FERMETURE DU FORUM
Le Deal du moment :
Cartes Pokémon 151 : où trouver le ...
Voir le deal

Partagez
 

 nuits fauves ) arelius

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité
Anonymous


nuits fauves ) arelius Empty
MessageSujet: nuits fauves ) arelius   nuits fauves ) arelius EmptyJeu 19 Juil - 12:01



au chant des violons, aux flammes des bougies.
@Arelius Bjornson



Clair Obscur.
Agonie du jour.
Ainsi démissionne Sol à l'horizon du globe. Evasion aux teintes désespérées, abdication. Loin des ratiches lupins flanqués à ses trousses. Tandis que s'échoue la toison d'or à l'autre bout du continent, Mani hisse son immaculée rondeur dans le vaste empyrée. Infernal bacchanale. Beauté mortifère dont l'humain s'illustre témoin. Prisonnier d'un règne léonin, Winnie louange les cieux et l'odyssée sempiternelle de ses beaux orbes cobalts. Voûte ébène percée de clarté pointilleuse. Une nuit parfaite! Presque... Bercée d'humeurs cacochymes, la gueule se fend d'un rictus. Une pointe de douleur cisaille sous les côtes. Cage meurtrie que tripotent les précautionneuses phalanges. Le bougre cogne fort... Dantesque surprise au crépuscule des songes. Dans la noirceur dissolue d'un soir d'été,  l'air doux voire tiède se gorge d'un bouquet mortuaire. Le craquement d'une clope ébarbe le monarque silence. Fenrir soupire, meurtrière au bec, gerbant veloutes argentées. Le gosier se boucane de nicotine. Ronronnement muet. Seul avec diane, Winnie s'humecte babines et darde un dernier calot sur judas crevé. Palpitant mort, carcasse figée à ses pieds. L'entrepôt mué en tombeau. Cimetière rubicond où barytonnent les fantômes. Un rouge coquelicot barbouille le béton dans quelques funestes rigoles. Sbire des bas échelons, galeux flatté de trivial pécule et de chimériques promesses. Mouton noir, agneau d'infortune. Gredin embusqué à son propre jeu. Garçon bombardé à sa suite dans moult espoirs. Commanditaire? L'émule bien trop incommensurable. N'importe qui. Les propres siens. La méfiance ceinture cerbère dans un parfum psychotique. Et l'insomnie, elle, devient reine de ses nuits.

Un mouchoir blanc se déloge d’une poche de costard. Outil pour éponger le cruor des mains. Purger le sanglant forfait d’un simple geste.  Tissu souillé retrouvant niche dans la veste. Il serait déraisonnable d’abandonner sa génétique sur la scène de crime… L’aube mettrait en lumière le défunt personnage et l’affaire serait sitôt bouclée au regard du passé carcéral. Routine sarcastique où la deuxième chance n’a lieu d’être. Farce, utopie. L’humanité trop cruelle pour se livrer à pareille bonté. Théâtre politique, illusion pour complaire la plèbe au bas de l'échelle. Naïfs pour suivre...

L'hypogastre dolente au moindre geste. L’épaule souffre tout autant d'un glas émérite. Visite inopinée chez son docteur attitré au lendemain. Le garçon n’y a pas été de main morte pour le boxer. Freluquet bien vite mis à genou aux réflexes hérités d’une tempétueuse jeunesse dans les infâmes ghettos du bout de la ville. Remercier les salvateurs pugilats qui l’ont jadis enhardis ? Il hésite.

A l'exode d'une bancale flânerie, le corbac soupèse réflexion. A mi-chemin de l'usuel parcours, quelle offre rutile? Rebrousser balade? Aboutir au terme? Moduler vadrouille au rythme des humeurs? Claquant finalement talons, fendant l'ombre des muets entrepôts, l'auguste déserte le caveau pour les allées perdues du centre urbain. Peu de monde. Compréhensif. Minuit passé, Babylone somnole à l'eurythmie des paupières closes. Le vétuste luron apprécie cette couture de la ville. La bête au repos. L’énergie drainée au fil nocturne, gonflant le moteur, prêt à glavioter son tintamarre matinale. Aube cacophonique longtemps méprisée.

Alors Wilfred, où ?

