant, dans l'obscurité de la réserve seulement éclairée par un néon bleu, l'arrière-boutique prend des allures de confessionnal. Nikos secoue la tête, il sourit à présent, un sourire plein de désespoir devant la situation. Avoue que mon connard de père, c'est Six Flags à côté de moi. Voilà pour ta dose de drama quotidienne. conclue t-il en ré-alignant les canettes de bière à côté de lui.

« au moins il embauche, c'est pas tous leur cas. » elle se sent le devoir de défendre Stavros. Stavros a l'image si peu reluisante mais qui lui a beaucoup apporté finalement, un travail et de l'intérêt, ça suffit à Deva pour voir son bon côté, celui que nikos perverti en une tare dont elle ne veut même pas parler. Ça lui semble pas si important de savoir quel homme mauvais il pouvait être puisqu'il l'était pas avec elle, jamais. Elle a pas besoin d'entendre le ton amer qu'il emploi salir des souvenirs qu'elle chérie assez pour se les remémorer parfois. Peut-être que Stavros était un mauvais père, peut-être un mauvais homme. Il a pas été un mauvais ami pour elle, quand bien même ses arrières pensées auraient pu être déplacées. Mais elle veut pas non plus que nikos le prenne mal, il a déjà trop souvent cet air fermé sur le visage qu'elle veut pas voir revenir par sa faute alors elle sourit comme si c'était pas vraiment important, débat stérile sur l'âme d'un homme qu'ils ne voient pas sous la même lumière. Elle savoure cette impression fugace que nikos est accessible, a lui parler sans soupirer, sans être consterner par son comportement. Elle écoute presque religieusement les mots qu'elle entrevoie comme des compliments dont elle se repaît, des phrases trop rares, trop gentille et l'impression – sûrement stupide, comme toujours – d'avoir finalement eu son attention a des moments assez régulier pour qu'il puisse dire tout ça. Ça la touche quelque part, entre l'ego et le cœur, parce qu'évidemment d'un tout petit rien deva en fait une montagne. Soudain, Nikos est lumière sur son obscurité, prophète merveilleux qui dépeint une deva plus colorée qu'elle n'est vraiment. Elle sait qu'elle y pensera encore demain et les jours qui viennent, quand il aura reprit air austère, pour se souvenir que parfois, il n'est pas si loin d'elle. « Peut-être qu'un matin je me réveillerais avec l'envie d'autre chose, mais ce matin je savais que j'allais servir des verres et j'étais heureuse quand même de venir ici. j'suis ravie de pousser les ivrognes a la consommation pour ton chiffre d'affaire mais j'y trouve mon compte aussi. » elle pourrait vendre des voitures ou des chiffons que ça lui suffirait pas, elle veut pas tenir la carotte sous le nez des gens, elle veut être la carotte deva. Celle qu'on regarde, celle qu'on veut, celle qui intéresse. Et si elle est talentueuse pour les pousser a la consommation, c'est pas les verres dont elle tire le bénéfice mais de leur ivresse qui les pousse toujours à l'aimer un peu plus. C'est facile, c'est grisant. Un besoin enfantin qui ne l'a jamais quitté, pulsion difficile a saisir, qui la pousse à se faire voir même des plus vils pourvu qu'elle se sente vivante dans leur regard. Différemment, ils doivent y trouver leurs comptes et ça lui suffit. Peut-être plus maintenant, pas pendant cette conversation en tout cas. Subitement, il semble figé dans la contemplation d'un détail sans importance, quelque part sur l'étagère, et sa question qui fend l'air a laquelle elle n'a pas de réponse. j'irais partout, j'irais nul part, est-ce qu'il attend vraiment une réponse dans le fond ? S'il cherche une voie un emprunter, elle préfère s'abstenir de la lui conseiller, à la place, elle laisse ses mots durs trancher le silence. Elle suspend son geste, comme tétanisée. L'air qui vibre d'une colère sourde ou peut-être de désespoir. Elle a l'impression que sa voix vibre encore dans le silence. Elle pensait pas pouvoir être surprise par nikos et pourtant, elle a l'impression que sa langue s'est déliée sans qu'elle y soit préparée, secouée par sa capacité à déverser soudain ce qui