† chapitre 19, verset 30Ça fait une semaine que Crescent Heights t’abrite. Il s’en est passé des choses : la plus signifiante d’entre elle est la reprise du travail par Arelius, ton hôte. Il semblait inquiet à l’idée de te laisser quelques heures pour partir s’affairer avec ses élèves de théâtre, tu as tenu à le tranquilliser, sans doute très maladroitement. Il t’a laissé une clef de l’appartement, t’a rappelé le code d’entrée, t’a fourré une carte de la ville dans les mains, t’as demandé d’être de retour pour dix-sept heures. TU as opiné, trop heureuse de sortir, trop heureuse d’être loin de lui pour un moment. La solitude te manque. Tu as été accoutumée à vivre entourée mais profondément murée dans l’étau de tes pensées : les relations que tu entretiens avec les autres sont des façades. Tu les as toujours vus comme des ombres en perpétuelle représentation, des êtres qui ne s’agitent que parce que le fil du marionnettiste divin leur imprime un mouvement.
Lui, il est différent, tu le sens, et ça t’effraie. Il n’est mû que par sa propre force, sa propre volonté. Tu n’as jamais vu quelqu’un aussi « vivant », aussi plein et entier. Aussi « habité » par lui-même. Tu te sens toujours un peu en retrait de toi-même, comme si ton âme siégeait à l’arrière de ton corps et regardait non sans une certaine distance le monde prendre vie autour de toi. Lui, il est différent. Tu le sens. Ça te terrorise. Tu aspires à entendre sa voix contre ton oreille, à sentir la chaleur de son corps. Tu aspires à t’entendre tutoyée, à glisser tes mains dans les siennes. Et tu lui refuses tout ça en même temps que tu te le refuses à toi-même.
Tu as marché longtemps sous l’ardent soleil, au hasard des rues. Tu as fini par arriver devant une enseigne aussi inconnue que le reste des vitrines, et qui aurait pu te faire passer ton chemin sans une étrange impulsion. Tu es entrée pour la première fois dans une boutique d’ésotérisme. Tu as salué machinalement la vendeuse, et tu t’es engouffrée dans les rayons. Tu as une croix dorée autour du cou qui repose sur la naissance de ta poitrine dissimulée par une robe d’été bleu foncée. Une veste légère dissimule tes épaules. Tu te demandes vaguement si afficher la foi qui t’endoctrine est compatible avec l’endroit où le hasard a guidé tes pas. Dans la poche de ta veste, tu serres la petit bible en islandais que tu promènes partout avec toi. Croix et Bible… tu aimes manifestement vivre dangereusement.
Tu ressens pourtant, dans ces petites pièces sombres, un sentiment que tu n’as pas encore ressenti depuis ton arrivée en ville : une franche curiosité. On a passé ton enfance à te mettre en garde contre Satan… pourquoi ne pas t’abîmer dans ses bras, après tout ? Tes yeux dévorent les cristaux, pendules, tarots, titres de livres. Tu déchiffres ces derniers avec lenteur. Tu n’as pas encore tout à fait l’habitude de la langue… Peut-être devrais-tu demander à Arelius de t’aider avec cela ? Vu de l’extérieur, tu donnes sans doute l’impression d’une religieuse contemplation des ouvrages… ou de chercher quelque chose ?
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Sujet: Re: A la recherche de l'Antechrist | & Libre Mar 24 Juil - 15:15
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Sujet: Re: A la recherche de l'Antechrist | & Libre Sam 18 Aoû - 9:54
HS : désolée du retard de réponse, je viens juste de rentrer de vacances, merci de ta patience
Tu parcours les couvertures du bout des doigt. Les reliures de carton grossier n’ont rien à voir avec la précieuse douceur du cuir que tu rencontres dans la bibliothèque d’Arelius. Tu songes à Shakespeare sommeillant sur ta table de chevet et à la tentation, trop grande, de demander à l’acteur de te faire à nouveau la lecture. Les mots de l’auteur mort ne trouvent jamais autant d’écho en toi quand tu les lis que lorsque tu les as entendus susurrés à ton oreille par ton hôte. Vague rougeur sur ta joue à laquelle répond un toussotement à ta gauche. Surprise, tu lève l’oeil vers la nonchalance faite adolescent. Un garçon. Ton âge, ou peu s’en faut. Accoudé placidement à la bibliothèque dont tu caresses le contenu de l’extrémité de tes ongles.
Il te charrie, tu le sens bien. Un vague élan de timidité téléscope ta mauvaise connaissance de l’anglais. Par chance, tu reconnais assez de vocabulaire pour comprendre ton vis à vis. Il faut dire qu’on est loin de Shakespeare ou de l’exquis raffinement des propos d’Arelius. Il va vraiment falloir que tu lui demandes des cours d’anglais. Tu n’as pas le temps de répondre que le bruit mat d’un livre chutant de l’étagère fait sursauter le garçon et le faire douter un instant de la réalité de ce qu’il te proposait d’invoquer « le diable ». Trop vif, trop rapide. Tu es médusée par sa capacité à parler finalement tout seul. Il te pose les questions les unes à la suite des autres, les enchaîne comme des perles sur un collier. Trop vif, trop rapide, il te donnerait presque mal à la tête.
Enfin, tu saisis l’ouverture, un moment de silence après qu’il se soit mépris sur ton compte. Tu en as profité pour, la surprise passée, reprendre un peu contenance. Tu dois avoir l’air moins perdue que lorsque tu as levé les yeux vers lui. Tu hésites à lui lâcher un ‘moi pas parler anglais’ juste pour avoir la paix… Mais quelque chose te pousse à répondre. Son insouciance, peut-être. †« Tu ne devrais pas plaisanter avec ce qui te dépasse, de toute évidence. Si on accepte l’existence de Dieu, il faut bien accepter celle du Diable et des démons. S’ils existent vraiment, je ne suis pas sûre que tu voudrais vraiment voir ton amie dans les bras de l’un deux… à moins d’être vraiment malveillant. » Ton haussement d’épaule a fait étinceler la croix d’or sur ta gorge. Ce n’est, de toute évidence, pas un symbole wiccan.
Tu pousses quand même la politesse dans ton anglais mâtiné des accents islandais que tu ne parviens pas à perdre. †« Je m’appelle Veredis, et je suis là depuis peu, ouais… ». Tu aurais peut-être dû lui tendre la main pour la serrer, tu ne l’as pas fait. Tu le dardes de ta prunelle, méfiante.† « Alors, Luca ? Inconscient ou malveillant ? Que je sache si je suis enchantée ou pas de faire ta connaissance. » T’as l’air sérieuse et cassante, comme ça, mais en vrai, tu as surtout envie de te moquer un peu de lui en le mettant mal à l’aise. Technique de base pour ne pas perdre ta virginité bêtement en soirée… Si Arelius te voyait réagir, il se dirait sans doute que la secte dans laquelle tu as grandi a bien oeuvré.
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