Le bar à jazz ? Soif platonique.
Les quais lessivés d’une modeste clarté ? Fréquentation douteuse au soir tombé.
Le théâtre ? A cette heure, il ne peut être qu’ardeur et passion. Malgré la foule éclipsée, les planches tremblent sans doute et encore de chevronnés artistes ?

Le théâtre...
Soporifique, éthylique, un art diluant ses colères jusqu’au nirvana lénifiant. En dehors des spectacles officiels, l’ogre se repaît du climat nébuleux et métaphysique. Transcendance des genres. Comédie, théâtre dont il se sent proche. Lui et sa mascarade. Méphitique simulacre lui léguant, au jour le jour, fébricitantes fièvres. Un jour viendra où Charon aura sa peau...

Clope jetée.
Les gambettes se figent.
Déambulation qui se meurt au seuil de l’édifice. Monument démodé, flétri de ses lucratives parures.  Antique habit chatouillant l’humeur molosse. Se lénifie le myocarde, s’ébaudit le fieffé félon. Un garde ! Maillon perméable franchit sans accroc. Sans  liasse glissée entre paluches corrompues. Une simple et modeste accolade. L’homme est un familier au soir tombé et l’employé, suffisamment prudent pour ne pas se risquer avec le grand patron de l’empire charogne. Winnie s’autorise dans la gueule de Madone. Tel un majestueux roi. Les pans du smoking s'effeuillent dans l'ombre pesante. Dédale des authentiques artères où les pas s’articulent jusqu’à l’homérique berceau : la Grande Salle. Où tremblent les planches, où s’émeut les gradins. Pourtant bien quiet à l’instant. Presque. Quidam actif balayant la scène avec enthousiasme. Une heure du matin, il ne s’étonne malgré tout d’y voir comédien enjoué sur l’estrade grinçante.  

Comme à son habitude, il sillonne les gradins pour trôner en son  giron. Assis, silencieux, le regard coulissant de la scène aux alentours, l’esprit se dulcifie à l’environnement artistique. Souvenir d’une carrière musicale qu’il aurait pu embrasser. Chanteur et guitariste. L’idée navigue à travers la brume de ses pensées dans une vague bohémienne. Douce utopie.

Avec une lenteur exacerbée, le freux s’enfonce dans l’écume de vieux souvenirs et d’incisifs regrets. Oubliant le crime encore frais, ignorant les blessures sous l’étoffe. Bercé par le moindre écho du sacro-saint auditoire, Winnie s'apaise loin des tourments quotidiens.

Éclat terne d'un monarque harassé...



Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous


nuits fauves ) arelius Empty
MessageSujet: Re: nuits fauves ) arelius   nuits fauves ) arelius EmptyJeu 19 Juil - 13:22


nuits fauves
(ft. Wilfred Raynes)
-- -- -- -- -- -- -- -- --
Le silence après le fracas d’une trop longue nuitée d’agitation. J’ai clos les yeux, seul, pied nu en équilibre sur la planche de bois. J’ai clos les yeux pour n’avoir plus pour horizon d’attente que le souffle qu’exhalent mes lèvres. Je connais si parfaitement cet espace scénique, jusqu’aux moindres aspérités des planches sous mon pas. La chaleur du bois me brûle la racine de l’être. Ma cheville est profondément enracinée dans la terre tandis que se déploient les ailes de mon esprit le long de ma colonne vertébrale, rameau soutenant les frondaisons de l’âme.

J’ai tourné les paumes vers le ciel, écarté les bras. La veste noire et austère de mon costume gît sur un fauteuil du premier rang, rejointe vite par le foulard noué sur ma gorge et ma paire de chaussures ; ne me reste qu’une chemise pâle sur le dos, un pantalon pour tout vêtement. La clarté de ma peau luit sous les projecteurs nimbant d’un halo de lune l’étendue du plateau. Le spectacle de ce soir est terminé depuis quelques instants déjà. Je me suis engouffré sur la scène en quête de sérénité. L’on me connaît, l’on sait. Je viens parfois goûter au fruit défendu, à la douce quiétude des temps jadis. J’ai, ici, été Othello, Marc Aurèle et Néron. J’ai ici tué et père et mère. Violé jeune femme, volé jeune homme. J’ai ici brûlé de toutes les passions du monde, enfilé tous les masques jusqu’au plus facétieux. Et je me suis retrouvé, seul au monde, l’assemblée plongée dans le chaos.