lui pèse sur l'âme. C'est à peine si elle ose mettre un terme au religieux silence qui accueille sa tirade. « y a de jolies choses ici, suffit de les trouver. » philosophie de comptoir murmuré d'une voix timide. elle est pas sûr de lui dire la vérité en plus. Y a longtemps que deva elle dissocie plus la beauté qu'elle invente de celle qui existe vraiment. Elle aime croire qu'il y a quand même du beau quelque part ici, qu'une ville ni aucuns lieux ne peut être aussi sinistre sans lumière pour contrebalancer. « et si t'arrivais jamais a les trouver, tu pourrais t'en aller. Fait ta valise, va voir ailleurs. T'as failli mourir dans un endroit que tu détestes, c'est plutôt triste comme fin. Tu pourrais être heureux. » un grand mort aux allures de chimère. Mais elle est assez naïve pour se persuader que tout le monde peut finir heureux, même lui, surtout lui. Après tout, des années donnés à ce bar qu'il déteste, sans doute son lot de souffrance dont elle ne sait rien et des points de suture sur son corps, si elle était justice divine, deva l'aurait béni, offert le bonheur sous la forme d'un paysage de rêve, d'une femme idéale et des jours ensoleillés. « et j'aime pas le drame, Six Flags c'est plutôt marrant. Si je pouvais m'évader dans un endroit, peut-être bien que ce serait celui-là. Tu devrais essayer, ça te ferais sourire un peu. » deva elle aspire qu'a la douceur. Elle veut pas de cette peine avec laquelle les gens s'encombrent, elle essaye de s'en détacher du moins, celle qui semble peser si lourd sur les épaules de nikos, qui luit dans le fond de son regard. Et si elle en avait le courage, sans doute qu'elle la lui prendrait pour le soulager. Mais c'est qu'un poids plume, elle tarderait pas a ployer.

La réserve du Roaring Lion a prit des airs de confessionnal et Nikos passe en mode "10 facts about me" alors que sa serveuse se pensait juste de corvée pour un inventaire, la voilà de corvée pour l'écouter se lamenter. Il sait comment ça sonne, il avait pas prévu de délivrer du drama en litres dans ce qui devait simplement être une tâche normale mais pourtant il venait de le faire. Et bizarrement, Deva trouve les mots, même si son intro ressemble un peu à une phrase cliché de grand sage Disney le fait est qu'elle a raison. Les jolies choses sont rousses, orgueilleuses et à la peau diaphane mais les jolies choses aiment prendre la poudre d'escampette au petit matin et déteste les au revoir. Mais c'est pas cette phrase qu'il retient Nikos au milieu des bières et des sachets de popcorn. C'est un petit bout de son âme qui virevolte hors de lui et tressaute sur le lino de la réserve lorsque Deva lui sert sur un plateau d'argent la tirade dont il a besoin à l'instant T. Parce qu'à ce moment-là, Deva fait un truc incroyable, que personne n'est parvenu à faire au cours de ses dernières semaines malgré sa volonté de voir un peu de lumière. Deva réussit là où tous les autres n'ont même pas essayé. Deva lui insuffle un peu d'espoir, juste ce qu'il faut. Un nice reminder qu'au delà des nuages de Night Falls et des ruelles glauques où la neige fondue mute en mélasse déprimante, il existe un univers tout entier où il pourrait se réinventer cent fois s'il le voulait, où les couchers de soleil n'aurait pas le goût du sang et les levers ne seraient pas une vicieuse gueule de bois. Pendant l'espace d'un instant, un océan de possibilités défile dans les yeux de Nikos et l'avenir utopique qui se profile pourrait être tentant sauf que la réalité finit comme à chaque fois par le rattraper par le col et la chute est rude. Rire nerveux et une main passée dans les cheveux, il imagine sa pierre tombale dans le cimetière délabré de Night Falls un moment. Crever sur le sol du Roaring Lion n'a rien de plus enviable qu'un tox qui succombe à une OD dans un hangar désaffecté. Elle marque un point, peut-être même cent. Je pense pas que le bonheur est un concept créé pour les gens comme moi, puis de façon il me reste la musique. La musique me rend heureux. Du reste, je peux pas me tirer d'ici