devil wrapped in silk (billy) terminé.

you can romanticize me all you wish,
but the devil wrapped in silk
is still the devil.

Quatre coups frappés contre une porte, trois contre une cage thoracique. Successivement. Gemma est réveillée d'autant plus facilement qu'elle ne s'est jamais réellement endormie. Repos superficiel, gluant mais désespéré, qu'elle doit aux épaules trop larges de son visiteur. Il prend toute la place. Elle les aime grands, invariablement. Et invariablement, elle regrette au réveil. Les silhouettes interminables, délicieuses lorsqu'elle s'enroule tout autour, s'avèrent insupportables une fois déballées sur ses draps, la repoussant, dans le joyeux abandon post-coït typiquement mâle, hors de son propre pieu - alors qu'ils devraient déjà la vénérer de ne pas les faire dormir sur le tapis. Quatre coups frappés contre la porte, au rez-de-chaussée. Gemma se redresse sur un coude, enfonce l'autre dans les côtes d'Osgood sans ménagement. Trois fois. Un grognement lui répond. Elle s'arrache à son lit et s'enfonce dans son kimono, échange satin violet pour soie vermillon. Sur la pointe des pieds, elle avance jusqu'à la fenêtre côté Est, celle qui donne sur ce qui était jadis l'entrée de service du manoir, désormais son très-pompeusement-baptisé boudoir. Six mètres en contrebas, étrangement reconnaissable au simple sommet de son crâne qui agrippe le soleil matinal, odieux tournesol parmi les rosiers, se tient Puppy Osgood. Hm. S'il est là, alors qui - Gem jette un coup d'oeil au dessus de son épaule et se trouve face à face avec la grande vague de Kanagawa, tatouée sur une cheville qui dépasse de ses draps. Ça remue les souvenirs dans son esprit fourbu, qui reprennent militairement leur emplacement originel. Paresseusement, les visages se dé-superposent. Osgood, en bas. Tim (Tom? ... Todd?), horizontal. Gemma épluche un blazer du plancher et l'envoie sur la forme floue et longue longue longue de son propriétaire. "Debout." Pieds nus sur le chêne froid, elle survole la cage d'escalier, traverse sa pièce à vivre, ouvre grand la porte d'entrée. Resserre son kimono autour de sa taille. Pousse un soupir. "Puppy." Affirmation neutre, baignée d'un soupçon d'impatience pour qui sait prêter l'oreille, la seule formule de politesse dont elle se fendra. Qu'elle ouvre la porte est déjà une révérence en soi. Dans son dos, des bruits de pas lourds descendent l'escalier et les rejoignent contre le chambranle. Gemma accorde à peine un regard à Tim (Tom ? Todd ?) qui, Dieu merci, a enfilé ses fringues et qui, Billy merci, a compris la vibe sans que Gemma ait eu à la verbaliser. Boy, bye. T'es venu, t'as vu, tu te tires et t'oublies surtout pas ton blazer en chemin. L'espace d'un instant de flottement atroce, Timtomtodd plie sa longue silhouette vers elle, hésitant, comme s'il espère un baiser d'adieu. Ew. Elle hausse un sourcil, franchement choquée devant ce comportement allant à l'encontre du protocole standard de one-night stand de cent deux pays différents, et se retourne vers Puppy, ostentatoirement tournant le dos à Timtomtodd. "Je peux t'aider ?" La manoeuvre a l'effet escompté. Kanagawa marmonne deux syllabes, ou peut-être est-ce juste le couinement de ses derbies bon marché sur le seuil, et met les voiles. Une seconde, le dos de Timtomtodd rencontre le devant de Puppy, s'alignant joliment dans son champ de vision. Gemma comprend la confusion passagère opérée par ses méninges en manque de sommeil. Elle les aime grands. Sans nul doute raison pour laquelle, motivée par le champagne et l'ennui, elle est très récemment allée apposer ses lèvres sur celles d'Osgood. Ce détail lui était sorti de l'esprit, ne lui revient d'ailleurs qu'à la vue des lèvres susmentionnées. Oh, well.

'Cause every time we touch, I get this feeling
And every time we kiss I swear I could fly
Can't you feel my heart beat fast, I want this to last Need you by my side

Pour comprendre Billy, il faut savoir ce qu’il y a dans sa petite idée, ce qui occupe ses pensées depuis deux mois, dix-huit jours, cinq heure et vingt minutes : cette crinière rousse, ces yeux marrons, cette peau pâle. Billy la rêve, l’admire, la contemple au quotidien grâce aux photos qu’il lui a volées et qu’il a affichées dans sa chambre. Coup du sort, coup de foudre, Billy est raide dingue d’amour. Il ne se l’explique pas et ne cherche même pas à le faire. Billy aime, c’est tout. Il est sûr, il n’a pas à remettre en question ses sentiments. Il sait, ça le dépasse, tout simplement. Et si Billy était déjà un convaincu, un événement n’a fait que sceller son adoration : un baiser (enfin pas qu’un dans les faits). Oui, Gemma l’a embrassé et c’était par-fait. Billy ne pouvait rêver mieux. C’était un moment hors du temps, déconnecté du reste. Un moment qui leur appartient. Il s’est passé quelque chose ce soirée-là. Si bien que Billy se dit que Gemma n’est pas si loin de lui. Il suffit simplement de provoquer une nouvelle occasion, puis une nouvelle et ainsi de suite pour qu’enfin l’évidence qui l’habite conquisse Gemma. Et rien que pour ça, ce matin – depuis cinq heures du matin même – Billy cogite, incapable de rester tranquille. Il tourne, se retourne dans son lit avant de l’abandonner pour aller faire un footing. Il a besoin d’une bonne idée. Ça fait tilt dans sa tête : mais oui bien sûr, tellement évident, comment a-t-il fait pour ne pas y penser ? Il faut qu’il aille chez elle, tout de suite. Oui enfin… passer par la case douche d’abord c’est peut-être pas une mauvaise idée.

