bash ) i'm slipping into the deep end.

Les soirées au space motel s'espacent de moins en moins. Les couloirs miteux du bâtiment délabré deviennent petit à petit cet endroit où elle se perd pour oublier que de l'autre côté des murs se trouve une réalité si terne que Sin ne sait plus quoi en faire. Il est tard lorsqu'elle s'y rend, clope au bec, l'odeur des saoulards du Lion encore parquée sur sa peau, dans ses cheveux mais aussi ses vêtements. Une seconde peau qu'elle laisse disparaître sous le vent frais que lui offre la nuit. Les voix qu'elle a entendu durant son service résonnent encore en elle comme de vieux fantômes qui l'accompagnent dans la nuit pour ne pas qu'elle se sente seule. Le timbre de Clint, un habitué du pub la suit tandis qu'elle s'arrête sur un bout de trottoir pour terminer sa clope. Elle revoit ses yeux bleus, magnifiques, entourés de poches et de rides causées par l'âge et la picole. Sin l'imagine sans peine, comme s'il était encore en face d'elle, de l'autre côté du bar à la fixer, avec son sourire bienveillant et ivre sur les lèvres. Elle l'entend encore lui raconter que si tu bois suffisamment de whisky pour t'anesthésier le cerveau et que tu pisses dans un verre avant d'aller dormir, le lendemain l'alcool sera remonté à la surface pour que tu puisses le boire à le paille. Ce genre de conneries qu'elle écoute la bouche ouverte, avec une naïveté qui ne remet rien en doute et qui fait d'elle une môme, là, quelque part, dissimulée sous vices et vibrations malsaines. Le mégot à terre, elle grimpe les escaliers, esquivent les corps fatigués, ceux qui la traitent de la salope alors qu'ils sont incapables de la lever, bouffés par la drogue jusqu'à l'os. Sin donne un coup de pied lorsque des doigts s'attachent à sa cheville et qu'une musique la guide dans une ancienne chambre où une soirée bien entamée n'a pas attendu de la voir débarquer pour consumer l'ébriété des personnes déjà présentes.

Un soupire quitte ses lèvres, fébrile, prête à rentrer chez elle, la légende des lieux la tient éveillée tandis qu'elle s'avance dans les étages, prête à se rendre dans la 306, lieu du crime. Au second, son regard atteint un visage qui la ramène dans un passé qui l'empêche d'abord de faire un pas de plus. Bash. Ses sourcils se froncent, il lui faut quelques secondes pour que l'information monte jusqu'à son cerveau, qu'il envoie au corps tout entier l'effervescence des souvenirs. Dans l'obscurité du motel, l'homme n'a pas cette attraction qu'il possédait entre les murs de la taule. Elle se souvient de son corps suffisamment tiède pour écarter les cuisses, lui faire profiter de la vue sans avoir à atteindre l'acte. Le regard des matons sur leur vulgarité donnait au moment une attraction si profonde qu'elle aurait vendu son âme au diable pour goûter la saveur de sa peau. Ici, tout est plus terne, fade, comme le reste de cette ville et de ses vices, figés quelque part au fond de son être. Dans son jean moulant, Sinéad s'avance de quelques pas, le regard froid, les traits tirés par la fatigue et la condescendance. Elle n'a plus rien de la traînée qui s'était offert à ses fantasmes. Les vacances sont terminées ? Qu'elle lui demande, en référence à son séjour en prison où les magouilles de son frère les avait menés l'un à l'autre dans un échange éphémère qui reprend en couleurs et en saveurs tandis qu'elle garde encore la distance.

