c'est pas comme si ça voulait dire quelque chose (jeth)

C’est chiant quand on y regarde bien une boule à facettes. Ça ne fait que tourner, inlassablement, faisant miroiter la lumière un peu partout dans l’espace. Du coup ça éblouie, faut pas être épileptique. Même, pour une personne lambda. De se concentrer uniquement sur cette boule ça donne mal à la tête, le tournis et qui sait, ça peut même aller jusqu’à la nausée, le mal de cœur. Jo s’était jamais fait la réflexion avant ce soir-là pourtant c’est pas d’hier qu’elle travaille au groove sous cette boule à facettes enfin ces parce que le groove en fourmille. Sûrement pour que tout le monde ne doute pas de son ambiance disco. Peut-être qu’elle le remarque parce qu’elle est profondément agacée ce soir. Elle peut pas aller à son entraînement de boxe parce qu’elle doit remplacer une des serveuses, malade. Ne pas se faire d’illusion, elle est simplement agacée parce qu’elle peut pas taper dans des boudins et pas parce qu’elle n’est pas avec son partenaire. Le dit partenaire terriblement sexy et qu’accessoirement elle s’est tapée pas plus loin qu’il y a trois jours ou nuits. Mais bien sûr ça n’a aucun rapport. Jo, elle s’intéresse qu’à la boxe, au côté pratique de la chose. Le reste n’existe pas, elle le croiserait à l’instant qu’elle ne sourcillerait même pas. Pas plus que s’il s’agissait d’un client comme un autre. Tu penses. Après faut dire que c’est pas vraiment le client habituel. Il est un peu trop vieux pour être l’adolescent qui est à son premier rendez-vous avec une fille et qu’il l’emmène au groove pour lui faire tourner la tête, dans tous les sens du terme. Tellement cliché, Jo aurait détesté qu’on l’emmène ici ado. Elle détesterait encore plus, ça la ferait pas du tout rire qu’il l’emmène ici pour le côté second degré de la situation, un petit quelque chose de décalé. Nop, elle s’amuserait pas du tout. Elle sait même pas pourquoi ce genre de pensées lui traverse l’esprit. Très certainement que le manque de travail aboutit à ce genre de pensées vides et farfelues. Elle aurait pu avoir les mêmes pour Pierre, Paul ou Jack. L’esprit s’abandonne et divague pour un rien.

Enfin, Cole, le barman lui donne une petite tape sur l’épaule pour lui signaler que son plateau est prêt et qu’en gros elle a plus qu’à rouler. Parce que oui, elle est chaussée de ses plus jolis patins… si c’était que ça. Le pire quand tu travailles au groove, c’est l’uniforme. Elle porte une robe à paillettes qu’elle juge ridicule. Un rose criard qui lui sied pas du tout au teint. Alors avec les patins, c’est le pompom. Bien sûr, c’est pour l’ambiance disco donc parfaitement adapté mais ça ne change pas le fait que ça la fasse particulièrement chier. Un coup d’œil à l’horloge, plus qu’une demi-heure. A cette heure-là, l’entraînement est fini. Plus besoin d’y penser, quoique des fois vous ils s’attardent. Jo revête son plus beau sourire et se dirige plateau en main vers la table de ces gamins qui ont commandé des cocktails sans alcool. Même là c’est triste. Si au moins, il y avait un peu de tequila pour pimenter le tout mais non. Bien sûr au fond du bar, il y en a un peu pour l’équipe, pour les occasions, booster les esprits et les corps mais c’est toujours à caractère exceptionnel. Et même si Jo en a très envie et qu’elle pourrait utiliser sa qualité de manageuse pour en obtenir, elle ne le fera pas. Elle repart tranquillement, déjà en quête d’autres tables quand un grand dadais – il n’y a pas d’autres mots – lui arrive droit dessus, se retenant comme il peut pour ne pas tomber. Elle s’apprête à gueuler quand elle voit le visage de la personne… lui. « Seth ? » Qu’est-ce qu’il fait là ? Il aime patiner ? Il a pas l’air pourtant. Est-il là pour elle ? Avec une autre femme ? Il manquerait pas d’air si c’était le cas. Est-ce qu’il l’espionne ? Ou alors peut-être qu’il est branché karaoké. Une foule de questions bombarde son esprit mais heureusement ne dépasse pas ses lèvres. Elle finit par demander néanmoins : « T’es pas à la boxe ? » Ca c’est bien, pas trop inquisiteur.

