hey there demons, it's me, ya boy (misha)

Chacun ses passions dans la vie. Y’en a c’est le tricot, le jardinage, les mots fléchés ou la taxidermie. Théo, c’est faire des choses douteuses, dans des contextes douteux et à des fins douteuses. Certes, il est aussi un adepte des hobbies mentionnés précédemment, y compris la taxidermie qu’il pratique en quelques sortes sur les humains, donc c’est encore plus douteux, mais là n’est pas le sujet. Ses passe-temps sont en général plus loufoques, et ça peut être aller au même McDo 17 fois en une journée pour avoir des sauces gratuites tout comme ça peut être se taper l’incruste dans une cathédrale en pleine nuit pour y pratiquer des rituels flippants, ce qui lui ressemble nettement plus.

Et donc, même s’il est assez arrogant pour se suffire à lui-même et passer un bon moment sans la présence de qui que ce soit d’autre, c’est toujours plus drôle quand il peut embarquer une victime dont les réactions rendront tout plus intéressant. Quelqu’un de superstitieux, crédule, facile à berner… quelqu’un qui s’appelle Misha Sampaio et dont il est déjà en train de tambouriner à la fenêtre à une heure du matin. « MISHA TU M’ENTENDS-TU ? ALLOOOO ? » qu’il crie. Le manque de réponse ne l’étonne ni ne le vexe vu l’heure tardive et son arrivée inopinée, alors il se contente d’user de techniques sournoises pour convaincre l’aîné de le rejoindre. « J’sais qu’il est tard mais écoute, j’ai eu un rêve prémonitoire très dark. Quelque chose me dit qu’tu vas finir fiancé très prochainement si tu m’accompagnes pas. » Sa confiance en ses capacités de persuasion n’est pas démesurée car, en effet, le pas si jeune homme le rejoint au bout de quelques instants. Une autre victoire pour lui.

Il  n’y a plus que le bruit de la Chevrolet pour emplir les rues semi-désertes du quartier, et il prend d’ailleurs soin d’abandonner la caisse à plusieurs mètres du lieu convoité pour plus de discrétion, son sac rempli de matériel occulte – et cinéaste, car il compte bien documenter la première expérience de Misha – sur le dos. « Au fait, dis-moi… » Théo pose le sac sur les marches de la cathédrale, fouillant déjà à l’intérieur entre une multitude de babioles à la recherche d’on ne sait trop quoi. « Tu sais-tu crocheter une serrure ou je vais devoir tout faire moi-même ? »

Parfois, Misha se demandait ce qu’il avait fait pour avoir un karma aussi négatif. Pourtant, c’était un homme simple ; il payait toujours ses impôts à temps, ne trempait pas dans les affaires à la frontière de l’illégalité – quoique son entourage ne lui facilite pas vraiment la tâche – et quoique lui…. bref, il ne faisait rien qui pouvait lui ramener le karma en pleine gueule. Il pouvait entendre la voix de sa grand-mère défunte lui rire au nez. Quoi qu’il en soit, il ne comprenait pas, il ne savait pas et son esprit refusait de coopérer pour sa propre santé mentale. Trahit par son propre corps, quelle vie il pouvait mener. La tête de Misha tourna mécaniquement vers Théodore qui était au volant et qui était en passant un peu trop de bonne humeur malgré l’heure et malgré ses intentions. Il avait vaguement envie de lui enfoncer la tête contre le volant mais il avait que la quarantaine, c’était trop tôt pour lui pour mourir dans ses conditions, autant crever d’un cancer des poumons ça serait plus logique pour lui.

Misha enfonça son corps contre son siège et expira de la fumée, repensant aux évènements qui s’étaient passés une demi-heure plus tôt. Lui qui dormait en paix jusqu’à ce que le démon vienne le tester dans son sommeil avant de se rendre compte que les voix étaient réelles, comme son envie de mort toujours plus important quand il se retrouve en contact avec Théodore. Misha était certain à 59% pourcent que l’homme était possédé, c’était une impression mais le pourcentage était précis. Quoiqu’il en soit, Misha finit par quitter son lit dans un état second en écoutant à moitié les paroles de l’homme parce que sa voix était reconnaissable sur de très longues distances. Il voulait fermer ses rideaux et repartir au lit mais son inconscient entendit quelque chose qui le fit se changer et rejoindre l’homme et sa voiture. Ah oui, il s’en rappelait maintenant. Même dans ses rêves, la peur du mariage était puissante. Il soupira et termina sa cigarette avant d’arriver devant une bâtisse très sombre et quitta la voiture (en pantoufle) quand il vit Théodore faire de même.

Il leva les yeux pour constater qu’il était face à une cathédrale et il comprit qu’il allait mourir ce soir. « J’ai rien dis encore, mais il est quelle heure ? » Les mains dans les poches de son jogging, il monta les marches pour rejoindre Théodore – qui était toujours beaucoup trop heureux pour que ça soit normal – qui commença à lui parler casser une serrure. Il cligna des yeux en signe de reconnaissance, parce qu’au fond, il ne savait toujours pas ce qu’il faisait de sa vie et c’était assez triste pour un quarantenaire. Son karma était assez négatif comme ça, mais moins et moins, ça faisait toujours plus. « Passe moi ce que t’as. » Au point où il en était. Misha se pencha et fouilla jusqu’à ce que ses doigts reconnaissance une groupille et une clé de vis et moins d’une minute plus tard, la serrure sauta, faisant alors grincer les grandes portes de la cathédrale. Misha laissa Théodore entrer en premier en guise d’armure au cas où un lustre tomberait tout seul. Il laissait son cadet prendre le pas et ferma la porte derrière lui. « Alors, qu’est ce que tu es venu faire ici et qu’est ce que je fais là. » Le silence était pesant et Misha n’avait presque pas envie de le briser.