i know there's a special place in hell reserved just for me : it's called the throne.

- la tête tournée vers les étoiles -

(numquam timebunt umbrae) princesse dans son écrin doré, tout en haut d'une tour d'ivoire ... aurora a pourtant vite basculé dans le vide, tout droit jusqu'aux enfers. môme éthérée si peu attachée à la vie, elle voue à son contraire absolu une fascination depuis toujours. à l'école, ses poèmes étaient sombres, ses dessins macabres et ses histoires finissaient toujours mal. lorsqu'elle s'écorchait les genoux, loin de pleurer sous la douleur lancinante, elle passait de longues secondes à détailler la plaie, hypnotisée par la langueur de lave avec laquelle le pourpre la fuyait. elle rêve souvent de sa propre fin, rory, s'imagine blancheur d'opaline contre un couffin écarlate, belle et apaisée, plus qu'elle ne l'a jamais été et ça la rend heureuse. quand elle est en colère, quand sa langue fourche et siffle, il lui arrive de ressentir l'appel du vide, plus fort et d'imaginer derrière le secret de ses opales, le corps sans vie qui s'oppose à elle, abîmé au-delà du réparable. elle n'est pas violente, aurora, n'a aucune ambition de tailler d'autres peaux que la sienne mais la mort est une tendre amie qu'elle rêve parfois amante, une déesse à vénérer d'un oeil esthète et mélancolique tout en tombant à genoux.
rory, c'est la curiosité qui démange, l'envie de voir la grande faucheuse à l'oeuvre. c'est celle qui détaille longuement les accidents de voiture comme une catastrophe magnifique, qui se penche sur les dépouilles rongées au bord d'une route et décèle dans la froide rigidité d'un cadavre une harmonie qui la bouleverse au plus profond d'elle-même.
(dulce bellum inexpertis) papillon de nuit attiré par les abysses, rory flirte avec le danger. pour sentir son palpitant écorché battre plus fort, plus vite, pour traverser le miroir et frôler du bout des doigts ce qui l'enchante tant. elle a beau se la jouer funambule au bord du précipice, personne ne prend le risque d'abîmer la princesse. parce que ceux d'en bas, ils savent ce qu'elle ignore, tout ce qui échappe aux costumes trois pièces et aux belles étoffes qui viennent se perdre dans sa demeure. ils connaissent tout de son nom et de la menace sous-jacente qu'il susurre. papa son héros, papa son roi est aussi le croque-mitaine, l'ogre et le grand méchant loup aux mains saturées d'hémoglobine. et rory ne sait pas ce qui se trame si loin d'elle. ce qu'elle sait, en revanche, c'est l'immunité diplomatique que son identité lui confère, d'athéna devenue perséphone, elle se glisse dans les enfers avec la conviction d'y régner. enfant des ténèbres, c'est dans le vice et le sale qu'elle se sent la plus à l'aise. insolente, provocante, elle use des billets verts comme laisser-passer et leur vampirise la vie qui lui fait tant défaut.
(quaerere desine iam scies) rory est difficile à suivre, impossible à comprendre. royale dans sa stature et son visage gelé aux opales acérées, elle semble inatteignable la princesse des glaces faite pour régner à distance. on l'admire de loin, observe son maquillage outrancier, ses sourires piquants ou lascifs et on croit la connaître, la gamine de riche par excellence. puante, méprisante, une salope qui se prétend reine. on la pense mutine et capricieuse, égoïste et méchante, vaguement limitée. et rory, elle aime ça. les regards sur sa peau trop pâle, l'envie, la jalousie, les murmures mesquins sous ses foulées, comme un lit de plume contre la plante de ses pieds. à défaut d'être emplie d'elle-même, elle devient tout ce qu'on veut qu'elle soit, ce qui la rend aussi inflammable qu'imprévisible. la vérité, c'est que certains enfants naissent déjà grands, la gravité pour seule expression et le silence comme exutoire. rory est de ceux-là, des sérieux, des cérébraux. des complexes. de ceux qui ne rient jamais, oublient souvent de sourire et conservent à l'intérieur d'eux-mêmes de quoi s'occuper toute une vie. d'aussi loin qu'elle se souvienne, aurora a toujours été adulte, dotée d'un esprit profondément vif, capable de comprendre le sens caché des choses, d'en saisir le palpable et surtout l'impalpable, les secrets, les mystiques derrière le bruissement des arbres ou le chant des loups. rory, elle est torturée. compliquée. c'est la fille lunaire qui rêve pourtant de brûler, celle qui s'est élevée en jetant de la poudre aux yeux et de grands éclats de voix. elle est contradictions et paradoxes, la môme. figurine distante, drapée de neutralité, de regards glacés, de pâles sourires et à la fois impétueuse, orage et