tant qu'on a pas terminé de rembourser nos dettes à l'hôpital de la ville et le prêt que mon père a contracté. Dans 5 ans ça sera réglé et je pourrais me tirer. Enfin, j'espère. C'était un supplice de tous les jours, si son père avait été plus sérieux en affaire et avait géré le Roaring Lion comme il l'aurait fallu, nul doute que Nikos aurait été déjà loin sous le soleil californien a profité d'une vie que sa mère aurait sans doute jugée préférable pour lui. Sauf qu'il y avait eu le cancer, les huissiers, les factures qui s'amoncellent et une seule personne assez mature et responsable sous ce toit pour prendre les choses en main et oeuvrer pour faire en sorte de nettoyer l'ardoise des Avergopulos. Tout le monde était au courant de cette histoire, ce qui expliquait les gros pourboires de temps en temps, tout le monde avait pitié du pauvre gosse immigré grec qui tenait le bar à la place de sa mère décédée. Même si Nikos aurait voulu être plus que ça. Un jour peut-être qui sait. Il sourit à nouveau quand Deva lui conseille d'aller à Six Flags pour le dérider un petit peu, faut dire qu'il a jamais été fan des sensations fortes à part celle que peuvent lui procurer sa moto en panne depuis des mois maintenant. Pas mal comme échappatoire, j'avoue. Ça te ressemble. Si Nikos avait été une attraction, il aurait sûrement été la maison hantée, peuplé de fantômes et de créatures inquiétantes dans une ambiance lugubre. Deva elle aurait sans aucun doute été la grande roue, solaire, remarquable, attendue, vertigineuse. Pas besoin de se creuser la tête pour comprendre ce qu'ils leur trouvaient tous, il mettait exactement le doigt sur ce qui avait fasciné son père. C'était là sous ses yeux. Elle donnait l'impression de vouloir être sauvée mais en même temps elle gardait quelque chose en elle, une sorte de feu brûlant qui donnait envie d'être attisé. Il était sûr à 99% que son père avait réussi à l'attirer dans son pieu et cette seule pensée était assez désagréable pour lui retourner l'estomac. Elle est tellement jeune. Normalement il se tape complètement de qui son père a réussi à attirer dans ses filets mais cette fois-ci sans qu'il sache vraiment pourquoi c'est différent. Couche pas avec lui. Les mots sortent tout seuls, il se demande un instant si il va les regretter sauf qu'au lieu de ça il le répète. Couche pas avec mon père parce qu'il gardera un bout de ton âme avec lui. Il a détruit ma mère, si le cancer ne l'avait pas emporté, ça aurait été lui. Il détruit tout ce qu'il touche. Alors couche pas avec lui. répète t-il sans la regarder, tout en continuant de griffonner les comptes sur l'inventaire. Il suppose que le mal est déjà fait, mais peut-être que ça la dissuadera de recommencer. Si lui était coincé ici, ce n'était pas son cas.

elle retient les soupires qui se battent dans sa gorge, rarement témoin d'une vision si triste de la vie. Elle a l'impression soudaine de vivre dans une bulle aseptisée et de n'avoir jamais connu vraiment le monde dont parle nikos, cet univers dans lequel on se sent coincé comme un animal en cage, croulant sous le poids de responsabilités dont on ne veut pas vraiment, persuadé que la vie a des aspects qui sont interdits au gens comme lui. « c'est quoi, les gens comme toi ? » elle a le sourire taquin mis les sourcils froncés, sans doute qu'elle ne connaît qu'une facette de nikos, celle du patron un peu grincheux, image d'un homme qui n'a jamais quitté ces quatre murs. Du peu qu'elle entrevoit pourtant, il semble le mériter plus que la plupart des gens qui peuple la vie de Deva. Sauf janis peut-être, janis elle mériterait aussi, pour tout le mal qu'elle lui a fait. Pour la souffrance causée et les maux qui l'étouffent. Les autres, ils méritent pas plus qu'elle, et bien moins que nikos. Si elle en était pas convaincue, elle l'est maintenant qu'il parle de ses dettes comme on parle d'un boulet à sa cheville. Elle imagine nikos comme un oiseau enfermé dans une volière, animal de zoo coincé entre les regards curieux des habitants d'une ville ou