Sans doute que si tu rencontrais quelqu’un dans une soirée et que tu lui disais que tu fais de la boxe il ne serait pas étonné. Quand on fait presque deux mètres et qu’on n’a pas le type physique asperge les gens ont tendance à associer ça sans problème aux sports de combats. Pour toute personne te connaissant, la première fois que tu as dit ‘je vais me mettre à la boxe’ (également décliné en ‘je me suis mis à la boxe’) tu as eu droit soit à un silence incrédule suivi d’un rire, soit d’un rire suivi d’un silence incrédule puis d’un autre rire quand ils se sont rendu compte que tu ne plaisantais pas. Faut dire que le poisson rouge de ton cousin est plus agressif que toi. Mais au final ça te va bien quand on fait abstraction du fait que tu n’aimes pas taper les gens. Même frapper sur le sac ça ne t’a jamais vraiment botté, mais par un miracle incompréhensible tu n’as pas arrêté de venir après la troisième session. Sans doute que tu as trouvé une motivation solide. (jo.) Peut-être bien qu’en tant qu’adulte, tu es plus assidu dans ce que tu entreprends. (jo.) Je dirais même que la possibilité de pouvoir te défendre si à nouveau tu te fais agresser est plus importante que l’ennui que pourrait te procurer la discipline. (jo.) Evidemment le fait d’avoir rencontré plein de gens tous plus intéressants et amicaux les uns que les autres n’étaient que la cerise sur le gâteau de ton assiduité. (jo.) Et tu as noué un lien avec ta partenaire qui te donne envie de revenir, ça doit bien compter pour quelques pourcents non ? Noué un lien relativement intime on pourrait dire puisqu’elle s’est extirpée de tes draps encore une fois il y a moins d’une semaine. C’est purement physique, l’effort intense ça chamboule les hormones et après l’entraînement des fois ça peut détendre de rentrer l’un chez l’autre. Alors pourquoi la première chose que t’as fait en rentrant dans la salle de sport c’est la chercher du regard ? Simple réflexe rien de plus. De toute façon elle n’était pas là. Alors on tu t’es entraîné avec Steve. C’est un mec super sympa Steve, il fait des super blagues. Après il est moins drôle que Jo dans le sens où tu ne peux pas prendre le dessus en l’énervant. Et puis il est presque aussi grand que toi et il fait de la boxe depuis qu’il est adolescent. Alors l’avantage de masse que tu as d’habitude est totalement ruiné. Pas grave, il faut varier pour s’améliorer, c’est pour ça que tu viens. Etrangement tu avais plus envie de frapper dans un sac mais Steve était là alors tu n’as pas retenu tes coups. Bien sûr ça ne te rend pas spécialement meilleur mais ils l’ont tous vu ici, depuis un mois, tu mets des gnons avec vachement plus d’honnêteté. Des choses à extérioriser, pas qu’un peu. Pourtant ce soir, tu as beau sentir les bleus qui fleuriront demain, tu ressens comme un manque. T’irais bien voir Jo. Mais t’as pas vraiment de raison de le faire en fait. Se pointer juste pour voir quelqu’un sans rien derrière la tête c’est un truc de gens qui ont des sentiments. Ah bah non, ça marche avec les amis. Parfait. Quoique… On débarque pas sans prévenir juste parce qu’on a envie de les voir les amis. Non ? Si, on va dire que si parce que c’est vachement plus facile comme ça. Et puis il paraît qu’elle travaille dans un truc de disco et le disco c’est sympa t’aimes bien. Voilà. C’est parti pour le disco.

C’est un peu désorienté que tu arrives dans cet endroit. Il n’existait pas encore il y a quinze ans quand tu aurais eu pile l’âge d’y aller. Puis tu n’aurais fait que te ridiculiser sur des patins, la seule chose qui t’aurait sauvé de l’embarras aurait été de boire pour oublier. Illégal donc. Bref, pas trop le genre d’endroits où tu vas. Un peu bruyant. Mais c’est correct. Tu ne sais pas réellement où aller, tu cherches un peu du regard pour essayer d’apercevoir la brune. Echec critique d’observation, rattrapé par un bon score en chance. Plus besoin de la chercher, elle est juste là, tu viens de manquer de lui rentrer dedans. La surprise te fait tituber et instinctivement tu mets tes mains sur ses épaules pour lui éviter la chute. Miraculeusement, de ton côté, tu ne finis pas non plus par terre. « Seth ? » « Oh putain pardon ! » Quel gentleman. Je ne sais pas comment tu n’es pas catégorisé comme tombeur. Peut-être parce que tu les rattrapes avant qu’elles ne se soient viandées. L’étonnement passée tu te rends compte qu’elle est bien plus grande que d’habitude. Ah, c’est les patins, logique. Tu lèves cependant un sourcil face à son uniforme. La robe rose à paillettes c’est… Original. Short et T-Shirt c’était pas viable comme vêtements de travail ? « T’es pas à la boxe ? » Techniquement elle ne te demande pas pourquoi tu es là tu pourrais juste te contenter de répondre non mais ce ne serait guère convaincant non ? « C’est fini à cette heure-ci. J’étais pas fatigué, je me suis dit que j’allais boire quelque chose et quelqu’un m’a dit que tu travaillais ici alors je me suis dit que je pouvais faire d’une pierre deux coups. » Est-ce que c’est trop d’informations au point d’être suspect ou est-ce que c’est juste la quantité appropriée ? Même moi je n’arrive pas à le déterminer.