tempête, langue venimeuse mais (rares) mots éloquents. provocants. elle est franche, crue, lapidaire et bercée de vérité et pourtant elle manipule aisément, jouant des émotions qu'elle effleure seulement de loin. rory, elle est monochrome, tout ou rien, blanc ou noir mais jamais en couleurs. excessive en silence, sombre sous la blancheur de sa peau, elle aime le laid et le beau, le vice et la pureté d'opaline et la mort. surtout la mort : elle ne sait pas composer avec le monde des vivants, le concret, le cartésien et se retrouve tout de même à devoir fouler la terre car son coeur bat et son cerveau palpite. rory, elle dégage quelque de fascinant, comme un mirage durable ou un éternel anachronisme. malgré son image de baby doll blonde un peu trop perchée, elle est plus profonde que tu ne le seras jamais. jamais heureuse, trop lucide pour s'offrir l'illusion d'un bonheur fugace. ni sereine. jamais sereine. rory qui ne se sent exister que sous les regards dont elle se moque pourtant, elle a besoin de validation. besoin d'écraser, de dominer sous une compétition qui n'a aucune raison d'exister. elle a besoin qu'on l'aime plus qu'elle aime et c'était facile, pour celle qui donnait son corps mais jamais son rein, celle qui offrait peu mais prenait tout en retour avec une voracité effrayante, comme si elle espérait ainsi combler le vide à l'intérieur, le lac asséché qui rêve de s'éteindre. tout était plus facile, avant lui.
(carpe noctem) elle aime la nuit, évoluer dans l'obscurité et admirer les étoiles, jamais aussi jolies que lorsqu'elles sont mortes depuis des décennies. ☾ silhouette vaporeuse perdue dans les limbes, entre ici et là-bas, rory glaciale s'éprend des flammes dans l'intimité pour se sentir vivre un peu plus fort. pour toucher au divin et goûter à cette petite mort qui a le goût du rien, cet infime instant d'abandon où le corps semble rendre les armes, où l'esprit s'estompe. elle est persuadée que mourir, c'est ressentir cet état flottant entre deux mondes pour l'éternité. ☾ elle aime la philosophie, la mythologie, l'astronomie, l'histoire moderne à l'heure de l'inquisition et des sorcières. si ses professeurs ont toujours loué sa prose lyrique et ses capacités d'analyse, mettant en avant un esprit affûté et un grand discernement, elle est loin une élève fétiche, moquant volontiers les lacunes de ceux responsables de son enseignement. elle a pourtant sauté une classe, malgré de très faibles facultés sociales à l'enfance. tous s'inquiétaient pour cette enfant solitaire aux dessins sombres ... si depuis rory a appris à prétendre, à se calfeutrer derrière des soieries colorées et une attitude de reine des abeilles, à l'intérieur tout est toujours aussi nécrosé. ☾ amie médiocre, rory a besoin des autres, d'être entourée, appréciée, mais elle est toujours à double-tranchant. prisonnière d'une compétition implicite avec ceux qui lui sont le plus proches, elle est incapable de les aimer sans arrières-pensées, de vouloir pour eux le meilleur. au contraire, celle qui se complaît dans le monde d'en bas a la tentation d'y être rejointe. niki est le meilleur exemple de son ambivalence. proches depuis des années, officiellement qualifiées de meilleures amies par le commun des mortels, rory éprouve à son égard une jalousie maladive, qui mord ses entrailles et la pousse parfois à imaginer ce à quoi elle ressemblerait, la si jolie niki, si sa fourchette se fichait malencontreusement profondément dans ses yeux de biche. ou si sa voiture venait à exploser son charmant visage comme une pastèque trop mûre. elle déteste sa beauté facile, ses courbes de femme lorsqu'elle est obligée de déployer des trésors d'imagination et de mensonges cosmétiques pour ressembler à autre chose qu'une môme. alors aurora, elle voit son amie s'estomper doucement, disparaître en elle, os saillants et teint terni. et quelque part dans la noirceur qui l'habite, cette vision à l'esthétique gothique l'enchante. l'excite un peu. alors au lieu de lui tendre la main, elle caresse ses démons, leur prend la main et les aide à déployer leurs ailes. ☾ elle aime la tristesse qui l'habite continuellement, aussi apprivoisée qu'un chaton aimant. elle aime la souffrance originelle, qu'elle se plaît à réveiller en tranchant sa peau pour en libérer le venin. elle aime les paradis perdus, artificiels et s'exploser le coeur dans les nuits fauves. elle aime les excès, le bruit et la fureur, le silence de mort. elle aime la nuit, le sombre et les vices. elle aime faire mal et sa propre douleur.
elle l'aime, lui, qui referme tant d'elle à l'intérieur.