Le calme avant la tempête,
me prend et me chavire,
de la tête aux pieds.


Je sens l’étrangeté des élans de mon cœur. Une brume de vermeil et d’or pour me dissoudre l’esprit dans l’être présent. La clarté lactescente d’un astre artificiel me brûle la peau, y faisant naître une étrange rigole de bruine. Mon front s’emperle, et je n’ai pas bougé. Les muscles de mon dos crient sous l’effort, tension parfaite pour se tenir droit. Les omoplates basses, le corps gainé, je tiens la position du crucifix, immobile christ sacrifié à l’éternité. Mis en croix, je médite sur le poids de mes fautes et ressasse chacun des mots échangés avec l’oisillon sur le bord du nid qui m’a tant fait courir dans les rues aujourd’hui.

Une dispute éclate,
l’Oeil noir d’Horus
a consumé nos voix.


L’étincelle poudroie sous ma paupière, je sens naître un éclat profond, de ceux qui vous guident jusqu’à vous jeter au néant. Le texte jaillit sur mes lèvres tandis que s’active mon corps. Je ressens chacune des fibres de mon corps se ployer sous l’effort de l’incarnation, et en un instant, me voici autre. Qui a besoin de magie pour se métamorphoser lorsqu’il suffit que viennent les mots écrits jadis de plume de maître.

« I am that merry wanderer of the night.
I jest to Oberon and make him smile
When I a fat and bean-fed horse beguile,
Neighing in likeness of a filly foal: »

Je m’incline pour devenir ce Puck du Midsummer’s Tale, amuseur des sous-bois, malhonnête saltimbanque du roi des Fées. Je mets au service de l’Oberon in absentia loin de l’espace scénique, mon bras et mes grimaces. L’oeil pétillant, je me fais taquin et donne à entendre le hérissement d’une jeune pouliche à même de charmer le cheval le plus alangui pour le bon plaisir de mon prince.

« And sometime lurk I in a gossip's bowl,
In very likeness of a roasted crab,
And when she drinks, against her lips I bob
And on her wither'd dewlap pour the ale. »


Je deviens aussitôt la pomme cuite au fond d’une tasse de thé roulant contre ses lèvres pour répandre sur son sein le taquin breuvage. Vague des bras, vague du corps, la colonne se ploie et se déploie sous les contorsions du prince des fous. Je n’ai besoin d’aucun costume pour faire scintiller l’oeil de malice, et rajeunir les traits tantôt graves, tantôt enfantins du terrible amuseur de foules.

« The wisest aunt, telling the saddest tale,
Sometime for three-foot stool mistaketh me;
Then slip I from her bum, down topples she,
And 'tailor' cries, and falls into a cough; »


Dernière métamorphose, le corps se voûte pour accueillir le pas d’une matrone sage sur le dos : je me dérobe sous elle, et sa carcasse tombe au sol, sous l’œil de l’assemblée hilare. La fierté se lit sur mon trait d’espiègle farceur, le nez se retrousse pour se gausser avec l’assemblée d’une fieffée félonie.

« And then the whole quire hold their hips and laugh,
And waxen in their mirth and neeze and swear
A merrier hour was never wasted there. »


L’enfant terrible laisse ses dernières paroles sonner comme une menace. Bientôt les farces les plus terribles vont s’abattre sur le public, cette assemblée noire que nul ne peut voir lorsqu’il a les yeux scellés pour ne se concentrer que sur son être. Puck, lentement, s’éloigne de moi. Vient alors dans mon être la voix de l’auteur lui-même. William Shakespeare résonne d’une voix alanguie : l’adieu se fait dans la douceur des rimes, le congé à la scène et aux tourments de la nuit brûle d’une flamme pleine et vive :

« Farewell! thou art too dear for my possessing,
And like enough thou know'st thy estimate:
The charter of thy worth gives thee releasing;
My bonds in thee are all determinate. »


Adieu, belle dame, adieu bel homme, adieu belle amante de la scène, Dame inspiration qui m’offre la pleine capacité de devenir réceptacle de tes personnages ; toi qui sait si bien ta valeur et ta préciosité, tu me laisses désormais revenir au néant en me déchargeant de mes lourds masques du quotidien. Puck, en me quittant, emporte avec lui l’ivresse de mes doutes.