Bon on recommence. Maintenant qu’il est propre, qu’il sent bon, qu’il est très bien habillé – il a changé trois fois de tenue – qu’il s’est arrêté à ce café où il l’a déjà vu avec ses copines, prendre sa boisson préférée ainsi qu’un café pour lui. Il veut lui montrer cette petite attention. Maintenant qu’il est devant sa porte, Billy sent monter le stress. C’était peut-être un peu trop de venir, peut-être qu’elle est occupée, peut-être que c’est pas le moment… Il hésite à partir et puis, il se reprend. C’est son moment, leur moment. S’il veut Gemma, il faut qu’il se montre à sa hauteur alors il appuie sur la sonnette. Maintenant c’est trop tard, il ne peut pas revenir en arrière. La porte s’ouvre sur une Gemma… en kimono. C’est trop, il va défaillir devant une telle beauté. Même le matin (au réveil) elle est sublime. Billy a bien conscience, qu’à côté il n’est pas grand-chose. « Puppy. » Qu’elle l’appelle comme elle veut, Billy prend. Il trouve même ça mignon qu’elle l’appelle « puppy », ça reste un petit surnom affectif. Alors qu’il s’apprête à parler, un intrus débarque. Il est pas con, Billy, il comprend vite. Alors même s’il sait que Gemma est la femme de sa vie, la mère de ses enfants et tout le tralala, ça lui torpille un peu le cœur. Et chaque seconde où ce « mec » reste-là, c’est le cœur de Billy qu’on assène de coup. MAIS PARS PUTAIN. Tu vois pas que tu nous gènes, ma meuf et moi. Billy continue de mourir à petit feu quand enfin Gemma se tourne vers lui, dos à l’autre AH ! de triomphe. « Je peux t’aider ? » Bon elle aurait pu être plus douce mais en tout cas ça fait partir l’autre. Billy se sent mieux, il respire. Il commence de nouveau à être au paradis ayant Gemma pour lui tout seul. « Salut. » Grand sourire faisant ressortir ses dents si blanches (merci le dentifrice ultrabright). Il lui tend un des gobelets. « Je me suis dit que c’était une très belle journée et que je pouvais t’apporter le petit dej. » Elle n’a que le prendre, le gobelet se trouvant devant elle. Cependant Billy ramène à nouveau le gobelet vers lui. « Mais apparemment je suis pas le seul à te visiter de bon matin alors si t’as déjà sauté le petit dej, je vais pas te déranger. C’est une de mes sœurs qui sera ravi que je le lui ramène. » Essayer de se faire aimer, Billy tente toutes les options. Si elle lui dit de partir, il peut vous assurer qu’il va aller pleurer dans son lit en mangeant du chocolat et/ou une glace devant un film à l’eau de rose, pestant que sa vie est nulle avant bien sûr de parler à une de ses photos de Gemma. Non il n’est pas étrange, il est juste amoureux.