tout le monde semble toujours juger tout le monde. Elle voudrait pouvoir ouvrir la porte, elle est sûre qu'il attendrait pas de savoir ou aller pour partir. Il irait, simplement. Il vivrait. Et ça suffit pour lui faire plaisir tout en lui pinçant le cœur. Quelques minutes ou elle entrevoit nikos plus personnellement et déjà, elle pense au vide de son absence. Il restera qui ici, à part elle ? Quel visage connu dans ce bar a part les ivrognes ? Elle a pas besoin de longues journées à discuter sur le monde pour aimer les gens, il fait pas exception, quelques minutes et déjà, elle voit autrement. Plus joliment. Assez pour lui souhaiter mieux que ce qu'il a entre les mains. « je t'ai jamais entendu jouer, c'est drôle je t'imaginais pas dans le rôle du musicien écorchée vif qui fait se pâmer les filles devant ses accords de guitare. » elle a pas honte du stéréotype, elle y connaît pas grand chose, ni au sujet de la musique ni au sujet de nikos. Tout ce qu'elle sait, elle croit le savoir ou au pire, elle l'a inventé pour faire coller ça a une image qu'elle imagine belle. Il le sait pas, mais elle a déjà imaginé sa vie cent fois, avec les quelques informations qu'elle avait. Parfois c'était une belle vie, parfois une histoire minable. Parfois, il avait l'air aussi horrible que son air fermé les soirs ou y avait qu'elle au bar, parfois il avait l'air aussi lumineux qu'un astre. Mais chaque fois, c'était une image superficielle, comme une photographie sur papier glacé bien loin des émotions amers qui transpercent son timbre de voix. Il doit avoir un goût amer nikos, aux saveurs de sa vie et elle peut pas s'empêcher de lui souhaiter de pouvoir vite s'en aller si ce qu'il trouve ici le fait tomber en lambeaux. « t'irais ou alors ? un éternel road trip ou une jolie maison en bord de mer ? je sais pas ce que tu veux fuir, quelqu'un ou quelque chose. mais même si tu pourras laisser ton père et n'importe qui a la limite de la ville, ton amertume et ta colère, tu les emmèneras avec toi si t’arrive pas a les lâcher avant. » ça au moins, elle le sait. Délaissant et délaissée, elle sait qu'on s'habitue a l'absence, qu'on peut à force de vivre oublier les visages d'avant mais certainement pas les sentiments qu'ils ont laissé pousser quelque part, à l'abri dans un cœur qui ne leur appartenait pas. Souvent ça ressemble a des plantes grimpantes, qui s'enroulent autour du myocarde jusqu'à vous étouffer. Ça envahis l'esprit jusqu'à ce qu'on ne puisse plus penser. Cacophonie des émotions. Elle doute pas que nikos puisse partir, il a la détermination dans le regard et la force des mots qui l'en persuade mais elle a peur par contre, qu'il parvienne pas a tout laisser. Ce qui gronde a l'intérieur de lui, sali les jolis chose. « quoi ? » elle se souvient plus de son âge exact, mais elle est sûre qu'il est pas si vieux. Pourtant, elle a l'impression d'être une gamine volage qu'un paternel austère viendrait gronder. Sauf que deva, elle a pas de père et nikos est bien loin de l'image qu'elle se fait souvent de l'homme qui n'a jamais eu de visage. « j'ai pas peur pour mon âme, personne l'a jamais approché. c'est toujours mon cœur que je met en jeu. et avec stavros, y a aucun risque » qu'il ai eu son corps ou non, il aurait jamais eu son âme, pas même son coeur. Stavros c'était davantage une figure paternel cherché dans les rides aux coins de ses yeux qu'un grand amour. Et en même temps, elle a pas envie de répondre a nikos, qu'il sache s'il a eu raison ou tort de penser qu'elle avait fini dans les draps de son père. Vexée peut-être qu'il se donne le droit de lui dire quoi faire. Elle préfère avancer vers lui, les pieds dans son champ de vision pour détourner son attention du carnet, la curiosité attisé qu'elle cherche même pas à retenir. « t'as perdu la tienne? » si une nuit avec Stavros prend un bout de son âme, qu'est-ce qu'il reste celle de nikos, qui a vécu des années avec lui ? Il s'inquiète des morceaux dérobés mais s'il dit vrai, la sienne a sans doute volé en éclat y a longtemps déjà.