i want to give you wild love.

- la tête tournée vers les étoiles -
CHAPITRE 1, FUENTES -- C’était un matin léger, Joan ne s’en souvient pas. C’est Jake qui le lui raconte parfois. Il s’approche d’elle, passe une main sur sa joue et replace une mèche blonde de ses cheveux derrière son oreille. Il la regarde avec patience et amour, il plisse son nez et se laisse porter par la nostalgie. « Tu ne voulais pas partir, Joan. Tu ne voulais pas quitter le petit appartement vide et miteux qu’on avait à l’époque. Maman avait fait ton sac, il était temps de partir. Mais tu pleurais tellement fort qu’on ne s’entendait plus penser. Jimmy s’était mis à pleurer, lui aussi. Ça a toujours été l’amour fou entre vous. » Jake est plus grand que Jimmy, et il en a connu des histoires similaires. Maman n’est jamais restée dans la même ville, elle n’a jamais gardé le même homme plus d’une année. Jake est le second, il a donc vécu trois déménagements quand Jimmy en a subi deux et Joan un seul. « Je t’ai finalement prise contre moi, t’étais si petite. J’étais pas bien grand non plus, mais j’étais assez fort pour te porter déjà. Je t’ai regardé longtemps, j’ai hoché la tête pour t’assurer que tout allait bien, que j’étais passé par là et qu’il ne fallait pas avoir peur. T’as pleuré encore un peu, et puis tu t’es calmé. Je t’ai posé dans la poussette, j’ai pris mon sac à dos et on est parti. On marchait tous les uns derrière les autres, maman était très chargée. On a attendu le bus, elle avait fumé quinze clopes. Elle m’en voulait d’être proche de toi, elle t’en voulait de me préférer. Mais elle ne l’a jamais fait exprès maman … Elle n’a juste jamais su trouver sa place dans ce monde. » Joan sourit. Elle aime cette histoire, malgré la tristesse des mots et du passé de sa famille. Les Fuentes devaient être chaud, mais leur histoire est bien trop triste pour qu’ils le soient. Pourtant, bien des années après le dernier déménagement – ils sont tous grands. Jina a vingt-huit ans, Jake en a vingt-six. Jimmy, vingt-quatre et demi. Joan vient d’en avoir vingt-trois et Jou approche les vingt-et-un. Maman est en cure de désintoxication, incapable d’arrêter la clope et l’alcool. Mais étrangement, ils sont tous heureux. Heureux d’avoir enfin une maison, enfin un endroit où vivre et où grandir. Ils ont tous des passions et des frissons. Et ils sont ensemble, surtout. Envers et contre tout.
CHAPITRE 2, LUI -- Elle bipe, Joan. Elle bipe le bonheur que chaque client s’achète – rêvant elle aussi de pouvoir mettre le nez dans la dernière glace Häagen-Dazs. Elle n’en a pas les moyens hélas, et en bipant chaque jour depuis déjà quelques années, elle prend bien conscience qu’elle n’a pas les moyens de grand-chose. Mais ce jour-là est différent, cependant. Elle bipe avec réflexe, sans lever la tête. Elle dit simplement bonjour de son sourire obligé, et elle se plonge ensuite sur le tapis noir et les rêves disparus. Lorsqu’elle redresse les yeux, c’est sur lui qu’elle tombe. Il n’est pas seul, le bougre. Il est venu avec cette autre blonde qui fait tourner les têtes. Elle n’est pas douce, elle. Elle est vaillante et forte, elle est puissante et imposante. Elle rigole fort, elle jouit fort et elle rappelle à chacun qu’il est bien plus facile d’être elle que n’importe qui d’autres. Joan, elle fait comme si elle l’aimait bien. Joan, elle sourit comme si c’était des amis. Mais en vérité, le seul ami qu’elle voit ici – c’est son cœur écrasé par l’homme qu’elle ne peut aimer. Il passe avec quelques articles, de quoi faire une soirée. Bien qu’il ait la main sur l’épaule de sa blonde, il ne quitte pas Joan du regard. Comme toujours. Il essaye de lui dire par ses grands yeux qu’il l’aime, qu’il aimerait que les choses se passent autrement – bien qu’il ne fasse jamais les efforts suffisants pour prouver ses pensées. Joan, elle se laisse parfois bercer par ses mots et ses yeux doux. Le soir, tard. Lorsqu’elle accepte de le rejoindre à une soirée, passant par la porte de derrière pour ne pas être vue. Pendant des heures elle parle, elle l’écoute, elle rigole. Et lorsqu’il la regarde un peu trop profondément, elle se perd dans les rêves d’un baiser qu’elle n’aura certainement jamais. Ils sont amis, de longue date. Elle le connait par cœur et s’est toujours interdit de l’aimer trop fort. Pourtant malgré elle, ces sentiments ne s’expliquent pas.
CHAPITRE 3, LES RÊVES -- Elle rêve d’un mariage en blanc et d’un regard persan. Elle rêve d’amour à l’infini, sans que jamais personne n’ose lui briser les ailes de nouveau. Elle rêve de comprendre chacun et qu’on la comprenne. Elle rêve de ne plus être jalouse de tout, pour avoir enfin ce qu’elle veut. Elle rêve de grandeur et d’ambition, de voyages et d’explosions. Elle rêve de s’évader sans que personne ne la retrouve, elle rêve qu’on l’oublie pendant quelques heures lorsque c’est trop dur à gérer. Elle rêve qu’on l’aime encore plus fort qu’il n’est possible d’aimer, elle rêve qu’on lui offre le monde entre deux mains serrées pour qu’elle n’ait qu’à le prendre et ne jamais le quitter. Elle rêve d’écrire un livre sur ce qui la passionne, elle rêve de tenir une maison d’édition et de ne faire que lire tous ces auteurs qui la rende folle. Elle rêve de ne plus dormir, d’avoir des journées sans fins. Elle rêve d’offrir à chacun le droit d’être heureux, elle rêve de l’être tout autant. Elle rêve de retrouve un père, de retrouver une mère – et d’avoir une famille encore plus unie. Elle rêve de tout, de rien. Mais surtout de tout – pour ne jamais plus douter. Pour ne jamais plus pleurer.