gueule d'amour, coeur cassé (jo)

- la tête tournée vers les étoiles -
dieu est amour. chez les garcia, on croit en dieu plus qu'on ne croit en quoique soit d'autres. jo a connu la messe tous les dimanches, le confessional et le catéchisme. encore aujourd'hui, elle est croyante. elle n'a pas de tabou là-dessus, si on lui demande, elle répond. régulièrement, elle va se confesser. ça la libère, ça l'appaise et ça lui donne l'illusion de maintenir un lien avec ses proches, un lien éternel. âme rebelle. jolene a toujours été du style à détester les codes et les étiquettes. déjà gamine, elle jouait au foot avec les garçons et tant pis si ça leur plait pas. pourquoi elle pourrait pas parce qu'elle est une fille ? c'est n'importe quoi ! et puis, elle, elle aime pas jouer à la coiffure et compagnie. chez elle, tout le monde fait la cuisine, pas question que ça soit que pour les nanas. elle peut réparer sa voiture seule, pas besoin de gros muscles pour ça. l'oeil du tigre. du haut de ses huit ans, voilà une gamine qui a déjà beaucoup d'assurance quand elle pousse la porte de la salle de boxe avec son père. on la regarde, dévisage même, pas commun qu'un si petit bout de femme vienne. quand ses copines préfèrent la danse, jo veut cogner, apprendre à se défendre et montrer de quoi elle est capable. depuis qu'elle a mis un pied dans cette discipline, jo n'a jamais failli aux entraînements. encore aujourd'hui, elle fréquente la salle trois fois par semaine. elle a déjà fait quelques combats mais ce n'est pas pour ça qu'elle le fait. elle a besoin de se défouler, de canaliser son énergie pour ne pas que ça dégénère. et aujourd'hui, même si certains s'amusent encore à coup de remarques sexistes et lourdes, jo a gagné le respect des autres boxeurs. erreurs de jeunesse. seize ans et la jeune femme s’emballe. elle adopte un total look black, se met à fréquenter les mauvais garçons, sortir en douce en plein milieu de la nuit, la cigarette – et autres – à boire on ne sait trop quoi. ce que certains appellent la crise d’ado la frappe puissance dix mille. se laisser porter par l’ivresse, l’insouciance, ne pas penser, ne surtout pas penser et énerver au maximum ses parents. c’est à cette époque qu’elle commence à sortir avec chic, un gars un peu plus vieux. il a une moto et quand il vient la récupérer au lycée, jo se sent pousser des ailes. chic, il est jaloux et possessif et c’est un homme, un vrai. elle en fait des conneries avec lui, elle est tellement amoureuse qu’elle le suivrait jusqu’au bout du monde. chic il a un souci, c’est qu’il cogne et parfois fort mais elle pardonne parce qu’elle l’aime. peu à peu, jo se fait aspirer par chic et se renferme sur elle. il lui en a fallu de peu pour sombrer définitivement, intervention de son père qui réussit à faire partir le mécréant. aujourd’hui, jo a encore honte d’avoir été si dépendante, si faible. elle n’en parle quasiment jamais. de cette période, elle n’a gardé qu’une sérieuse addiction à la cigarette. fin de l'innocence. un coup de fil en pleine nuit alors qu'elle se saoulait sur une plage et tout son monde s'effondre. c'est la police. elle comprend mal, réalise pas. on lui apprend que ses parents ont été assassinés, tués par balle. des voyous qui sont rentrés dans l'épicerie familiale pour voler la caisse. papa a dit non, l'un a tiré, il est mort sur le coup. sa mère est arrivée, le voleur a paniqué et a tiré une seconde fois, en plein dans la tête. les médecins n'ont rien pu faire. félicitations mademoiselle, dix-neuf ans, orpheline et héritière des économies parentales et de la maison. jo était pas prête. elle est rentrée en catastrophe pour organiser les funérailles, accablée par la tristesse mais pas une larme devant les autres, la fierté l'a emporté. vivre seule lui était insupportable, c'est ainsi qu'a commencé le squat des potes aux gens de passage pour jamais ô grand jamais n'être seule. maintenir l'illusion qu'elle a une famille. ça fait maintenant déjà sept ans. carapace opaque. on sait jamais vraiment ce qu’elle pense jo, si elle aime quelqu’un ou pas. elle est pas des plus habiles avec les mots manquant de tact et de patience. et son visage n’aide pas vraiment, souvent neutre et pourtant qui semble tellement jugeur. elle garde tout à l’intérieur, elle montre pas les faiblesses et les doutes. elle veut pas que les gens les utilisent alors elle montre cette illusion de perfection sans défaillance, comme si elle était un mur. alors que si on creuse un peu, qu’on va plus loin, on découvre une toute autre jo. la lionne. jo est une véritable mère poule dans la coloc. personne ne touche à ses petits et même si elle pense bien souvent que ce sont que des petits cons, elle les aime fort et ne pourrait pas se passer d'eux. coeur tendre mais une fierté exacerbée, difficile de toujours savoir ce qu'elle pense jo. pourtant, ne jamais douter de l'amour qu'elle a pour tout ses squatteurs qu'elle leur montre en les engueulant de pas laver la vaisselle ou de laisser trainer des trucs douteux. sa porte est toujours ouverte, prête à écouter et conseiller toutes ces âmes en peine. reine sur roulettes. jo elle groove sur ses patins à roulette. c'est pas le meilleur taf du monde ni celui dont elle a toujours rêvé mais ça paye plutôt pas mal d'être manageuse au groove. elle a commencé en tant que serveuse et puis elle est montée petit à petit. comme quoi les études ça sert à rien. toute façon avec tous les poings qu'elle s'est mangé dans la tronche, elle a plus assez de neurones pour réfléchir autant.