« For how do I hold thee but by thy granting?
And for that riches where is my deserving?
The cause of this fair gift in me is wanting,
And so my patent back again is swerving. »


Je n’ai sur toi aucun droit que celui que tu me donnes. Ta main seule me laisse exécuter les tours de passe-passe que chacun voit sur scène. Je suis un et autre, je suis seulement ce que tu décides de confier à mon âme. Réceptacle de chair pour des histoires éternelles pavées de l’immuable altérité de mon âme. Identité double, triple, masques multiples chaque fois jetés sur le bas-côté. Jamais je ne suis si vrai avec moi et avec le monde que lorsque j’incarne.

« Thyself thou gavest, thy own worth then not knowing,
Or me, to whom thou gavest it, else mistaking;
So thy great gift, upon misprision growing,
Comes home again, on better judgment making. »


Mais toi, Dame de talent, Dame Inspiratrice, Muse : ne t’es-tu donné à moi par erreur ? Ne m’as-tu guidé sur la scène par le hasard des rencontres ? Spectacles vus, vibrance éternelle des représentations, et je m’épanouis comme un saule à l’ombrageux ramage sur les planches. Ce talent que tu me confères, tu le reprends à présent que mon âme apaisée a retrouvé sa juste valeur. Tu te dérobes à mes doigts, échappe à mes mains, file papillonner vers d’autres acteurs plus méritants que moi. J’ouvre enfin les yeux, porté par les échos mourants des derniers vers du quatre-vingt septième sonnet de William Shakespeare.

« Thus have I had thee, as a dream doth flatter, 
In sleep a king, but waking no such matter. »


Je t’aurai possédée, comme dans l’illusion d’un rêve : roi dans le sommeil, mendiant au réveil.

Je m’éveille enfin de la fureur et des échos. Je demeure immobile sur les planches, l’oeil brillant sous le feu des projecteurs, l’être encore tout empli du poète et dramaturge. Je suis lui et moi dans le même vacillement, puis il s’éloigne, me laissant à nouveau tout entièrement Arelius Bjornson, vieil acteur devant s’improviser père de substitution pour une étrangère. Mes doutes se sont délités dans l’éther, et ce n’est qu’en ramenant mes mains à hauteur de visage, paumes tournées vers mon regard que je devine entre mes doigts écartés et tremblant le frisson d’un regard jeté sur moi.

La question jaillit
d’entre l’ébène de la lumière ;
sans certitude d’une altérité présente.


« Qui que vous soyez, viendrez-vous dans la lumière ? »
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous


nuits fauves ) arelius Empty
MessageSujet: Re: nuits fauves ) arelius   nuits fauves ) arelius EmptyJeu 26 Juil - 10:57



au chant des violons, aux flammes des bougies.
@Arelius Bjornson




Pan arbore. Pan s'éventre.
Chrysalide en miettes à l’ostentation rocambolesque. L'humain se soustrait par-dessous les mimésis de Dionysos. Bataclan de vétuste chêne sous la salve parnasse. Sylvanus tremble d’émoi.

Dans l’odyssée de ses billevesées, le badaud est lui-même surpris. Déchaumé de sa torpeur, effeuillé du flirt avec Morphée. Les prunelles tressautent au Sacro-Saint croquis qui s’ébauche quelques gradins en dessous. L’humain, fugace et cruel, monstre surplombant la faune. Franchissant à l’instant les frontières du réel. Entropie, transgression des lois physiques. Dieu, ou ce qu’il en est, fendant les cieux pour braconner cerce temporel en la modique forme humaine. Craquement de chair et d’os. Cantique mortifère à l'éveil d'une belle chimère.

Winnie tremble.
Remue sur son siège dans un scabreux élan.
Igné frisson rampant sous l'échine, un suaire perle la tempe à l’insolite prélude d’un irrationnel talent. A moins qu’il en soit tout autre ?

Une sensibilité coupable ? D’un bouquet encore frais et sanglant mâtinant paluches, la crevaison d’une âme, le forfait accompli quelques cycles plus tôt aurait excavé quelques portes immuables ? Le palpitant chevrote encore d’un mortifère bacchanale. D'un naufragé en plus dans l'empire moribond sur lequel règne le turpide félon. Echo mortuaire forant la noirceur encéphalique. Hurlent les morts aux rougeurs de l'injustice.