Kanagawa s'éloigne entre les massifs, dos rigide et démarche étudiée d'individu qui se sait - ou s'espère - observé. La silhouette se fait petite petite petite jusqu'à disparaître derrière le portail. Aussi facilement que cela, il cesse d'exister. Disparu de la surface de la terre, destiné à ne jamais être revu. Gemma, amnésique chronique en amour, ne se souvient des hommes que jusqu'à ce qu'ils quittent son champ de vision. Il était dans ses bras il y a une dizaine d'heures, dans son lit il y a une dizaine de secondes, et elle serait désormais totalement incapable de le pointer du doigt dans un line-up. Histoire de leurs vies à tous, seulement remémorés jusqu'à ce qu'ils lui deviennent inutiles. Kanagawa disparaît et Billy prend sa place. Son problème, à Billy, c'est de faire partie d'une masse informe, un pluriel dont il n'a même pas conscience. Son problème, à Billy, c'est de n'être qu'un de plus. Un type en remplaçant un autre, la saveur du jour, obsolète car déjà goûtée l'avant-veille. Les autres ont au moins la décence d'accepter leur désuétude, de se soustraire au regard de Gemma dès qu'ils ont atteint leur date de péremption, bons petits soldats de son ennui généralisé. Mais il est là, lui, tournesol parmi les rosiers, suffisamment naïf pour la prendre pour son soleil, quand quiconque possédant un tantinet de jugeote la verrait pour ce qu'elle est réellement; le gel. Et il est tendre, Billy. Il est mignon. Enthousiaste. En tous points, un chiot. Si Gem était génétiquement capable de ressentir la moindre empathie à l'égard de la race mâle, peut-être aurait-elle quelques scrupules à la perspective de l'inévitable. Puppy, effondré à ses pieds, les lèvres bleues. Sorry dude, j'ai vu ton avenir - et il est froid. Il sourit, l'idiot. Lui tend un gobelet fumant. Et juste quand Gem se dit qu'il ne pourrait pas être encore plus prévisible s'il le voulait, il fait mine de reprendre sa proposition. "Apparemment, je suis pas le seul à te visiter de bon matin." Elle hausse un sourcil, retrousse les lèvres, intriguée. Presque satisfaite. Donc comme ça, Osgood possède bien un autre paramètre que paillasson; il suffisait de demander. Ça lui ferait presque plaisir, à Gemma, que Puppy exécute cette honorable tentative de sortir les canines. Sauf qu'il semble avoir oublié le tout premier des commandements. Gemma, on ne lui refuse rien. D'un geste délibéré et délibérément lent, sa main s'étend jusqu'à celle de Billy, repliée contre son torse, et se saisit de la boisson. Ses doigts se vissent autour du gobelet en carton, précautionneux à bien frôler ceux de Billy, pression papillon, à peine perceptible, de celles qu'on pense avoir rêvées. Chaque mouvement de Gemma indique qu'elle ne croit pas en la maladresse, qu'elle sait ce qu'elle fait. Quand on lit dans les étoiles, on ne laisse rien au hasard. De manière exagérément lente, ses lèvres se referment sur l'entaille du couvercle. S'accordent une longue gorgée de ce qui s'avère être un chai tea latte. Elle n'en attendait pas moins de sa part. Gemma déglutit, sourit, arbore le visage radieux de celle qui s'apprête à le remercier, sauf que - "T'es pas jaloux, tout de même ? Ma porte t'es grande ouverte dès que je m'ennuie, tu sais." Haussement d'épaules, faussement ingénu. Sa façon à elle, caractéristiquement cruelle, de rappeler à ce mec qu'il n'est précisément que ça, un mec, que lui comme les autres ne seront jamais plus qu'une présence tangentielle dans sa vie, trois petits tours et puis s'en vont. De prétendre lui donner ce qu'il veut, avant d'à son tour le lui ôter de sous le nez. De lui asséner qu'ils se sont embrassés une fois, et qu'aussi agréable que l'activité s'est avérée être, ce n'était rien de plus qu'un peu d'obscurité et beaucoup de champagne. Elle ne l'a toujours pas invité à rentrer. Il se tient sur le pas de la porte, elle lui bloque le passage, et peut-être que c'est symbolique. Peut-être qu'elle espère mieux pour lui que le reste. Que tous les autres. Peut-être qu'elle est foutue d'avoir un peu d'empathie, au final, et qu'elle lui interdit l'entrée dans la gueule du loup.

Devant elle, Billy ne peut que l’admirer. Il n’arrive pas à (se) l’expliquer, y a quelque chose en elle qui l’hypnotise. C’est incontrôlable. Ça dépasse sa petite personne et son champ d’action. Il subit et alimente son adoration parce qu’il fait tout pour être à ses côtés, profiter un peu de sa lumière tant pis si ça lui ravage le corps, le cœur et l’esprit. Il préfère souffrir que de tirer une croix sur les possibilités qui les entourent. Après tout, nulle cause n’est perdue si un pauvre fou est prêt à se battre pour elle. Et Billy, il a de la volonté à revendre, de la détermination qui sort de partout. Il n’a jamais été aussi convaincu de sa vie, Gemma est la bonne, la seule, l’unique. Personne n’existe plus avant elle, personne n’existera après elle. C’est elle, juste elle. Soulagement quand elle prend le gobelet. Elle fermerait la porte maintenant qu’il serait quand même heureux. Heureux de l’avoir vu, heureux de lui avoir fait un tant soit peu plaisir. Elle n’a pas besoin de le dire, Billy sait au fond de lui. Sa certitude dépasse toutes les preuves, survolent tous les doutes et les personnes qui veulent lui prouver le contraire. Néanmoins un peu d’expression de la part de Gemma n’est jamais de trop. « T'es pas jaloux, tout de même ? Ma porte t'es grande ouverte dès que je m'ennuie, tu sais. » Quand elle s’ennuie, hein… Alors que toute personne normalement constituée se sentirait insultée et donc répliquerait et/ou partirait, Billy ne ressent rien de tout cela. Tout ça n’est que façade. Gemma, elle aime le repousser, le tester, voir jusqu’où il supportera. Ce qu’elle n’a pas encore compris c’est rien ne le fera fuir ou se vexer. Encore une fois, pour elle, il est au-dessus de tout ça. Oui il est jaloux, bien sûr qu’il l’est mais ce qui compte c’est la fin. S’il persévère, à la fin c’est avec lui qu’elle sera et pas avec tous ces hommes de passage. « Dois-je en conclure que tu t’ennuies ? » Il sourit. « Vu ce départ, c’est ce que je comprends et je suis toujours prêt et enchanté à te divertir. » Si dans la bouche de certaines personnes, ça sonnerait très pervers ce n’est pas le cas dans celle de Billy. Ne vous méprenez pas, il la désire plus que n’importe quel être sur cette terre mais là aussi il sait se montrer patient. Elle lui demanderait de jouer à la Barbie avec elle, il dirait oui. Peu importe l’activité, tout ce qu’il souhaite c’est passer du temps avec elle. « Quant à la jalousie, ça ne change pas grand-chose pour toi que je le sois ou non, je pense. » Phrase criante de vérité à son sens mais qui peut toujours lui gagner une parole flatteuse de Gemma ou en gros il suit le fameux adage : « sur un malentendu ça peut passer ».

