le regard pâle, les cheveux en arrière.

- la tête tournée vers les étoiles -
on vient tous de quelque part,
tout le monde est né ailleurs.

mais quand l'ailleurs devient quelque part,
c'est qu'il est déjà trop tard.

l'assitante sociale est moche. il n'y a pas d'autre termes. visage rabougri, marqué par le temps, stigmates d'une vie agitée et certainement d'une famille trop nombreuses. il l'envie, parfois, l'assistante. elle rentre tous les soirs, pousse la porte d'une maison remplie de rires et de cris. lui, il pousse la porte d'une chambre vide dans laquelle il a suspendu des posters pour faire genre. ça respire la mort, ça transpire le vide. elle se couche dans les bras de son mari, ou de sa femme -ça ne l'étonnerait même pas-, et s'endort paisiblement en pensant à tous ces gosses mal fichus qu'elle retrouvera le lendemain. il s'endort en tenant son édredon contre lui, cherche une présence pour étouffer les cauchemars qui guettent et ne pense à rien, sinon aux lendemains qui se ressemblent tous toujours trop. sous les mêmes étoiles mais à mille lieues l'un de l'autre. elle est conne l'assistante sociale. elle lui sourit bêtement quand il lui demande qui sont ses parents, elle ne cherche même pas à lui répondre. "ce n'est pas dans mes fonctions que de t'aider à les trouver" qu'elle lui répond en tirant sur sa clope. c'est pourtant interdit de fumer à l'intérieur, elle s'en moque. elle ne les respecte pas, elle ne les aime pas. pas comme ses enfants, il en est sûr. avec le temps, il pose de moins en moins de questions moreno. il se contente de croire, d'espérer, d'imaginer, d'envisager. fichue vie, fichue histoire.

VOYEUR (n.m.) personne qui en observe une autre de manière malsaine.
c'est sans doute lui, derrière cette porte. à observer la vie sans se permettre de s'y lancer. à observer le monde sans prendre le risque de s'y perdre. à entendre les conversations sans jamais s'en mêler, à se moquer des habitudes et des routines sans jamais vouloir s'y plonger. c'est sans doute lui, derrière cette porte, à connaître cette famille mieux qu'elle ne se connaîtra jamais. à comprendre leur gamin mieux qu'ils ne le comprendront sans doute un jour. à savoir qu'à vingt heure, l'accès au frigo est libre et -qu'en évitant de marcher sur la troisième catelles noires en partant de la gauche, qui branle un peu- s'y faufiler pour manger à sa faim. c'est également lui qui l'a entendu claquer la porte pour de bon et qui s'est surpris à le détester d'abandonner derrière lui ses parents quand il donnerait tout pour retrouver les siens. mais avant toute chose, c'est sûrement lui qui, installé au sous-sol de leur baraque, se surprend à prendre un plaisir saugrenu à vivre avec eux par procuration.

il y a eu cassure dans un monde trop parfait. il pensait pouvoir s'en sortir, le pauvre animal. guetter les instants propices, sortir, se nourrir et éviter la foule. grandir par procuration dans un sous-sol abandonné et vide. dormir à même le sol ou sous des couvertures qu'il aurait réussi à chiper à l'étage. parce que le gamin s'est fait la malle et que, désormais, il est la colle qui cimente la famille dans laquelle il s'est incrusté. pauvre crétin, celui qui se donne trop d'importance alors qu'il entend hurler au petit-déjeuner, qu'il surprend les larmes au dîner et qu'il sursaute à chaque fois que les portes claques. rien ne va plus dans son petit monde parfait. l'assistante sociale -cette connasse- a contacté le lycée et il s'est fait convoqué. il devrait retourner à l'orphelinat mais il s'y refuse. il dit qu'il a trouvé un endroit où vivre, un endroit mieux. il ment, c'est certain. on ne le croit qu'à moitié mais il ne se défend à peine plus. parce qu'à présent, le gamin a quitté les lieux et il se retrouve seul avec des adultes qui se disputent un morceau de pain à table. il y a eu cassure.. c'est pas de sa faute, c'est de celle du gosse. il va le retrouver, il va lui faire comprendre. on a qu'une famille, faut jamais la bousiller. sinon, on finit dans un tourbillon de paperasse et on devient un numéro sur une liste d'attente. rien qu'un numéro !

01. avoir un doudou que l'on surnomme baptiste et que l'on emporte partout avec soit mais dont on nie l'existence lorsque le lièvre est soulevé. 02. prétendre être intéressé par les conversations quand on réalité, on ne pense qu'au meilleur moyen d'éviter d'avoir à répondre à des questions trop personnelles. 03. se faire des amis pour que la moche des services sociaux ne nous croit pas complètement fichus et s'amuse à écrire "cas désespéré" sur son bloc-note. 04. prétendre faire du sport quand en réalité, au premier virage, on abandonne le skate et plonge le nez dans des lignes blanches et poudrées. 05. faire les mauvais choix par instinct et mettre ça sur le dos de ces couillons qui nous ont abandonné à la naissance. 06. squatter le sous-sol d'une famille dont on ignore tout et se plaire à en faire partie, par procuration. s'inventer un nom qui rime avec le leur, participer à leurs fêtes et réceptions en jouant les invités fantômes. mais voler l'argent dans la bourse quand la nuit tombe et cambrioler le réfrigérateur au moins deux fois par semaine. 07. frapper sur les plus faibles pour se donner de l'importance, avoir une grande gueule pour être craint quand on réalité, on est aussi bousillé qu'une vieille cassette qu'on aurait pas arrêté de rembobiner à l'envers. 08. avoir perdu espoir aussi vite qu'on a perdu sa virginité. 09. se planter le nez sous les étoiles et imaginer la vie des petits bonhommes verts qui ne doit certainement pas être pire que la sienne. 10. dessiner, parce que s'il y a bien une chose pour laquelle on est doué, c'est le dessin.