feels like home (leo)

un trop plein viscérale, le ventre qui s'tord en nœud, la nuque qui se crispe sous l'effet de l'adrénaline, c'est le genre de chose qui anime le loup de night falls. aucune pitié, aucun remord, juste l'action pour l'action, sans s'poser de question au préalable. mais surtout, il se moque éperdument de la personne qui le défis, grand, petit, femme ou homme, il ne fait aucune différence. peut-être le devrait-il, mais aucune âme charitable ne le lui a apprit. il ne se souvient pas de cette mère aimante susurrant des vagues d'attention au dessus de son épaule, ni même d'un père protecteur quand il le fallait. il devrait s'tatouer made myself sur le torse pour raconter son histoire. rien que ça. il tente de souffler, respirer un bon coup pour faire passer cette envie dévastatrice d'lui faire avaler l'encre par le nez. non, il se montre même trop inoffensif car il sait que ça a suffit pour lui faire peur, qu'le tremblement de ses doigts n'est pas anodin. il a frappé pour faire peur, et ça a marché. maintenant il passe à autre chose, presque convaincu qu'elle s'enfuirait dès son dos retourné. il sort une pizza, qu'il découpe avant de la faire chauffer. en se retournant, il n'est qu'à moitié surpris de la retrouver le fessier visé à la chaise du salon. elle gratte, encore, toujours aucun mot, un silence qui deviendrait presque pesant à cet instant, mais y'a son regard qui en dit long. la peur dans ses yeux qui se terre dans le fond de sa rétine et pourtant la providence, la chaleur d'un toit, d'la nourriture, c'est sûrement ce qui la bloque ici, entre ces murs, avec lui, le violent, l'étranger. il attends quelques minutes avant de la rejoindre, avant d'oser lire les quelques lignes qu'elle a inscrite sous les derniers. un léger rire accompagne sa lecture, quelque chose en échange ? aran pose ses paumes sur la table, ombre imposante pour mieux dompter son regard. tu sais ma grande, quand on te donne un truc, prends-le c'est tout. autoritaire, presque donneur de leçon, il s'est forgé de cette manière, alors pourquoi ne pas lui apprendre à en faire de même. j'arrive pas à croire que tu ne t'es pas déjà fais bouffer par la rue, t'atteindras jamais la trentaine si tu continues. la loi du plus fort, du plus rusé, éhonté, rien à devoir à quiconque. cependant, il ne s’attendait pas à la question suivante, elle s’avance quant à la suite de la soirée, dormir, elle ne doit penser qu'à ça et semble déjà oublier les événements précédents. tu dormiras où je te dirais, déjà mange. il part chercher le plat brûlant pour le poser sur la table avant de se servir. on a le temps, j’crois comprendre que personne ne t’attends dehors.

il rit en lisant ses mots comme si elle avait vraiment dit quelque chose de drôle, elle comprends pas tout de suite, elle appréhende un peu. « tu sais ma grande, quand on te donne un truc, prends-le c’est tout. » elle avale difficilement sa salive, elle sait pas comment lui expliquer à lui et aux autres, que personne ne lui a jamais vraiment rien donné. y’a cette veste sur son dos oui, le seul souvenir heureux qu’elle ait envie de garder. mais au fond, à part des coups de reins et de poings qu’elle ne voulait pas? lui a t-on vraiment un jour donnait quelque chose qu’elle voulait? elle n’a jamais eu de réel souhait, elle n’a jamais vraiment rien espéré parce qu’elle savait que c’était en vain, que personne ne lui donnerait jamais rien. elle a eu cette période ou elle a pensé que le monde pouvait être bon avec nous, si on était bon avec lui, mais elle a vite déchanté quand ces connards de voleurs lui ont prit le peu qu’elle avait, quand ce clochard la violait, quand les hôpitaux et les centres pour sans-abris lui fermaient les portes parce que trop occupés. ça faisait longtemps que quelque chose de sympa ne lui était pas arrivé et même à cet instant, elle a peur de voir les choses basculer parce que c’est trop beau pour être