A peine le mot putain prononcé que son sang réagit au quart de tour. Détente mademoiselle, c'est pas comme si elle était si contente de le voir. On a déjà traité ce point précédemment. C’est pas non plus comme si son corps réagissait au contact du sien. Ça existe que dans les films à l’eau de rose ces conneries. C’est à cause de l’adrénaline, du choc, de la surprise. Il est con aussi, pourquoi il regarde pas où il va ? Elle, elle pouvait pas, elle était de dos. Non, elle maintient c’est uniquement de sa faute, à lui. « C’est fini à cette heure-ci. J’étais pas fatigué, je me suis dit que j’allais boire quelque chose et quelqu’un m’a dit que tu travaillais ici alors je me suis dit que je pouvais faire d’une pierre deux coups. » Il était là pour elle. Pour boire un verre mais pour elle. Voilà qu’elle peut pas s’empêcher de sourire comme une collégienne. Quand elle s’en rend compte, il est déjà trop tard. Elle le quitte mais elle est trahie. C’est pas de sa faute si elle est contente. Elle peut pas tout contrôler. Au bout d’un moment, elle est pas un robot mais Jo a toujours un don pour rebondir. « Je savais pas que t’étais plus branché milshake, nojito et frasibulle. Je te voyais plus comme un mec à whisky. » Sourire malicieux. Elle aime bien l’embêter Jo. C’est facile et c’est pas méchant enfin. Ça peut paraître mais c’est pas le cas. Elle aime juste (beaucoup) le taquiner et c’est pas comme s’il avait l’air de s’en plaindre. Même s’il s’en plaignait, Jo est pas vraiment le genre de fille à faire ce que les autres veulent d’elle. Non, Jo c’est le genre de mauvais caractère qui n’en fait qu’à sa tête, encore plus si ça plait pas. Oui c’est une tête à claques mais une très belle tête à claques. En plus de cela, il en profite lui-aussi quand il fait exprès de l’énerver. Elle a pas pu le titiller avec ses points, elle le fera avec la parole. « Je t’ai manqué, c’est ça ? » A nouveau ce sourire rempli de malice. Elle aimerait bien lui entendre dire, enfin… oui et non. Oui pour son ego et sa fierté qui décollerait encore mais d’un autre côté s’il était très sérieux, elle flipperait sûrement deux secondes plus tard. De véritables montagnes russes. C’est pas drôle les ressentis, c’est même sacrément emmerdant, pas étonnant que les gens finissent cardiaques. « Par contre il faudrait que tu me lâches, je dois m’occuper des commandes ou alors suis la cadence. » Comme un air de défi et ça sonne un peu comme un « attrape-moi si tu peux » même si vu comment il a l’air à l’aise, ça serait du gâteau pour Jo. Elle évolue littéralement sur des patins… ou alors il pourrait se tenir à sa taille. Peut-être même qu’elle pourrait le laisser carrément la serrer tout contre lui pour qu’il n’ait aucune chance de tomber. Elle pourrait jouer à se frotter contre lui-même et elle pourrait faire comme si rien de n’était puisque ça serait pour qu’il garde l’équilibre. Ça serait tellement facile et Jo commence à l’imaginer parfaitement et… STOP. Voilà ce que provoque deux mains sur deux épaules. C’est ridicule. Ça doit sûrement être hormonal. Un truc d’œstrogène. Elle a lu une connerie comme ça dans un magazine féminin qui trainait à l’appart surement à Damaris ou Bobby, quoique Nora n’est pas en reste non plus. Ah lala, les filles.