SIN & REED - Haute tension

haute tension
@Sinéad Harris & Reed Taylor

Elle se nourrit. Mais de quoi au juste ? Des informations qu'elle extirpe à ses amants où des soupires de contrariété qu'elle leur arrache en leur faisant comprendre qu'aucun d'eux ne la possédera jamais autrement qu'en la prenant physiquement ? Tu tournes le visage dans sa direction, sans rien dire, affichant un air de " si tu le dis " à sa remarque sur le fait que ce qu'elle pourrait avoir à dire ne t'intéresse pas. Oui et non. Tu n'iras pas lui arracher les vers du nez, voilà tout. C'est d'ailleurs mieux pour elle quand on sait que ta façon de soutirer des informations fait partie des méthodes t'ayant valu d'être muté à Crescent. Quand on voit comme le manque de coopération de certains suspects les faits ressortir de la salle d'interrogatoire avec le visage tuméfié et les vêtements froisés, on finirait par croire que tu ne sais pas obtenir ce que tu cherches autrement qu'en brusquant l'interlocuteur. Ne pas t'aventurer sur ce terrain là avec Harris te semble d'autant plus pertinent qu'en la protégeant de tes gestes brusques tu te protèges aussi d'une trop grande intimité avec elle. Un paradoxe étrange, mis en lumière par les rayons de la lune éclairant vos corps Nue tandis qu'elle te tourne le dos. Café, douche, chiotte, c'est noté. Pendant un long moment, tu restes à ta place, observant le plafond et t'imaginant Sin dans la même position après cette fois où tu étais passé la voir en pleine nuit. L'épisode ne remonte pas à si longtemps et, pourtant, l'impression que des mois on passés entre ces deux nuits t'écrase de tout son poids. Qu'est-ce que tu fous là, au juste ? Voilà la question qui te trotte dans la tête tandis que, pensif, tu restes à l'écoute de sa respiration. Cette dernière est si basse que tu ne saurais dire si elle dort au non. Après une dernière gorgée d'eau, ta main passe sous le drap pour attaraper sa taille, la tracter jusqu'à toi pour te coller en cuillière dans son dos. Il ne reste plus beaucoup de temps avant le levé du jour, quelques heures tout au plus. Tout à l'heure, il faudra retourner bosser et refouler cette nuit aussi sinistre que mémorable dans le mazoute des souvenirs pourrissants dans un quoi de ta tête depuis des dizaines d'années. Sans le savoir, Harris se fait une place dans ton esprit au côté du cadavre de tes parents et de cette enfance si lointaine qu'elle pourrait avoir appartenu à un autre. Un Reed moins stoïque, moins dur et moins distant ; un type qui n'aurait pas grandi seul, trimbalé de foyer en famille d'accueil et habitué à ne pas s'attacher aux autres. Bref, le même genre de gars que ceux qui sont fous d'elle et qui se meurent que ça ne soit pas réciproque.

Aux premières lueurs de l'aube, le bruit d'une voiture aux plaquettes de freins agonisantes te fait ouvrir l'oeil. Des années que tu n'as plus dormi d'un sommeil profond. Toujours collée à toi par ce bras solide qui n'a pas lâché prise durant la nuit, Harris ne bouge pas. Peut-être dort-elle encore. Un regard au réveil te signale que ton service commence dans deux heures. Tu envisages la possibilité de la réveiller pour une dernière baise sous la douche et remontes ta main entre ses seins pour caresser la peau fine de sa groge du bout des doigts. Un gémissement nébuleux vient confirmer qu'elle est encore endormie. Conscilliant, tu cesses ce petit jeu et pars te doucher seul, ramassant tes fringues sur le chemin qui mène à la salle d'eau. Là bas, le jet glacé te sort de ta torpeur. Son gel douche sent la fleur, tu vas avoir son odeur dans le nez toute la journée. Sans gêne, tu lui empruntes sa brosse à dents et profites d'être dans les temps pour mettre l'eau à chauffer pour le café. Au moment de chercher après les tasses, tu hésites puis en sors finalement deux que tu remplies en prenant soin de bien charger la dose. La nuit a été courte, tous deux aurez des cernes marquées aujourd'hui.

Avant de partir, tu fais un crochet par la chambre et déposes sa tasse sur la table de chevet, à côté de la capote dessêchée. L'image te plait, apaise les questionnements internes qui rodent dans les bas fonds de ton âme depuis que l'eau froide a réveillé ton esprit autant que ton corps. Doucement tu te penches et déposes un baiser sur sa tempe. Tes lèvres s'attardent, caressent sa peau puis articulent dans un souffle : Prends soin de toi, Harris. C'était bien. Tu sais qu'elle ne dors pas mais la laisse faire semblant. C'est ce que tu ferais à sa place.

Comme si elle était faite pour qu'on la quitte à la hâte, la chambre n'a toujours pas de porte. Tu passes l'encadrement sans un regard en arrière et disparais dans un bruit de moto que tu fais volontairement hurler en bas de chez elle pour lui dire au revoir autrement qu'en l'obligeant à faire comme si elle se foutait de ton départ. Perso, tu serais bien resté avec elle ce matin. C'est pour ça qu'il fallait partir.