vrai. elle sent l’odeur de la pizza réchauffée et elle a un demi-sourire qui apparaît, il parait pas étonné de la voir toujours ici alors qu’elle aurait pu s’échapper, elle se demande s’il a été dans la rue lui aussi, si c’est parce qu’il sait ce que c’est qu’il l’a emmené ici pour la nourrir et la loger. « j’arrive pas à croire que tu ne t’es pas déjà fais bouffer par la rue, t’atteindras jamais la trentaine si ça continue. » il semble pas vraiment lui parler à elle, plutôt à lui-même à réfléchir comment ça se pourrait qu’une gamine qui a même pas atteint la majorité se retrouve à vivre sur le trottoir à vivre parmi les déchets. elle sait qu’elle a pas la gueule de la femme forte avec ses cheveux pâles comme la mort, et ses grands yeux, elle ressemble à une poupée égarée plus qu’à une sans domicile fixe. « tu dormiras où je te dirais, mange. » c’est un ordre plus qu’une demande et elle déteste l’autorité, mais elle n’est pas ingrate au point de lui jeter l’assiette brûlante dans la figure. l’odeur est trop forte, la tentation aussi. depuis combien de temps n’a t-elle pas eu un vrai repas? ou un semblant de repas? chaud qui plus est. cette part de pizza est une bénédiction contrairement au reste de sandwich qu’elle mangeait dans la matinée. « on a le temps, je crois que personne ne t’attends dehors. » il dit alors qu’il remarque qu’elle engloutit plus qu’elle ne mâche, elle ralentit, elle se rend compte que cette phrase lui fait quand même un peu mal. il a visé juste et c’est blessant, mais elle sait qu’elle préfère mille fois être seule qu’être avec eux. elle ne l’oubliera jamais. elle s’arrête de manger pour lécher ses doigts qui ne sont plus gelés, elle attrape son crayon pour noter. « merci » parce qu’elle n’a rien à ajouter. puis elle se dit autant en profiter à fond même si ce n’est pas dans ses habitudes, il semble être d’humeur à la générosité. « est-ce que je pourrais prendre une douche? » elle allait tendre le carnet, mais elle note encore : « et toi, qui t’attends ici? »

les conseils sortent de sa bouche comme si il en avait le droit, comme si c'était son genre d'être un moralisateur hors pair, celui qui est sur le point de mettre la ville à feu et à sang. un traire parmi les parias de cette société en mal être, il vend les âmes aran, il ne les aide pas, il les noie dans l'argent sale afin de s'enrichir un peu plus. avant il avait presque un but, nevan, il a monté les échelons pour plus passer pour un sale con pauvre, il s'est fait du fric facile, il a enchainé ses poignets du sang d'un innocent pour en arriver là. une hauteur plus appréciable, un quotidien sous-disant plus agréable. mais rien, plus de nouvelles, disparition d'une partie de son âme. il est rentré aran, dans une colère monstre, a frapper contre les murs de l'ancienne appartement pour quasiment le détruire.
il a finit par déménager, pour essayer de plus y penser. au final, elle arrive peut-être au bon moment leo, à cet instant ou il avait plus vraiment de raison de continuer à trimer, à s'pourrir contre vent et marée. ça lui donne un truc en plus à bâtir, pour pas sombrer. il se sert un verre d'alcool, la première bouteille qui pointe le bout de son nez, rempli le verre posé sur la table en la regardant se goinfrer, affamée. il impose le silence après ces quelques secondes à parler seul, ça le prend comme ça, il s'arrête un temps. déchiffre les gestes, s'entiche du moindre rictus sur son visage d'enfant. « est-ce que je pourrais prendre une douche? »
« et toi, qui t’attends ici? » il lit encore les fragments de stylo qu'elle inscrit sur la page blanche, et il termine son verre. « y'a personne d'autre ici. » il aurait du préciser de ne pas insister peut-être, mais il oublie en pointant la porte de la salle de bain de la main tenant son verre. « là-bas » il se renferme, détourne le regard de la table pour scruter le plafond trop lisse pour ses yeux qui se plissent mécaniquement.

elle sent mauvais léo, une odeur âcre dont on rêve de se débarrasser. elle est habituée à beaucoup de choses à cause de la rue, mais cette odeur, jamais elle s’y est faite. elle se souvient de quand elle avait un toit, des bouteilles de shampoing qui sentent forts, des savons multicolores qui sentaient la fleur, la fraîcheur, elle restait des heures dans son bain pour nettoyer les plaies, elle en sortait toute rose et brillante. aujourd’hui, elle se contente d’un évier pour se débarbouiller, du miroir des toilettes publics pour s’arranger. elle est laide, et elle pue la rue, bizarre qu’il est pas fait de remarque à ce sujet d’ailleurs l’inconnu lui qui semble avoir un oeil si critique sur tout. sur elle surtout. il se contente de tendre la main vers la salle de bain et elle finit même pas son plat pour se lever et y aller. elle s’enferme à double tour de peur qu’il ouvre et qu’elle soit nue, vulnérable comme tant d’autres fois. elle se déshabille à la hâte, elle fait tout trop vite de peur de voir tout ça s’échapper. elle en profite même pas peut-être plus tard quand elle comprendra que c’est pas que temporaire, qu’il la laissera être là. elle frotte ses bras, ses jambes, son visage, elle se décrasse jusqu’à en avoir mal à la peau de frotter aussi fort. quand elle enjambe la baignoire pour en sortir, qu’elle croise son visage dans le miroir. elle a l’impression d’avoir une gamine de quinze ans devant elle, comme si le temps avait pas d’effet sur ses traits. elle glisse ses cheveux derrière ses oreilles, elle se dit que dans une autre vie elle aurait pu être jolie. elle enfile ses vêtements sales, la sensation est pas agréable, mais c’est mieux déjà. elle sort, il est encore là, elle récupère son carnet et ses notes. « y’a personne d’autre ici » pour lui ça sonnait comme une évidence pour elle pas vraiment, elle se demande encore ce qu’elle fout là. elle le regarde et il fait pareil, tous les deux en chiens de fayence. elle finit par soupirer, elle se rassoit devant sa pizza froide ce qui l’empêche pas de la triturer. elle écrit : « et maintenant? »

Une douche lui fera du bien, il s’attend même à trouver une nouvelle femme à la sortie du bain. Elle est jolie Léo ça se voit, mais y’a une couche de saleté qui barre son visage, des jours et des jours à courir les rues, le bitumes s’est éraflé sur son visage de poupée. Il se dit que c’est dommage, pour le première fois, il s’interroge: comment elle a pu en arriver là. Jetée dehors ? Perdue ? Vagabonde ? Y’a un truc étrange dans l’histoire, plusieurs pièces du puzzle qu’il ne connaît pas. Il se perd dans ses pensées en la regardant s’éloigner pour finalement se plaindre dans l’idée de ne pas se retrouver seul encore un soir. Une compagnie peu agréable au premier abord, il racle sa gorge en regardant son mur imprimé. Son verre se termine et ses ruminantes avec. Son téléphone sonne, vibration dans le fond de son manteau et encore l’appelle d’une nuit blanche. Il pensait avoir un peu de répit, c’était son compter sur le pantin qui lui servait de larbin pour aller chercher ses commandes. Pas de problème distinct, juste une question banale à laquelle il répondît en le renvoyant méchamment. Incapable. Le visage fermé, il chope l’ordinateur portable posé sur un meuble plus loin, pianote pour ajouter quelques détails à son planning, avant de la voir réapparaître de la salle de bain. Les mêmes fringues, mais plus le même visage, sa jeunesse de reflète dans son regard, malgré l’innocence qui a disparu. Il marque un temps d’arrêt, détaille la jeune femme sous un autre jour. Une impression différente, les mêmes habitudes qui recommencent, elle écrit. Au lieu de parler. C’est toujours aussi frustrant, il aimerait entendre sa voix pourtant. Il reste à sa place, préférant laisser l’oiseau apeurée s’imprégner des lieux pour s’y sentir moins méfiante. Il sait pas si c’est vraiment ce qu’il veut, qu’elle reste, il sait juste que maintenant elle ne partira plus, en tout cas pas ce soir. et maintenant ? qu’elle demande. Il souffle, peut-être d’ennui sûrement avant de répondre directement. « tu veux aller dormir ? » il se lève en lui parlant, allume une cigarette au passage pour s’imprégner de la fumée qui s’échappe dans la pièce. Avance jusqu’à la porte de sa chambre pour lui ouvrir, regardant Léo le suivre au pas. « vas-y, mais prends d’autres fringues, dors pas dans les draps avec ça » son regard se pose sur les tissus sales qu’elle porte encore. son lit, auparavant temple pas si propre que ça, il n’y a pour le moment ramené personne, nouveaux draps. Il a du en racheter un, l’autre en ruine n’était plus qu’un lointain souvenir, elle y dormira à peu près bien. Il lui montre ensuite un tas de fringues propre dans lequel chercher un truc à se mettre, espérant qu’elle prendra cette demande en compte. Puis il s’approche un peu plus, d’elle, de son visage, pousser un peu plus pour troubler le jeu, juste un peu. « j’te rejoins un peu plus tard » clin d’oeil, sourire narquois, aran devient diable pour jouer, lui faire peur, elle marchera certainement.