S'il savait ce qui était bon pour lui, il aurait déjà foutu le camp. Il est déterminé, Puppy, et quoi qu'elle puisse en penser, Gemma ne peut pas lui enlever cette vertu. Elle a pris l'acharnement pour de l'ignorance, à l'origine. La réputation de Gem, qui a pris l'habitude de la précéder, n'était simplement pas arrivée jusqu'à lui. Nouveau riche, arriviste, il était en période d'acclimation; il finirait bien par rattraper son retard. C'est ce qu'elle se disait lorsque, menton dans la paume, il lui posait des questions avec l'air de véritablement vouloir entendre les réponses. Elle a fini par comprendre. Qu'il sait, et qu'il s'acharne. Gem, elle n'a rien à offrir, si ce n'est le souvenir d'un baiser, imprimé contre les lèvres. Gem, elle n'a rien à offrir, pas même un sourire complice, pas même un 'remember when' parce qu'elle oublie. Tous les mêmes, infimes variations de couleur et de pression, effacés si vite, elle réserve sa mémoire à l'important. Les constellations, les codes à 6 chiffres du système d'alarme du manoir, la disposition des grains de beauté sur l'épaule gauche de Raf. Gem, elle n'a rien à offrir et, inévitablement, elle ne s'entend qu'avec ceux qui n'attendent rien. Mais il est toujours là, Billy, sur le pas de sa porte. Il sourit. "Je suis toujours prêt et enchanté à te divertir." Il serait tellement facile de répliquer quelques mots destinés à l'embarrasser, peu importe quoi, tant qu'elle y met suffisamment d'insistance. Pire, il ajoute "Quant à la jalousie, ça ne change pas grand chose pour toi que je le sois ou non, je pense." Il tend le bâton pour se faire battre, pourtant, le coeur n'y est pas. Parce qu'il a l'air gentil, Puppy. Il paraît bienveillant - et c'est là que le bât blesse. Toute réponse ne serait que taquinerie, et elle ne s'abaisse pas à ça, Gemma. Au flirt enfantin, pince-sans-rire et rose bonbon. Elle a besoin d'un plus grand enjeu. Elle a envie de réveiller quelque chose de primal en lui, de le forcer à montrer les canines, car s'il y a une chose et une seule qu'elle exècre davantage que le côté prédateur des hommes, c'est bien l'autre face de la pièce. Le sourire, le chai tea latte, les ronronnements; cette décence de facade en laquelle, et c'est bien là le pire, il a l'air de croire lui-même. D'une honnêteté désarmante, revêtue juste dans l'espoir de le prendre au dépourvu, Gemma hausse les épaules. Lâche : "Bien sûr que je m'ennuie. N'est-ce pas le cas de tout le monde dans ce trou ?" Sans attendre une réponse, elle fait volte-face et s'enfonce dans la pièce à vivre, laissant la porte ouverte faire office de seule invitation à entrer. Elle pourrait lui claquer la porte au nez. Maintenant qu'elle a sa boisson en main, ça paraît l'option la plus raisonnable. La solution à tout. Sauf que ces deux mots, tu t'ennuies, font écho à une réflexion entendue récemment et à toutes les implications désagréables qui l'entourent. Elle est prise d'une idée. Peut-être bien que, tout à coup, elle a trouvé une utilité à Billy. Elle est bien placée pour savoir qu'en cette conjoncture, un homme docile est une denrée rare, et il pourrait lui être précieux. Dans le coin cuisine de son grand rez-de-chaussée, baroque dans son encombrement, elle désigne une des deux chaises bordant la petite table en bois. "Assieds-toi." Le boudoir, comme elle appelle très pompeusement ses quartiers, a été étudié pour qu'aucun dude ne s'y sente à son aise. Du velours, de la feuille d'or, du jasmin, des bougies, tout cliquète, scintille, carillonne. Billy a l'air délicieusement déplacé, penché, à l'étroit. Gemma reste debout, adossée contre le plan de travail, en attendant qu'il s'exécute. Croise les bras sur sa poitrine, consciente que son kimono glisse le long de son épaule et s'en fichant entièrement. Elle est ici chez elle, les seules règles de bienséance de rigueur sont donc les siennes. "T'es occupé vendredi prochain ?" Droit au but. Elle sirote son thé, l'observant fermement au dessus du couvercle en plastique. Elle joue ses cartes avec expérience, comptant bien lui arracher une promesse qu'il serait tout à elle avant même de lui annoncer ce qu'elle a en tête.

