king(s) of the night | cash

L’arôme des combats pullulent de tous les côtés, sueur mélangé à celui de la férocité, brisé par les cris des types qui s’excitent sur des combats que Nox regarde à peine en réalité. Il analyse le public, les pigeons potentiels à rafler, un insecte glissé dans une foule pour piquer et rafler sans que personne ne s’en rende vraiment compte. Il a pas le physique pour se jeter sur un ring, ni l’envie. Se battre sans règles ni limites lui suffit, défoncer la gueule du pd qui sert de videur au Sinners par exemple. Tout lui semblerait plus fade si ils étaient derrière des grilles à cracher des filets de sang et hurler au public d’hurler encore plus fort. Ces types ressemblent à des bêtes qu’on aurait jetées dans des cages, comme des poules qu’on éclate au sol pour leur mettre la rage et les forcer à s’affronter. Ou juste qu’il n’y comprends rien. Il a remarqué une seule tête depuis qu’il vient ici, squatter entre deux connards puant la bière et la transpiration, jouant le rôle du passionné qui pense à parier toujours contre le même, jamais pour lui. Juste pour faire chier, pour que son nom lui revienne aux oreilles, que ses yeux se posent sur lui et qu’il comprenne qu’il est entrain d'empoisonner le public qui lui sert de bonus à la fin de chaque combat. Nox est toujours à la même putain de place, proche de l’arène et assez près des mains qui claqueront les billets entre ses doigts. Ce n’est pas tous les soirs qu’il est gagnant, pas tous les soirs que l’argent lui coule dans les doigts. Il est frustré et amer dans ces cas-là mais revient toujours à la charge, comme pour combler un manque, un truc vide qu’il a au fond du bide, n’ose pas se dire que c’est peut-être une nouvelle passion que de mater ses corps danser la violence dans des claquements de poings, des grognements sauvages, de la violence pure mais dans les règles de l’art. Non, il préfère se dire que ce sont des conneries et qu’il est simplement là pour la thune qu’il a ramassée. Pour
faire chier aussi.

Cash a une certaine réputation, il est loin d’être un faiblard avec les poings selon les dires, il est même plutôt bon dans son domaine. Nox a su poser les bonnes questions, travaillés les esprits pour en sortir les bonnes réponses, comme un saleté de vicieux. Juste parce que sa gueule lui revient pas tellement, juste pour le plaisir de gâcher quelque chose qui était pur et brut à la base. Les cris de la foule crève le plafond, il crève de se cramer une clope, de se saouler à l’extase mais surtout de voir perdre le roi du ring ce soir, empocher quelques billets et se tirer. Pourtant, ce n’est peut-être ce soir que lui reviendra la victoire, le vent tourne et avec lui il entraîne bien loin l’odeur de la thune pour ramener la perte de son énième pari. Les sonneries éclatent, il grimace, rageur, sous les hourras, poussant le vainqueur au sommet. Pour ce soir, il a gagné, Nox se retire bien vite, ignore les tapes sur ses épaules, le regard glacé, gamin n’ayant pas eu droit à ce qu’il aurait voulu. Un autre de ses caprices de gosse qui s’emmerde dans sa vie longiligne. Ses pas le mènent bien vite au bar qui longe l’une des rues. A cette heure, il se fiche bien de se perdre dans le mauvais quartier et de côtoyer des gens qui ont moins de frics que lui dans l’compte en banque. Tout ce qu’il veut, c’est faire redescendre sa colère frustrée pour revenir presque serein dans son quartier, là où l’attendent les mêmes personnes, les mêmes gueules, la même ambiance. Lassant.

A peine un bonsoir quand il s’accoude au bar, prends le temps de foutre sous les yeux du barman une carte d’identité qui prouve bien qu’il a de quoi se la foutre à l’envers et de saisir trop brutalement la bière qui se pose devant lui. Le lieu semble plus animé, convivial, moins réfrigéré comme les lieux où il a l’habitude de foutre le bordel avec ses potes, des coins où il fait des choses plus sales encore que les crasseux qui peuvent traîner ici. Il évite le sujet qui le gonfle et le gonflera jusqu’au prochain combat mais cette soirée pue définitivement le karma de merde. Un vent frais nocturne qui s’engouffre dans la salle, le percute et il détourne les yeux par curiosité avant d’y reconnaître le visage de celui qu’il a décidé de prendre pour cible de sa connerie. Il pourrait s’excuser si il avait un minimum une conscience. Sans penser à ça, il le suit du regard, espère qu’il n’attend personne alors que l’idée insidieuse et malsaine d’aller trop loin s’insinue dans son esprit. C’est d’un pas nonchalant qu’il s’avance vers lui sans pour autant lui offrir un sourire, un léger signe de tête pour le saluer “Tu viens fêter la victoire ?” il essaie pas de faire semblant de pas le connaître, peut-être même que Cash l’a déjà vu, ça l’étonnerait qu’à moitié mais commence dans la douceur, pointant sa propre bière du doigt “Je t’en offre une ?” Nox qui essaie de s’infiltrer lentement, sûrement mais assurément, pour être certain que quand il explosera ce sera au bon endroit.