il souffle, elle a l’impression de l’ennuyer, mais elle s’en moque un peu c’est lui qui a voulu qu’elle soit ici, si les questions le gênent, il peut aussi bien la mettre dehors. « tu veux aller dormir ? » elle se demande pourquoi ce gars pose des questions, il est presque certain qu’il se fiche éperdument des réponses, ou peut-être est-ce juste elle et son incapacité à répondre immédiatement ? c’est voyant que c’est un impatient, qu’il prend même pas le temps d’attendre. il s’allume une clope tout en marchant, elle prend ça comme une invitation à le suivre, il lui montre la chambre. elle est petite, juste à côté de la salle de bain simplement elle n’avait pas pris la peine d’être aussi curieuse que d’habitude. elle avance d’un pas dans la pièce, quand il dit : « j’te rejoins un peu plus tard » ses yeux rieurs ne lui arrachent pas le moindre sourire à elle, il lui fait presque peur dans le noir avec juste les reflets de la lune pour l’apercevoir, elle chancelle, se recule d’un pas, elle est pas certaine de savoir s’il se moque d’elle ou pas. elle est flippée leo, elle l’était déjà de le suivre ici, elle se sent si stupide, si naïve, comme toujours les gens lui diront que c’est de sa faute, et cette fois ils n’auront même pas tort. mais ces gens-là ne savent pas ce que c’est la misère de la rue, l’envie d’un plat et d’un endroit chaud putain seulement quelques minutes lui auraient suffi, mais lui, il lui propose toute la nuit. le hic c’est en échange de quoi, il prétendait rien tout à l’heure, son discours est différent maintenant et elle sait plus, elle est perdue. il tourne les talons comme pour lui laisser un peu de répit, elle décide de réfléchir après, de pas se torturer. elle se dirige vers la pile de fringues mal pliées, elle en sort un tee-shirt au hasard, un jogging aussi parce qu’il a l’air confortable et quand un boxer tombe sur le sol, elle est  tentée parce que ça fait bien trop longtemps qu’elle a pas changé de sous-vêtements. elle s’habille à la hâte et dans le noir de peur qu’il débarque à l’improviste, mais il vient jamais, même des heures après quand elle est assise en tailleur sur le matelas, parce qu’elle a trop peur pour s’allonger, parce qu’elle sait toujours pas si sa menace, il vas l’excuter. un moment ses yeux se ferment presque et elle se décide à se lever, sur la pointe des pieds, elle rejoint le salon, l’appartement est petit, elle le trouve vite et le type est là. il dort à poings fermés allongé sur le canapé, ses longues jambes dépassent et ses bras touchent presque le sol, elle s’en veut un peu d’avoir ce grand lit pour elle toute seule, mais ça la rassure de le voir là, de voir qu’il avait pas l’intention de la toucher, ça la soulage et elle finit par retourner s’allonger. il lui faut moins de quelques minutes après s’être rassurée pour tomber dans les bras de morphée.