C’est pas qu’il fait froid mais un peu quand même. Il aimerait bien rentrer (pour de bon) Billy. Pas rester à la porte, attendant patiemment qu’elle finisse par lui laisser l’accès à sa demeure. Patience, Billy. Il sait bien qu’avec la patience, on finit par tout obtenir. « Bien sûr que je m'ennuie. N'est-ce pas le cas de tout le monde dans ce trou ? » Sûrement. Il répondrait bien quelque chose mais déjà elle fait demi-tour laissant la porte ouverte. Billy le sait, c’est son signal et il va pas se faire désirer. Il se précipite, se faufile à l’intérieur refermant la porte derrière lui. Maintenant qu’il est à l’intérieur, il a passé une étape. Ça peut paraître insignifiant mais pour lui c’est déjà exceptionnel. Un rien est une victoire, un pas de plus vers son objectif jusqu’à la conquête du cœur de la rousse. Billy observe, jette des regards de tous les côtés. Il est déjà rentré, une ou deux fois mais à chaque fois, il s’émerveille de rentrer un peu plus dans son monde. C’est merveilleux pour lui, son seul regret est de ne pas avoir son appareil photo sous la main pour capturer ses images. « Assieds-toi. » Billy s’exécute sans protester ou dire quoique ce soit. Certes, ce n’est pas la place la plus confortable mais le fait que ça soit avec Gemma dépasse ce côté inconfortable. Il ne souhaiterait être ailleurs pour rien au monde. Pour le moment, il attend qu’elle parle, qu’elle décide de son sort, de comment vont se passer les choses. Et Billy il a hâte de savoir à quelle sauce il va être mangé parce qu’il sait très bien qu’elle a quelque chose derrière la tête. C’est toujours le cas. « T'es occupé vendredi prochain ? » Quoi ? Une invitation ? Une proposition ? Ca lui semble beaucoup trop beau pour être vrai. Pour elle, il n’a aucune obligation, il se libère de tout. Elle doit bien le savoir. C’est pourquoi, un signal d’alerte devrait s’allumer en lui pour le prévenir que c’est sûrement un piège mais rien de cela ne se produit. Au contraire, Billy n’est qu’euphorie. C’est absolument fantastique, il ne voit pas plus loin. « Rien en particulier. » C’est la réponse la plus contrôlée qu’il ait pu faire même si une part de lui aurait bien crié « non, je suis tout à toi ». Il faut tout de même qu’il garde un peu de convenance. « Je peux facilement me libérer pour toi. A quoi tu penses ? » Un rencard ? Il prie pour un rencard même si c’est un peu trop ambitieux, il le sait bien mais après tout, il a le droit de rêver. Et comme le disait Oscar Wilde, il faut viser la lune car même en cas d’échec, on atterrie dans les étoiles. Il espère juste qu’elle va pas lui demander un baby-sitting ou un truc du style. Car en vérité pour lui faire plaisir, il serait capable de dire oui. En fait, c’est même pas qu’il en serait capable, il dirait oui.

Elle sent l'avertissement lui grimper le long des doigts. Elle sait d'emblée que c'est une mauvaise idée. Qu'à mentir pour qu'on la laisse tranquille, elle n'en finira que plus fermement embourbée. Qu'à poser fable sur le dos d'une autre, elle finira inévitablement par danser devant un château de cartes plus haut qu'elle. Sauf qu'elle n'a plus le choix, Gemma. Sauf qu'aussi improbable que la pensée soit à l'intérieur de son propre crâne, ou la notion à l'intérieur de sa propre ligne du temps, elle n'en est pas moins vraie, Gemma a besoin d'un homme. Et Puppy, aussi surréaliste que cela paraisse, semble parfait pour le job. L'espace d'une fraction de seconde, elle en est à espérer qu'il refusera. Lui dira être occupé. Aussi facilement, problème réglé, crise morale évitée. Mais lui, c'est Puppy freakin' Osgood. Enthousiaste, attentionné, prévisible. Forcément, il dit oui. Mention spéciale pour le détachement feint, presque crédible à une seconde près. Il apprend, Billy. Peut-être qu'il finira par être des leurs, un jour. Les gosses d'Orange Grove, dents d'ivoire et canines scintillantes. Peut-être qu'il cessera un jour de faire tache. "Bien." Elle sourit volontairement. Si Billy ne s'en est clairement pas encore rendu compte, la dynamique a changé. Maintenant qu'elle attend quelque chose de lui, elle range son mépris dans la poche de son kimono, le conserve au chaud, prête à le ressortir dès qu'Osgood aura rempli sa fonction et lui redeviendra, fatalement, inutile. Tasse en carton dans une main, Gemma utilise l'autre pour fouiller dans un tas d'enveloppes sur le comptoir de la cuisine. En ressort une, plus lourde, plus carrée, plus enluminée, plus précieuse, plus friquée que les autres. Du bout d'une griffe rose, elle l'extirpe de la pile et, faisant volte-face, la dépose devant Billy, impériale dans chaque mouvement. Il est ridicule, sur la chaise médaillon de velours prune, entre deux accoudoirs trop étroits pour sa silhouette. Un géant dans sa maison de poupée. Le seul objet à son échelle, dans le royaume de Gemma, c'est cette enveloppe démesurée. "Tu