Son sourire dégouline d’acide, annonciateur silencieux de toutes les insultes qu’il évitera de lui dire, les noyant dans une lampée de bière qui ne suffit pas à annihiler l’amertume d’une défaite qu’il n’accepte pas, spectateur simple de combats où il n’a tenu que le glaive du vice, fendant les désirs vicieux des gens l’entourant. Il le fait depuis plusieurs mois déjà, crachant une haine silencieuse sur une tête qui ne lui revient pas. L’autre qui débarque en roi dans un bar où Nox est venu noyé sa frustration, dignité bafouée, fierté balafrée, c’est en s’approchant de lui qu’il décide que ce soir sera peut-être une victoire pour lui mais une descente direct vers une plus grosse défaite. Moins empressé, il se fait poli sans pour autant ignorer les signes qui ne trompent pas chez son adversaire, la rage effleurant la peau, la poigne sur son verre et le sourire de Nox s’accentue un peu plus, en paraissant presque sincère sur son visage où se mêle si souvent le mépris et le sarcasme, roi des blasés. La première pique est lancée et il accuse le coup, l’avale sans grimacer, ramassant toute la poussière de patience qu’il lui reste au fond de la tête pour ne pas ouvrir les hostilités en sortant ses poings. Si il agit parfois sans réfléchir, Nox n’est pas ignorant qu’un coup de la part de Cash risquerait de le faire sortir de l’affrontement avec quelques morceaux en moins. Un haussement d’épaules faussement nonchalant, ses muscles grinçant de la tension qu’ils contiennent, qui demande à sortir pour faire pleurer le sang et les cris. C’est le billet qui se pose brutalement sur le bois du bar qui ravive le feu qui danse au fond de ses prunelles, celles-ci revenant se placer sur le visage qu’il imagine éclater contre le bitume, le déflorer lentement de toute l’arrogance qui y plane. Il hausse un sourcil, en ignorant les verres qui se posent devant eux “Tu crois que j’fais ça pour le fric ?” la moquerie au bord des lèvres, l’aura change quelques secondes, le sourire moins doucereux, aussi acéré que la lame d’un couteau avant que d’un battement de paupières, le calme délicat reprenne sa place, Sa main s’enroule finalement autour du verre offert à défaut de se planter dans sa face.

Laissant glisser l’alcool sur sa langue, il cherche une faille dans laquelle se glisser, attraper et arracher brutalement pour faire rugir la bête qu’il a dans le corps. Avec Cash, il imagine ça facile sans sous-estimer le cerveau qui doit lui servir de temps en temps. Il savoure à peine la gorgée prise, s’habillant d’une suffisance agaçante, qu’il a pu tant de fois observer autant chez ses parents que dans le monde doré et artificiel qu’il côtoie. La haine est doucereuse chez eux, à peine perceptible si on y pose pas franchement les yeux pour prendre le temps d’en assimiler tous les détails. La lourdeur de l’atmosphère entre eux est palpable seulement par eux, sûrement qu’ils n’ont pas l’air de nourrir l’aigreur de l’autre. “C’est étonnant ça parce que c’est pas ce qu’on m’a dit d'toi. Ton nom a plus l’air de rimé avec le mot frimeur.” il se délecte de sa voix caressant le mot comme on laisse échapper une insulte. C’est d’un salut bref de son verre qu’il conclut “Savoure ta victoire, on sait jamais quand la chance tournera, pas vrai ?” et c’est à son tour de savourer le goût d’une bière dont il n’est pas fan mais l’impression d’avoir repris le dessus sur une soirée où il prévoyait de moisir sa déroute donne un goût presque céleste au liquide qui coule sa langue. Il attend la débacle la violence, la rancoeur, conscient des menaces qu’il vient de jeter dans la mare, patientant le temps que les vagues viennent raser le calme précaire qui s’étiole entre eux.