Winnie admire.
L’homme, si homme il est…
Pandémoniaque boléro dans lequel il s'abîme.
Beauté méphitique gerbant fantasmagorie sur les augustes planches. L’écho des fractures. D’un corps mis à rude épreuve. Beau, fragile. La conclusion roule dans son crâne comme une inéluctable évidence.

De l’apothéose à la péroraison, la nébuleuse se dissout comme poussière au vent. Le bois tuméfié se rabiboche d’une valse traumatique. Faraud sur son trône, le silence reprend couronne et sature l’amphithéâtre d’une vaporeuse aubade. Winnie est gueule bée. Trémule t’il que l’ombre épaisse ne permettrait d’en deviner le moindre séisme. Moiteur sous l’étoffe. Chaleur inopinée. Les poumons se tapissent d’un indescriptible malaise. Liesse ? Fiel ? Affliction ? L’humeur demeure hermétique à toute analyse.

Winnie s’intrigue.
Désir concupiscent rongeant le derme. Indécent timbre qu’il souhaite entendre encore moissonner la salle et – de surcroît – son âme. Mutisme persistant. Le corbac a tout loisir de caresser la scène d’une fortuite curiosité. Génie qui es-tu ? Malgré la distance, la maturité de l’artiste apparaît évidente. Rides saillant le galbe, silhouette sobre et svelte. Difficile d’associer l’auguste enchanteur à cette commune allure. Mais l’habit ne fait pas le moine.


Enfin, le fieffé dévot de Shakespeare s’exprime. Cerbère frémit.
Grillé…
Sans chercher l’éclipse absolue, il aurait souhaité la transparence. L’oubli, tel un personnage secondaire. Rédemption en arrière plan pour changer de son infernal quotidien. Blandices et odalisques galants dont il se las. Pauvre roi harassé….

Que faire ?
Morsure du labre. L’irritation distille son venin jusqu’aux ratiches pointues. Se crispe le tendon de la broussailleuse mandibule. Doit-il ? L’ombre lui sied comme la pelote au chat. Les babines se sculptent d’un rictus. La politesse l’emporte finalement sur le bienheureux confort.

Lenteur exacerbée. Articulation des os et des muscles dans une pâteuse farandole. Colosse se hissant de son trône pour racler l’ombre d’un pas lent et mesuré. A mesure qu’il se rapproche de l’estrade, le damoiseau s’élucide de ses plumes virginales. Gabriel ressuscité ? Tout du moins, ce qui s’en rapproche. Un regard hyalin échoué sur l’ossature dominant la scène, Winnie se fige à l’orée lumineuse. Juste assez pour deviner sa silhouette. Bête qui n’ose un pas dans le nitescent poudroiement. Angoisse de mettre à nu son horreur. Masque fragile enfilé dessus la défiance des sens. Fragrance métallique chatouillant son museau au sang sacrifié plus tôt.

Clap.
Clap.


Eurythmie de phalanges louangeant l’ondin pâlot.

« Shakespeare aurait incliné l’échine à son héritage si habilement ravivé… »

Murmure. Roulade hommasse dénotant le sexe de l’intrus. Homme. Mature. Éloquence chevronnée. Des années de labeur acharnée pour parfaire l'accent volubile. Non pas un jeune délinquant venu semer la géhenne dans l’antique lieu. Shakespeare, connaissance comme inexorable preuve aux possibles doutes qui l’incriminent.  Familier des prestations théâtrales, cette trogne lui est pourtant inconnue.

« Je n’ai cru vous apercevoir dans les dernières représentations… »

Un professeur nostalgique ? Un fossile ambitieux ? Ou simplement un roméo des planches ? Possibilités multiples. Molosse siégeant l’abysse en épluchant l’intriguant d’une œillade inquisitrice. Longtemps il n'a été assiégé d'une aussi douce curiosité.



Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité
Anonymous


nuits fauves ) arelius Empty
MessageSujet: Re: nuits fauves ) arelius   nuits fauves ) arelius EmptyVen 27 Juil - 3:21


nuits fauves
(ft. @Wilfred Raynes)
-- -- -- -- -- -- -- -- --
L’ombre tremble encore, se love aux frontières de la lumière éclatée en une large tache sur les planches. Ma propre silhouette d’ébène se découpe sur l’if, le chêne et les essences mêlées de ces lattes de bois qui dansent sous mon pas. Je les ai faites vibrer mille fois sous mon poids et sous celui de mes personnages. Alter-ego frissonnants dans l’espace de mon corps, dans celui de la scène et dans l’oeil des spectateurs. J’ai laissé mon être possédé par d’autres, je l’ai abandonné sur le bord de la scène, lové dans les coulisses, et me voici présent au monde, profondément enraciné dans ma personne alors même que je l’ai mise à distance.

Incarner l’autre,
un chemin inouï
vers soi.


Le papillon se pose sur ma peau, un frisson imperceptible d’avoir joué. D’avoir été tout autre pendant quelques instants. L’impression étrange de puissance, de grandeur, de facétie qui brûle sous mon pas. Je n’ai pas bougé, mains devant le visage, à bonne distance, comme pour retirer un masque invisible. Mouvement lent du poignet, bras tombant avec douceur le long d’un corps encore enfiévré de l’effort, une perle roule sur ma tempe et s’en vient longer la ligne de ma mâchoire jusqu’à se perdre dans le pli de l’étoffe. Il n’est plus beau corps que celui qui s’est ployé sous le poids de l’autre. C’est ce que j’aime voir quand je vais au spectacle : l’acteur qui s’oublie et ne fait plus qu’un dans cette transe magnifique, avec l’esprit qui le possède. C’est ce que j’aime endurer lorsque je me tiens dans l’espace de ces planches. Un oubli total et absolu, un corps sacrifié au noble art vivant.

L’impression d’avoir été observé par un public fantôme n’a été qu’une intuition courant à la lisière de mon âme, ce fin souffle posé sur ma nuque, le poids infime de ce regard jeté sur mon corps et sur mes gestes. Je demeure incertain, fixant les ténèbres, aveuglé par la clarté diurne des projecteurs tournés vers moi, savourant presque la brûleur de leur éclat sur ma peau. Il me semble voir, par delà la frontière du visible, une noirceur s’agiter au milieu de la pénombre. Presque un mouvement, le fantôme d’un pas claquant sur la moquette de la salle de spectacle. Sièges vides, sauf un. Sièges vides, sauf celui qu’a occupé encore le spectre de l’opéra.

En contrebas de la scène, j’aperçois le frémissement de sa silhouette. Aussi légère qu’un rêve.

L’ombrageuse image rêvée,
danse sur mes paupières
à l’éveil.


Le crépitement distinct de deux applaudissements secs avant que n’affleure la douce gravité d’une voix. Maîtrise étonnante, enroulement posé et ô combien envoûtant dont les accents se répercutent dans l’espace. Entendre sans voir alors qu’on est soi-même vu. Tout l’artifice du théâtre, tout le poids de l’acteur qui se donne en spectacle sans pouvoir être lui-même le spectateur de son effet. Il faut ressentir le vrombissement sourd des émotions du public. Jauger la salle, jauger l’énergie qu’elle dégage. Chose ô combien ardue lorsque l’espace est si vide. Une flamme noire seule au milieu des gradins plongés dans la pénombre.

Il s’est avancé jusqu’au bord de la scène, l’homme qui m’applaudit, encore nimbé de ténèbres ; je ne devine rien de lui sinon une silhouette grise sur fond d’ébène. A nos pieds, le Styx. La bordure de scène, de l’ombre à la lumière, des hauteurs des planches jusqu’aux bas-fonds de la fosse. Je m’agenouille avec grâce et m’assois souplement sur le rebord de l’estrade, jambes dans le vide légèrement entrouvertes. Un enfant sur le rivage. Mon visage est presque au niveau du sien, et nous ne sommes désormais plus si loin l’un de l’autre. Assez proche pour que je puisse le toucher. Je respecte sa volonté de n’être pas vu tant que les dernières volutes de l’âme de l’auteur anglais s’étiolent autour de moi. Je tends le bras et le plonge dans les ombres en me penchant vers lui. Une partie de mon visage quitte la lumière quelques instants et je devine le long de ma joue un souffle. Mes doigts tâtonnent le long de la silhouette grise jusqu’à frôler une main et se refermer sur elle, attirant vers l’éclairage des lampes cette unique preuve de l’existence du fantôme de ces lieux. Je laisse vibrer la douceur des derniers mots de Shakespeare dans l’air. Une frissonnement ultime avant qu’il ne s’échappe totalement pour me laisser seul avec moi-même… et avec cet inconnu dont j'ai amené la main dans le faisceau de clarté, contact chéri à cet instant de pure communion entre les deux rives du Styx. Les morts et les vivants. La scène et la salle. La voix du mort ars les oreilles du vivant dans une douce mélopée au timbre grave.