m'accompagnes. C'est black-tie, donc t'auras besoin d'un smoking. Tu passes me chercher à 19h." A l'intérieur, du carton soyeux annonçant cérémonieusement l'anniversaire d'Edna Koch. La patronne et fidèle de Gemma, à qui appartient ces quatre murs et la moitié de la ville, fête ses 80 piges en grandes pompes au Country Club. Gemma y sera, mystique et mystérieuse, prophétie au bout des doigts, oracles roulant contre sa langue. Ça fait partie de la description du job. Elle pourrait s'arrêter ici, relâcher Billy avec rien de plus que ces quelques phrases affirmatives, superficielles, brèves. Cela dit, les chances sont grandes qu'avec le temps, il ait fini par la connaître. Avec Gemma, il y a toujours anguille sous roche. "Tu joueras le rôle de mon copain. On est ensemble depuis deux mois. Des questions ?" Concrètement, oui, elle lui demande de mentir. S'il lui est aussi dévoué qu'il continue à essayer de lui prouver, il le fera sans ciller. Tout est parti d'un little white lie. Edna insistant absolument pour caser Gemma avec l'antéchrist qui lui sert de petit-fils, sans doute persuadée que cela règlera d'une pierre douze coups l'ensemble des conflits familiaux, Gemma a fini par craquer. Face aux embûches, aux commentaires suintants, aux coups-montés destinés à lui faire passer du temps seul à seule avec cette bête cruelle que Gem continue d'insulter comme on brandit une torche pour effrayer les loups, c'est sorti tout seul. Ça lui a glissé hors des lèvres, anti-féministe, conservateur et détestable. Mon coeur est déjà pris, Edna. Ça fait un mois, et il est par-fait. Elle croyait ne s'engager à rien, un pieux mensonge en échange de sa liberté. Dire à son employeuse fleur bleue exactement ce qu'elle voulait entendre pour qu'elle lui fiche la paix. Pour que le moucheron Koch disparaisse de sa vue. Sauf qu'un trait de famille notoire est l'insistance. Aussi abject que ça lui paraisse, puisque ses volontés à elle ne rencontrent aucun respect, il est grand temps de donner une matérialité à son boyfriend imaginaire. Peut-être qu'ayant une queue entre les jambes et un sourire désarmant, il obtiendra un peu de déférence, lui.

Elle dit bien et ça change tout. Billy capte pas tout de suite, faut dire il est trop omnibulé par la demoiselle. Et puis elle lui sourit, d’un sourire franc alors Billy il n’en n’est que plus amoureux. Il en oublierait ses consonnes ou ses voyelles, peu importe. Soudain, elle se met à chercher quelque chose. Billy se demande bien qu’est-ce que c’est. Ça a sûrement un lien avec vendredi soir. Billy ne sait pas encore à quelle sauce il va être mangé mais ça ne va pas tarder. Elle se retourne et dépose devant lui une invitation qui semble bien trop lourde. Billy en a peu vu mais il sait que c’est un truc de riche. Ça sent la grosse réception à des kilomètres. Et mine de rien, Billy il s’attendait pas trop à ce genre de choses. « Tu m'accompagnes. C'est black-tie, donc t'auras besoin d'un smoking. Tu passes me chercher à 19h. » Pendant qu’elle parle, Billy ouvre l’invitation pour lire les quelques informations. Gemma est autoritaire, elle parle plus aiguisée qu’une hache. Le genre de propos où on se dit qu’on peut répondre que par un « oui, chef ». De toute manière, c’est pas comme s’il avait prévu de riposter ou quoi. Ça lui fait bien trop plaisir de l’accompagner, de venir la chercher. Il a une toute nouvelle voiture en plus, cadeau du paternel bien trop content d’avoir un sujet de conversation avec son fils : les bagnoles. En plus, Billy il y connait pas grand-chose alors il a demandé l’avis de son père. Il ne fait pas confiance aux goûts de son père mais pour les voitures, c’est différent. Son père s’est avéré très utile. « Tu joueras le rôle de mon copain. On est ensemble depuis deux mois. Des questions ? » Billy relève la tête, surpris et forcément il arrive pas à cacher sa surprise. Jouer un rôle, jouer LE RÔLE. Si elle savait à quel point, il aimerait que ça ne soit pas qu’un rôle. Il veut être son copain, le vrai, si seulement elle se laissait tenter… Mais voilà, pour le moment elle ne veut pas s’investir avec lui, ou en tout cas pas dans ce genre de relation. Alors Billy l’accepte, prêt à accepter beaucoup c’est pour cela qu’elle sait qu’elle peut lui demander ce genre de choses. Il lui est acquis… seulement, y a un signal d’alarme qui s’allume (enfin) en lui et qui réveille l’une de ses plus grandes peurs comme une citation qui traverse son regard l’incitant à se méfier. Pourquoi a-t-elle besoin d’un (faux) copain ? Y a le mal qui s’immisce et qui lui crie que c’est pour un autre homme. C’est bien connu, les femmes font souvent ça, elle cherche à attiser la jalousie chez les hommes et peut-être qu’elle veut faire deux pierres d’un coup : rendre jaloux cet autre homme et lui par la même occasion, comme s’il ne souffrait déjà pas assez. Mais peut-être