Space Motel. L'endroit rêvé pour les repris de justice et tout ceux qui n'avaient nulle part où aller une fois que le Lion a fermé et maintenant que le Sinner a brûlé. Ironique comme le nom de ce taudis inspire la galaxie, l'infini, les étoiles et la lumière. Le Space Motel n'a de commun avec l'espace qu'un putain de trou noir dans lequel pourri au grès du temps et des oubliés de Dieu qui y passent. Un putain de trou noir dans les fins fonds de l'Amérique. Là où on avale les r et on regrette le temps d'avant. Son agent de probation détesterait le voir ici et c'est précisément pour cette raison que Bash y a eu élu domicile pour quelques temps. Parce qu'ici, il ne risque pas de le croiser. L'adresse qu'il a donné pour qu'on le laisse sortir de taule est celle d'une nana qu'il s'envoyait cinq fois par semaine minimum avant d'être jeté à l'ombre. La meuf est assez conne pour continuer à lui rendre service, même après l'avoir surpris en train de prendre sa meilleure amie en levrette sur le canapé lit. Soit. Pas son putain de problème. Il avait donc emmenagé chez elle à sa sortie avant de se lasser de ses cris et de ses mimiques insupportables. Bash ne supporte personne, même pas lui-même. Pas de thunes en poche, c'est le Space Motel qui lui ouvre les bras lorsque sa moto passe devant quatre jours avant. Les chambres sont insalubres, humides et mal isolées mais elles ont le mérite d'être vides. La nuit dernière il a été dérangé par un petit groupe d'adolescents venus se faire peur. Bash a rigolé comme un maniaque lorsqu'ils les a vu détaler comme des lapins. Il lui avait suffi de faire claquer deux trois fois la porte de sa chambre et de hurler du polonais d'une voix caverneuse pour les entendre crier comme des fillettes. Jouissif. Heureusement, les fréquentations du Space Motel s'améliorent les soirs de week-end. Tous les drogués et paumés de la ville viennent s'y retrouver pour se la mettre ensemble, un putain d'esprit d'équipe dans cette ville quand il s'agit de se défoncer ou de faire de la merde. Et pour une fois Bash se tient à l'écart. Il n'est pas d'humeur. Ce matin en allant acheter une canette de redbull et un paquet de Reese's il est quasi-persuadé d'avoir aperçu sa mère dans l'allée centrale. Il n'en est pas sûr à 100% mais l'impression fut assez forte pour le hanter toute la journée. Il n'arrive pas à digérer l'info, comme souvent, mais il ne parvient pas à l'ignorer. Seul dans sa chambre il se retourne mille fois sur le truc dégueulasse qui lui sert de lit. Si jusqu'ici il avait réussi à passer des nuits pas trop mauvaises grâce à son sac de couchage, l'odeur d'humidité commençait à le prendre à la gorge. Il a besoin d'air. Immédiatement. Alors il sort en trombe de la chambre, ici y a pas besoin d'attendre d'être en bas pour allumer sa clope. Y a pas de règle. C'est bien le seul truc qu'il aime chez ce trou à rat. D'un pas décidé, il se dirige vers la cage d'escalier lorsqu'il lève la tête vers un visage familier. Dans sa tête, c'est un peu comme une bombe nucléaire qui explose au ralenti. Il peut presque entendre le bruit sourd l'assourdir tandis qu'elle marche vers lui. Dans son putain de pantalon moulant. Il doit absolument trouver une excuse pour l'obliger à se retourner. Ce boule lui a donné des idées à en faire pâlir Satan lorsqu'il le suivait des yeux quitter le parloir. Sinéad Harris. La sirène qui l'avait aidé à tenir dans cette putain de geôle juste avec la force de son putain de sex appeal. Elle est absolument tout ce qu'il peut désirer physiquement chez une femme. Il n'a jamais pu la posséder comme il l'aurait voulu, à cause des barreaux de fer qui se dressaient entre eux. C'est bon de la voir autre part qu'à l'autre bout d'une table, de l'autre côté d'une vitre. Je dirais plutôt qu'elles viennent de commencer. Qu'est-ce tu fous là ? T'étais d'humeur à faire un tour de train ? Il pense pas que John ait un jour mentionné que sa soeur était consommatrice de cocaïne mais la question est plutôt : qui ne l'est pas dans ce bourbier ?

Il a l'odeur sale des types qui ont été suffisamment cons pour finir en taule. Sinéad ne saurait décrire exactement la sensation qui se dégage de lui mais la ressent si brutalement qu'elle le fixe de ses pupilles sombres. Elle le revoit, plongé dans la frustration de ne pas pouvoir en sauter une alors qu'il doit être ce genre à s'en enfiler une différente chaque soir. Les traits de Bash rappellent à Sin son besoin d'être adulé jusque dans les couloirs de la taule. Elle aurait pu lui glisser des photos d'elle à poil sous toutes ses coutures pour qu'il puisse les passer à d'autres prisonniers si elle avait eu une imprimante. Son envie de se sentir désiré est si forte qu'elle consume ce qui pourrait faire de cette gamine un être à part entière, sain et fréquentable. L'orpheline hausse les épaules à sa question, plonge ses mains dans les poches arrières de son jean alors qu'elle fixe un instant la clope entre ses lèvres. Sans avoir goûté sa peau, elle essaie de deviner sa saveur, l'acidité de ses coups de reins, la sensation de ses doigts sur son épiderme et les traces qu'il pourrait laisser sur son corps. Bash possède jusque dans son timbre de voix la beauté des esprits à la dérive, tellement noyés et asphyxiés que plus rien de réel n'en sort. Je cherchais juste de quoi me faire sauter mais y a rien à en tirer ce soir. La plupart des types sont tellement défoncés qu'ils l'ont plus molle qu'un morceau de guimauve et les autres ne lui inspirent rien qui puisse la faire vibrer. Son appétit mis sous scellé, elle redresse la tête pour plonger dans son regard, sentir la fraîcheur de la prison dans son dos. Ici, elle n'est pas en robe mais n'a toujours pas de culotte sous son jean. Sin fait en sorte d'avoir le moins de couches possible lorsqu'elle sort pour se faire prendre. Sous son t shirt pointent ses seins tandis qu'elle adresse un regard en direction du couloir interminable dans le dos de Bash.

