Porte qui claque si fort qu’elle en sort presque de ses gonds. Derniers jurons lancés à la volée alors que Serah dévale les escaliers de l’immeuble où elle vit, bien décidée à ne pas laisser Rag avoir le dernier mot. Qu’est-ce qu’il a, celui-là, à la traiter de tous les noms parce qu’elle a mis des talons de pute et du rouge à lèvres de suceuse, comme il dit. C’est vrai que ça change des vieux baggys pourris qu’il lui a fait arborer toute son adolescence, mais elle a toujours l’air de la vierge Marie à côté des autres nanas qu’il fréquente, alors y a pas de raison que ça lui pose problème. Et quand bien même, il a jamais été vraiment son père. Elle descend les marches quatre à quatre, défonce le vieux parpaing du hall d’entrée d’un coup de poing rageur alors qu’elle essaye tant bien que mal de contrôler son impulsivité. Raté, semble lui dire le lambeau de mur qui pandouille et s’est effrité au contact de son poing fermé. Elle sort en trombe dans la rue, le vent lui fouette le visage mais elle n’y prête pas attention, concentrée comme elle est pour ne pas casser autre chose. Le monde qui l’entoure lui paraît flou et elle a oublié où elle se rendait, dans cette fameuse parure de fête qui lui a valu tant d’insultes. Elle parcourt encore quelques centaines de mètres, s’arrête au milieu du passage piéton pour reprendre ses esprits. Voiture qui klaxonne et manque de l’écraser, Serah qui répond d’un gros bras d’honneur avant de monter sur le trottoir. Elle cherche nerveusement son briquet dans ses poches et commence à jouer avec en se demandant où elle peut bien trouver du tabac à cette heure. Elle quémande une clope aux rares passants qui s’aventurent dans la rue sombre où elle se trouve, sans succès. Entend une voix qui l’interpelle, lève les yeux vers la fenêtre du deuxième étage où une lumière s’est allumée. Vous ne seriez pas un peu jeune pour détruire vos poumons ?, qu’il lui demande, le vieux qui la regarde d’un air un peu méprisant depuis son salon. « Et vous, vous êtes pas un peu vieux pour être encore vivant ? ». Elle le remet à sa place d’un ton sans appel et reprend sa route vers une artère plus illuminé, en quête d’alcool, de tabac, ou de quelque chose de plus fort, on sait jamais ce qu’on trouve dans night falls.