qu’elle s’en fiche de le rendre jaloux, lui et ça c’est le pire. Alors Billy ne peut pas se retenir, il fonce tête baissée, sans filtre, sa curiosité piquée à vive doit être satisfaite : « Pourquoi t’as besoin d’avoir un copain ? » Et Billy la regarde sans ciller cette fois-ci comme s’il voulait être sûr de les avoir bien ouverts quand elle répondra. Qu’est-ce qu’il croit ? Qu’il saura voir si elle dit vrai ou si elle ment ? Naïveté mais c’est une de ses amies les plus proches depuis toujours. Il a plus de chance de faire un voyage en Hollande que de lire en elle mais il espère qu’elle sera franche avec lui. « J’veux dire pourquoi jouer à la comédie ? Qu’est-ce que t’as à prouver ? » Y a rien de méchant ou de culpabilisateur dans sa voix, il cherche juste à la comprendre parce qu’à ses yeux, prétendre d’avoir un mec ça lui ressemble pas. Gemma c’est une femme forte, indépendante, affirmée et c’est aussi pourquoi il est amoureux d’elle. Ça veut pas dire qu’il a pas diablement envie d’aller à cette soirée, elle à son bras comme sa petite amie. Oh non mais ça montre aussi sa sincérité parce qu’il pourrait se taire et juste sauter sur l’occasion. Fais gaffe, si elle se rétracte, tu vas encore plus pleurer.

Gemma a les fusibles sensibles, c'est notoire. Ça n'a rien d'un problème comportemental qui la dépasse; au contraire, mademoiselle garde le contrôle sur tout et cela commence par elle-même. Elle est volcan par choix, vengeresse par goût, elle prend plaisir à sortir de ses gonds pour la simple raison que, dans une société qui persiste à prétendre que les femmes sont biologiquement faites pour la docilité, que si leurs épaules sont si rondes c'est afin de pouvoir courber l'échine avec grâce, la désobéissance est déclaration de guerre. Gemma choisit ses batailles, ne s'emporte jamais sans raison, ne se ferme jamais sans dessein. Il existe quelques rares boutons à presser qui échappent à la règle. Des combinaisons d'actes ou de mots qui déclenchent une réaction automatique, machinale, épidermique, sans passer par la case 'raisonnement'. Blesser une de ses filles, physiquement ou verbalement est sans surprise sa principale no-go zone. 'Qu'est-ce que t'as à prouver' est la suivante. Rares sont les suites de phonèmes dans le langage qui ont une telle capacité à réduire Gemma à l'ensemble de ses terminaisons nerveuses. Son sourire meurt aussitôt. Grésille sur ses lèvres et s'évapore brutalement comme de l'huile sur une poêle trop chaude. Son poing libre se ferme autour de l'arrête du plan de travail et serre jusqu'à ce que la jointure de ses doigts en pâlisse. Comment ose-t-il ? Ou pire, qu'est-ce qui a bien pu lui faire croire qu'elle avait des comptes à lui rendre ? Carousel interminable des mecs biens. Ils prétendent être bons, ils prétendent être différents, et t'as même pas le temps de sortir un ongle et gratter que tu trouves déjà la couche de corrosion sous le vernis. "Pas ce genre de questions," la voix est basse, davantage grondement que commentaire. Elle sous-entendait des questions d'ordre logistique, futiles interrogations aisément balayées. Ça, il n'a pas le droit, aucun type ne l'aura jamais, car ils ne peuvent pas connaître le dilemme. La culpabilité inévitable des rares occasions où elle baisse les bras, préfère la tranquillité à une déclaration féministe. Préfère être sereine à être Gemma. Comme une accusation, ses yeux glace roulent le long de Billy, avant de se poser sur son entrejambe avec insistance, juste une seconde, juste assez longtemps pour donner du poids aux mots qui suivent. "Tu peux pas comprendre." T'es un homme. Aussi facilement, elle enfile son masque et son sourire artificiel, volontairement mal joué afin qu'il ne s'imagine pas une seule seconde qu'elle a effacé l'affront qu'il vient de lui faire. Gemma, elle pardonne pas, elle catalogue. Le jour de ton procès, elle se souviendra du moindre petit larcin, afin de savoir exactement avec quelle intensité elle doit planter ses griffes. "Il y aura du monde," gorgée de thé, faussement nonchalante, les canines brillent. "Qui sait, avec un peu de chance, on pourra même te trouver une fille." Elle prend pas la peine de s'embarrasser avec de la comedia dell'arte, de prétendre une seule seconde qu'il y a la moindre sollicitude là derrière. Elle s'en fiche royalement que Billy trouve l'amour. Clairement, il est hors de question qu'il s'en aille bécoter une minette durant la soirée - même par un copain imaginaire, elle refuse d'être humiliée - mais leur couple en carton sera un évènement isolé, un one-time thing et dès que le rideau se fermera sur la petite expérience scientifique de Gem, il sera libre de faire ce qu'il veut. C'est pas de la compassion, c'est tout sauf de l'intérêt, c'est une clause au bas du contrat, un caveat en petits caractères sur les lèvres pivoine. Et quoi que tu fasses, ne t'y habitue pas.