« Tired with all these, for restful death I cry,
As, to behold desert a beggar born,
And needy nothing trimm'd in jollity,
And purest faith unhappily forsworn,
And guilded honour shamefully misplaced,
And maiden virtue rudely strumpeted,
And right perfection wrongfully disgraced,
And strength by limping sway disabled,
And art made tongue-tied by authority,
And folly doctor-like controlling skill,
And simple truth miscall'd simplicity,
And captive good attending captain ill:
Tired with all these, from these would I be gone,
Save that, to die, I leave my love alone. »


[Lassé de tout, j’invoque le repos de la mort : lassé de voir le mérite né mendiant, le travail tourné en dérision, et la foi la plus pure douloureusement violée, l’honneur d’or honteusement déplacé, la vertu vierge brutalement prostituée, le juste mérite à tort disgracié, la force paralysée par un pouvoir boiteux, l’art bâillonné par l’autorité, la folie – vêtue en docteur – contrôlant le talent, et la simple loyauté traitée d’imbécilité, et le Bien captif serviteur du Mal. Lassé de tout cela, je me soustrairais volontiers si pour mourir je ne devais laisser seul mon amour]

Les derniers feux se sont éteints, et je demeure seul, pensif, l’écho de ma voix résonnant pour ce seul spectateur dont j’ai emprisonné la main. Je me résous à laisser aller la brume de ses doigts dans le néant en desserrant ma prise. L’emprunte de la brûlure de la scène sur sa paume. La légèreté de sa présence sur la mienne. Un imperceptible frémissement. Douceur de la voix, sourire fin planant sur l’écho de mes lèvres, je scrute avec intensité les ténèbres devant moi, comme pour en capter la forme invisible. J’aime jouer. Pas seulement sur scène : de tout. De cette présence, de sa timidité à venir sous l’astre brûlant des projecteurs.

« Je ne mérite sans doute pas si dithyrambique applaudissement. Je m’appelle Arelius Bjornson, et il est, en effet, peu probable que vous m’ayez vu dans les dernières programmations de cette salle. Voici trois ans que je n’y avais plus joué devant un public. »

Le sourire s’élargit avec douceur. Il est mon public de ce soir, public involontaire happé par l’échiquier implacable du jeu scénique. Un public que je devine exigeant à l'onde de son timbre. Cela me sied. Cela m'agrée. J'aime les esthètes. J'aime les hommes du monde. J'aime les hommes sûrs de leurs goûts. J'en suis un moi-même, après tout.

« Mais vous avez probablement croisé de mes élèves si vous êtes venu voir En attendant Godot la semaine dernière. »

J’ai encore dans la paume le frémissement de sa peau : une tendresse de glace au creux des lignes de ma main.

« Je me demande bien quels chemins ont pu vous guider jusqu’ici à cette heure avancée de la nuit. J’entends les échos de l’insomnie dans vos pas, de la lassitude, peut-être de la tourmente. Quel spectacle pourrait bien apaiser votre âme, ici et maintenant ? »

L'ombre d'une question étend ses ailes. Que désires-tu voir ?
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé



nuits fauves ) arelius Empty
MessageSujet: Re: nuits fauves ) arelius   nuits fauves ) arelius Empty

Revenir en haut Aller en bas
 
nuits fauves ) arelius
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» les nuits fauves
» (amour) nuits fauves - 1/1
» arelius | whispering in the silence
» (15/08) Arelius Bjornson & Veredis Fjalarsdottir
» reed ) les nuits du papillon.

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
sous les étoiles. :: ÉCLIPSE :: Anciens rps-
Sauter vers: