les serpents sont des reptiles très spéciaux. et chaque race a des spécificités qu’elle ne partage avec aucune autre.
jack se sent bien, comparée à un serpent. parce que si elle fait partie du genre « humain », elle ne se sent pas affiliée particulièrement avec ce genre. elle est un peu de l’un, un peu de l’autre. mais qu’est l’autre, du coup ? sans doute le démon.
jack est incapable de s’ancrer véritablement quelque part, et c’est bien pareil avec le gang ; si elle en fait partie, elle garde son indépendance et refuse d’accourir dès lors qu’on la siffle. elle n’est pas un chien-soldat sur lequel on gueule des ordres. elle n’est qu’une gamine perdue qui mêle une passion particulièrement malsaine pour les informations censées être inaccessibles – et le savoir – avec l’illégalité pour obtenir de quoi manger. si la trahison est encore bien vivace dans le palpitant d’avoir donné tant de temps et de ressources à retrouver les fugitifs et de les avoir reperdus, elle pourrait aussi bien continuer sa vie sans les recroiser.
(bien que la vengeance ait un attrait particulier dès lors que ses pensées se perdent sur ce terrain glissant).
le seul dont elle ne saurait véritablement se passer, c’est bien de timofeï.
relation particulière qui est la leur, entre combats (pour gagner en force) et réconciliations (pour panser les blessures) sur l’oreiller.
dans ce monde de solitude dans lequel jack s’est un peu enfermée seule, il est le seul ami qu’elle ait véritablement ; parce que l’anaconda est pris ailleurs, qu’ils n’ont pas vraiment réussi à tisser un lien tangible. et jack, au fond, chérit chaque instant où timofeï vient chercher un peu de réconfort à ses côtés.
c’est eux contre le monde, bien que les sentiments plus personnels soient muselés.
alors la douleur de se faire trahir encore une fois – et d’autant plus pour lui – n’en serait que plus atroce. heureusement, ils n’en sont absolument pas là.
et c’est un nouveau câlin plein de chaleur qu’ils partagent, les chairs s’entrechoquant avec délectation pour obtenir la jouissance ultime, la libération des sens et l’endorphine qui permet de trouver un sommeil réparateur.
elle l’écoute parler d’une oreille distraite, traçant des formes invisibles sur sa poitrine dénudée.
- mais je fais une très bonne espionne.
elle marmonne finalement en réponse, un sourire étirant ses lèvres rougies par les baisers. après tout, n’est-elle pas toute aussi condamnable que ces poupées vendues au service de leur nation ? si jack ne répond qu’à son propre code de l’honneur, elle a déjà envisagé plus d’une fois d’utiliser ses charmes jusqu’à la frontière entre humiliation et fierté pour quelques informations cruciales.
- ça t’aurait plût de coucher avec moi pour que je te tire les vers du nez et que je raconte tout au KGB ?
elle demande en riant légèrement, ses opales rencontrant celles de timofeï. c’est une relation particulière qu’ils ont, et rarement très loquace. il n’en faut pas beaucoup à jacqueline ocean pour délier sa langue, beaucoup plus à timo pour oser autoriser l’accès à son psychique très compliqué à quelqu’un.
et puis soudain, l’idée effrayante qui lui explose l’esprit vient l’asservir, l’obliger à lui poser la question critique :
- tu me trahiras jamais, timo, hein ? pas comme semyon et clyde.
l’amertume dans la voix la rend presque effrayante, le temps de quelques instants, où elle fixe un point invisible avec une lueur assassine dans le regard ; se faire déjà repousser par mamba a été difficile, jouer avec semyon a été attrayant, mais les perdre tous les deux – et être privée de son jouet – a été la goutte de trop.
si elle feint parfois de n’en avoir que faire – de les retrouver – c’est pourtant une haine assez farouche qui transpire de tout son être par une simple pensée dirigée vers les traîtres.