Encore une fois, Billy s’est jeté tête la première dans la gueule du loup. S’il avait davantage réfléchi, il aurait su qu’il ne fallait pas s’aventurer sur ce terrain là mais c’était plus fort que lui. La curiosité était trop forte et Billy se retrouve tel à Icare à s’approcher trop près du soleil, on se brûle. Mais Billy avec Gemma il continue de vouloir s’approcher, sûrement un côté masochiste en lui qui s’exprimer ou ses instincts qui sont sur off. Si Billy s’était pas encore rendu compte qu’il avait franchi une de ses barrières invisibles, la perte du sourire de Gemma rectifie direct le tir. Elle est pas contente, ça ne fait aucun doute. « Pas ce genre de questions » Forcément, ses questions ne lui vont pas. Parce que ça touche quelque chose de sensible. Il est pas trop con Billy, il se doute bien que c’est parce que ça lui fait plaisir ce qu’il pointe du doigt. Et pourquoi ? Ca l’intrigue parce qu’il cherche à davantage la comprendre, davantage la connaitre et pouvoir être davantage proche d’elle. Il sent son regard sur lui qui le dévisage, qui le juge parce que c’est sa manière à elle de se défendre, de le tenir à l’écart. C’est pas la première fois et sûrement pas la dernière fois, Billy il est préparé à ça. Ça le touche un peu, forcément mais ce n’est pas comme s’il tombait des nus. « Tu peux pas comprendre. » Ah le voilà… le fameux argument du sexe. Pas étonnant qu’il arrive, il serait venu tôt ou tard. Etre un homme dans les yeux de Gemma ça paraît bien être une mauvaise chose en ce moment. Billy il est prêt à être tout ce qu’elle veut mais il peut pas changer le fait qu’il est un homme. Enfin techniquement c’est possible mais il n’en n’a pas envie, il ne le fera pas. Tout ce qu’il peut faire c’est lui montrer qu’il est un homme bien, un homme bon pour elle qui l’aime et qui veut la soutenir, la protéger quand elle en a besoin et si elle le laisse faire, vivre des bons moments avec elle, la faire rire, la rendre heureuse, partager des choses avec elle. Il prendra le temps qu’il faudra parce qu’avec Gemma, Billy veut que ça dure alors pourquoi précipiter les choses ? Billy il se ratera pas. « Il y aura du monde. Qui sait, avec un peu de chance, on pourra même te trouver une fille. » C’est un coup bas de sa part mais ça fonctionne. Elle lui fait du mal. Il peut même pas dire plus qu’il voudrait parce qu’il est littéralement raide dingue de cette femme. « J’ai pas envie de me trouver une fille. » Sous-entendu une autre femme que Gemma. C’est son cœur qui s’exprime sans rien que ne le retienne. Qu’a-t-elle besoin pour lui donner une chance ? Qu’elle le lui dise, il s’exécutera car aujourd’hui elle n’essaye pas. Il fera tout ce qu’il peut pour qu’elle lui en laisse une mais il a aussi parfaitement conscience qu’il faut que ça vienne d’elle. Et puis, il pense à tout ce qu’on a pu lui dire et sur sa naïveté. « Mais oui qui sait, peut-être que oui, il y a aura quelqu’un que je comprendrai ou qui m’expliquera pas. » Il le dit sans la vise directement même si forcément ça renvoie à ce qu’elle vient de lui dire. Une nouvelle bouteille jetée à la mer, peut-être que ça peut plaider sa cause ou l’enfoncer à nouveau, c’est à double tranchant.

Billy replie le carton d’invitation avant d’ajouter : « En tout cas j’accepte de t’accompagner à cette soirée mais à deux conditions, rien d’insurmontable tranquillise-toi. » Voilà, de quoi rendre moins facile les choses. Adrian serait fier de voir qu’il lutte un peu, que c’est pas trop facile de se servir de lui. « La première, tu m’as parlé d’un smoking. Il faut que j’en achète un et je veux que tu m’accompagne. Vois les bons côtés, tu pourras le choisir et t’assurer que nous serons assortis, aucune faute de goût. Et je m’assurerai au moins que ma tenue te plaise. » Bon cette condition sert uniquement à s’assurer d’un moment avec elle (même si ça ne peut durer que trente minutes). Billy prend tout ce qu’il peut prendre. « La deuxième c’est que j’aimerais que tu me fasses une prédiction, comme tu peux le faire pour d’autres. Ça n’a pas besoin d’être aujourd’hui mais je suis curieux et ça m’intéresse de voir comment tu exerces ton travail. Donc si tu le veux bien, j’aimerais une prédiction. » Encore une fois il est sincère Billy. Il veut davantage la connaître et tout ce qu’elle fait (enfin la majorité de ce qu’elle fait) l’intéresse et lui plait. Il espère que ça lui fait un tant soit peu plaisir qu’il s’intéresse à elle et qu’elle ne le voit pas comme du temps perdu parce que sinon le chemin jusqu’à la conquête de son cœur va vraiment être trèèèèèès long.