John m'a pas dit qu'on t'avait relâché. Elle crache un soupir, le regard de son frère lui demandant d'accepter de voir Bash pour le soulager lui revient en tête. Sin est encore incapable de dire si elle était inconsciente d'accepter ou seulement dévouée. L'orpheline pivote légèrement pour prendre appui contre le mur froid du motel. Ses mains quittent ses poches, en tend une pour lui dérober sa clope le temps d'une latte et la lui rendre. Ça va mieux pour toi ? Quand elle lui demande, la brune ne parle pas de son moral ou de sa santé, se fiche bien de savoir son état. Les vices qui bordent ses mots prônent l'évidence du sens de sa question. La dernière fois qu'ils s'étaient vus, Bash était tellement en manque qu'il aurait pu traverser la table d'un bond juste pour lui arracher sa robe. Si la sirène lui parle de sexe, ce doit être parce qu'elle connaît sa force d'attraction mais aussi parce qu'elle n'a rien d'autre à offrir de mieux. Il est de ces soirs où elle se sent creuse, sans la moindre saveur si ce n'est celle de l'érotisme. Sin ne sait même pas si elle parviendrait se dégager de son emprise si Bash décidait d'en vouloir plus.
Qu'importe, la tentation est plus belle que le danger.

Ses yeux brillent dans le noir et c'est presque si il sent pas son souffle sur elle. Bash connait les femmes sur le bout des doigts. Leur manière de dissimuler leurs plus sombres secrets, leur façon de bouger leurs cheveux ou de mouver leur corps. Il lui suffisait de regarder une nana cinq secondes pour savoir s'il allait avoir l'occasion de la sauter ou pas. Bash partait du principe ignoble que toutes les femmes voulaient coucher avec lui si elles en avaient l'occasion, celles qui s'y refusaient ne savaient tout simplement pas encore à quel point elles en ont envie. Mais Sinéad ne faisait pas partie de cette catégorie de femmes qui avaient besoin de dire "non" parce qu'elles avaient trop honte de penser "oui". Sinéad faisait partie de ces femmes qui assumaient totalement leurs basses pulsions, leur côté animal. Parce que oui, contrairement à ce que les gens aimaient souvent avancer, l'homme est effectivement un animal. Et comme tout animal, il a ses besoins. Il y en a qui tendent plus facilement que d'autres à assouvir leurs pulsions. Là dessus, Bash et Sinéad tombent dans la même catégorie. Quand elle lui répond, quasiment du tac au tac, Bash hausse les sourcils agréablement surpris et un sourire pervers ne tarde pas à se dessiner sur son visage. Cette nana est complètement folle, c'est la première chose qui lui traverse l'esprit. Il en a vue des nanas chaudes, brûlantes même. Qui s'offraient sans discuter, voir même qui en réclamaient. Mais c'est la première fois qu'il fait face à une nana aussi nonchalante et détachée que lui quand il s'agit du sexe. C'est le dernier endroit où j'irais chercher un mec à tartiner si j'étais toi. A part si tu veux choper l'herpès ou le VIH. Dans ce cas, t'es au bon endroit. Le Space Motel est certes un motel, mais c'est surtout un putain de trou à rat où pullulent les pires raclures de Crescent. Elle rajoute que son frère ne l'avait pas tenu au courant de sa remise en liberté. Bash hausse mollement les épaules. John était son co-détenu, pas son putain de journal intime. Le seul truc cool qu'il trouvait chez ce mec c'était sa soeur. Je voulais que ce soit une surprise. Sourire carnassier comme accessoire préféré, il en profite pour la mater de haut en bas. Elle est encore plus bonne qu'en robe. Bash a un truc pour les nanas qui se comportent comme des mecs. Un truc quasi-obsédant. Il s'apprête à se montrer généreux en lui offrant un tour de manège Bash mais elle lui pose une question qui le coupe dans son élan. Une question intéressante. Quand on connait les deux personnages. Il sait parfaitement de quoi elle parle. Il parle de tout ce qu'il lui a promit de lui faire au parloir une fois qu'il serait sorti. Toutes les positions, tous les endroits, tous les projets qu'il avait pour elle une fois qu'il n'aurait plus menottes aux pieds & aux mains. Ca l'aidait à tenir à l'époque. Si la plupart des détenus souffraient du manque de lumière, du manque de liberté, du manque de distractions, Bash se plaignait surtout du manque de sexe. Ca avait été les deux ans les plus longs de sa vie. Et la prostituée qu'il s'était envoyé le jour même de sa sortie de taule avait eu le temps de le comprendre pendant trois longues heures. Beaucoup mieux. D'ailleurs, je devrais te faire un geste pour m'avoir soutenu pendant ces deux années particulièrement douloureuses. Peut-être que je pourrais te remercier avec un joint bien roulé et un petit verre de rhum ananas ? T'en dis quoi ? Ca te ferait peut-être oublier ta mauvaise pêche de ce soir. D'habitude Bash préfère quand les choses vont droit au but. Il aime pas discuter, pinailler, tourner autour du pot. Ce n'est pas son truc. Il préfère quand ça va vite. C'est encore mieux quand c'est brusque. Violent. Extrême. Mais pour une fois il est près à jouer.