le sommeil a eu du mal à venir, pourtant bien installé dans son canapé -et ayant vécu pire qu'un matelas lui découpant le dos en deux- il a un peu trop pensé avant de s'endormir. bonne ou mauvaise idée de laisser une inconnue squatter chez lui, l'envie de finir le travail commencé, mais surtout ce souvenir auquel il ne peut plus échapper. incapable de savoir si ses insomnies ont un rapport direct avec ses choix lorsqu'il est éveillé, tout ce qu'il sait et qu'il a toujours su, c'est que sa vie entière est une ruine en effondrement. elle manque à chaque instant de s'effondrer autour de lui et toutes les personnes affectées de près ou de loin à ses affaires. malgré ses lubies, ses envies d'en avoir toujours plus, il est conscient aran, qu'il a le couteau sous la gorge, il sent parfois l'étau se resserrer même si il a appris a être discret, rusé. l'enfant sauvage est devenu fauve à plein temps, jamais sans regarder derrière lui, à dormir que d'une oreille, il a prit l'habitude du sommeil en dent de scie et cette nuit ne fera pas exception à la règle. la nuit est passé et le matin l'a réveillé bien tôt, tirant un peu plus les traits de son visage trop souvent refermé. un café, une clope avalés en moins de deux, il en oublierait presque l'hôte qui dort dans ses draps. il en rit, seul dans la cuisine, l'idée est tantôt marrante, tantôt navrante. il n'a pas mit ses menaces à exécution, il a perçut dans le regard de la gamine, la peur, celle de la proie fragile sentant la balle arriver, le coup venir. il en a décidé ainsi, l'épargner, laisser la fille vivre, se reposer, profiter de tout ce qu'il a pu lui donner sans rien en contrepartie. inimaginable pour lui il y a quelques temps, cependant, l'absence de nevan ne fait qu'accroitre ce grain de faiblesse en lui. une torsion minuscule qui s'est logée trop profondément sous sa peau, dans ses entrailles, le genre de pincement dont on a du mal à se débarrasser. et pourtant il a essayé. il a voulu passer a autre chose, mais à croire que sous ce tas d'os, sous ses mains ensanglantés, il y a cette organe en pls prenant le pas sur ses agissements. ça le déchire, le tourmente sans qu'il n'en montre aucun dessein sur son visage, ça pourrait l'foutre dans une colère folle. mais pas ce matin, il a d'autres pensées en tête sans savoir par où commencer. pas grand chose à manger dans son frigo, pas de pain, ni de courses de faites depuis des jours, il grogne à la vue du néant devant lui, avant de se diriger vers la chambre. il ouvre, évitant le vacarme habituel, retire son tee-shirt avant de prendre des fringues propres pour se diriger vers la salle de bain.

ce réveil là ne ressemble à aucun des autres, chez papa, il y avait le vacarme de la télévision, les bruits de succions des filles que le frangin ramenait, le tic-tac irrégulier d’une horloge prête à tomber. chez les autres, chez qui elle avait dormi une ou deux nuits toujours quelqu’un pour lui demander de se réveiller, de s’en aller. et dans la rue, le boucan des voitures, des gens qui passent, la nuit les dealers, les malfrats, les fêtards, le jour, les gens pressés, les gens bruyants, les gens gênants. elle avait rarement entendu un si beau silence. elle bougea lentement pour s’étirer, la douceur des draps lui donna envie de s’attarder là, bon dieu, elle n’avait jamais eu un sommeil si réparateur. le lit était haut si bien que quand elle s’assit au bord du matelas, ses pieds ne touchaient même pas le sol, ça la fit sourire. elle s’avança un peu plus et le sol froid lui arracha un frisson, mais c’était exquis de se lever comme ça. elle tendit l’oreille pour entendre le bruit de l’eau qui coulait, le gars se trouvait certainement dans la salle de bain, elle était toujours un peu septique vis à vis de lui. il l’avait ramené ici, il lui avait permis de manger et de dormir et en échange il ne voulait rien? rien du tout? elle retira les vêtements propres qui ne lui appartenaient pas, elle garda simplement le caleçon fourrant sa culotte sale dans la poche de sa veste qu’elle enfila à la hâte. elle plia les fringues pour les déposer sur le lit qu’elle venait de faire. comme si elle n’y avait jamais passé la nuit. elle ne serait même pas une bride de souvenir quand il rentrerait ici, peut-être penserait-il avoir rêvé? comme elle. elle était sur le point de quitter l’endroit quand son ventre émit un bruit familier que d’habitude elle faisait semblant de ne pas entendre, de ne pas comprendre. elle fit demi-tour pour ouvrir le frigo, mais celui-ci était si vide qu’elle eut presque mal de regarder. elle pesa une bouteille de lait qui restait, l’ouvrit pour en sentir le contenant, mais ça ne lui inspirait aucunement confiance, elle la reposa et fouilla silencieusement dans les placards jusqu’à tomber sur une boîte de biscuits sûrement rassis, mais qui ferait l’affaire. elle fourra des paquets dans toutes les poches qu’elle avait puis d’une main tant dis ce qu’elle en avalait un, elle écrit sur un bout de papier. « merci » parce que c’est la seule chose qu’elle pouvait lui donner en échange de son hospitalité, sa gratitude. enfin, elle quitta l’appartement et elle fut presque fière de ne jamais regarder en arrière.