j’en ai perdu mes mots, ils ont voulu tout me voler ☽ (wes)

- la tête tournée vers les étoiles -

I WAS BORN TO BE SOMEONE ☽ l’aube se lève, la lune laissant place à l’astre flamboyant qui entame sa course à l’est et qui finira d’ici une dizaine d’heures à l’ouest, replongeant à nouveau le côté d’un monde dans la noirceur de la vie. un cri s’élève, un cri de torture, quelque chose d’atroce qu’elle ne pouvait contenir, une torture qu’elle ne considère alors pas totalement comme une souffrance. elle l’appelle, cet homme qui est une partie de ce si petit être qu’elle possède en elle, qu’elle aura porté jour et nuit depuis de nombreux mois, elle tente de pousser sur sa voix, mais elle ne crache que quelques chuchotements dûs à la veille où ils ont tous deux crié, cherchant l’un et l’autre à se faire entendre ; évidemment, il a gagné dès qu’il a commencé, à nouveau, à lever la main. elle dépose ses doigts gelés à droite sur une couche froide. il n’a pas dormi cette nuit, en tout cas, pas dans ce lit, il a dû boire la bouteille entière de pinard qu’il avait déjà commencé à s’enfiler la nuit dernière ; néanmoins, le côté du lit où elle avait dormi était mouillé, signe qu’elle avait perdu les os. elle l’entendait ronfler, lorsqu’elle se concentrait un minimum, dans le canapé saccagé de coups de griffes du chat de la voisine, dans le salon, son nouveau lieu de vie. un brouillard de fumée toxique avait prit forme dans cette sombre pièce, peu lumineuse pour un appartement pourtant assez haut, si bien qu’en attrapant un manteau, la table frappa son ventre déjà douloureux. elle peinait à se repérer entre les différents cartons déballés et en vrac depuis des mois, elle cherchait à se faufiler jusqu’à la porte ; pieds nus, elle marche sur un bout de verre qui lui taillade la plante. elle attrape des baskets d’une main tandis que dans l’autre, elle tient son téléphone fermement, le doigt prêt à appuyer sur le nom et le numéro qui s’affichent, elle prend ses clés de maison et ferme la porte derrière elle. avant qu’elle ne puisse insérer quoique ce soit dans la serrure, les caroubles s’écrasent au sol dans un bruit sourd. elle n’a en rien la force et le pouvoir de les ramasser, le sol lui semble alors si loin, si bas. tant pis. elle porte le téléphone à son oreille et entreprend de descendre une à une les marches des escaliers. toutes les dizaines, une douleur atroce la fait s’arrêter. cinq étages. quelle idée insensée d’avoir à se précipiter alors que le monde dort encore tandis que le silence assourdissant augmente son stress et que l’ascenseur à décidé de tomber en panne la semaine dernière. elle pousse la porte délabrée du rez-de-chaussée de la cage d’escalier puis deux autres portes avant de pouvoir s’engouffrer dans le froid mordant. ses pas sont rythmés à la fois par ses douleurs et les grelottements de son corps. les battements de son coeur se font de plus en plus rapides à mesure qu’elle approche une voiture noire. un homme, élégamment habillé, lui ouvre la portière arrière et l’allonge. il se précipite à l’avant et démarre en direction de l’hôpital le plus proche. tant de choses lui passent par la tête, mais il se tait parce qu’il sait qu’elle n’a pas besoin de cela en ce moment. elle lâche un hurlement une rue avant le dispensaire ; la surprise fait freiner la cabriolet qui évite de peu de voler dans le décor. elle percute néanmoins ce qu’il l’empêchera de poursuivre sa route. le prince charmant s’évade et trime pour aller chercher la souffrante qu’il va porter alors jusqu’à l’endroit où l’on soigne la source de nos maux. le voyage long, ardu et solitaire se finira alors sur un brancard et des infirmiers.
la patience. c’est ce qu’il faut avoir dans ses moments. quelque chose qu’il possède contrairement à celui qui vient tout juste d’ouvrir ses yeux, le visage caressé par les doux rayons du soleil qui s’éteint paisiblement. il se rend bien compte qu’elle n’est plus là, qu’elle a disparu, celle qui porte un nouvel être. le crâne qui bourdonne, les fringues de la veille sur le dos, il trouve le trousseau en quittant l’appartement misérable, il se dit qu’elle n’a pas dû aller bien loin. il peste et gueule dans l’immeuble, éveille quelques doux esprits et se met à courir jusqu’à trouver à son tour ce froid qui pénètre jusqu’aux os. des traces de pneu au sol qui n’étaient pas là la veille lui fait comprendre aussitôt la situation. situation qui le mettra bien rapidement en rogne. il marche ; marche vite ; cours ; sprint. le dit bâtiment s’élève devant lui, et à gauche, une bagnole qu’il connait que trop bien fume dans un poteau en ferraille. le rythme effréné de sa course le mène jusque dans les couloirs. il en fera alors quelques étages, le visage rouge de haine, les yeux furibond. jusqu’à le voir lui avec un être peu familier dans les bras. mais il est pas con. il sait quelle est l’identité de la tête du gamin qu’il tient entre ses mains. il le voit lever la tête et donner l’enfant à elle, celle qu’il dit aimer. une fureur incompréhensible l'envahit et il court, saute puis s’acharne sur cet homme qui veut si bien faire. le visage défiguré à ce jour, celui qui aurait pu être le père de wes aura lors survécu à un bien mauvais quart d’heure.

HOW COULD YOU LEAVE US ☽ elle ne tenait plus. elle ne supportait plus tant de violences. elle était pourtant si douce, l’allégorie de la pureté aux yeux de ses proches. elle subissait les coups, devenus plus nombreux encore depuis la naissance de leur fils. depuis que le père avait revu cet homme à qui il a défiguré le visage. il lui reprochait toutes les petites choses du quotidien parce qu’au fond de lui, il souffrait. il ne commençait déjà à ne plus la considérer comme une véritable femme mais plutôt comme un objet. les journées s'enchaînent et tandis qu’un bleu s’effaçait sur sa peau, c’était quelques nouvelles plaies qui venaient fendre l’épiderme, laissant alors couler le sang le long de son corps si innocent ; elle ne supportait plus les coups, c’en était trop. il y avait ses parents, ceux qui étaient censés la soutenir. ceux qui avait préféré déserter pour les états-unis plutôt que la petite france. il y avait ses proches qui avaient finis par lui tourner le dos, de peur de subir la colère de son compagnon. tous ces gens qui ne souhaitaient plus la voir, à toujours trouver des excuses pour ne pas la voir. il y avait ce psychologue qui l’aidait à se sentir mieux. lui, il n’a pas déserté. il ne lui a même pas tourné le dos, non. il a fait pire que cela ; nouveau choc émotionnel pour la demoiselle qui avait subi un viol d’une atrocité immense. elle était rentrée en larmes. il lui avait demandé ce qui n’allait pas. elle n’a rien dit, de peur qu’il aille tuer cet homme et il a gardé toute cette souffrance pour elle. ses journées devenaient alors rythmées par des journées à s’occuper de son fils afin d’éviter qu’il pleure et qu’il n’éveille la colère de la bête, par les coups et les pleurs le soir, seule, dans son lit tandis qu’il devenait, verre après verre, plus ivre que jamais. c’était sa façon d’oublier cet homme qu’il avait tabassé et qui hantait ses rêves les plus sombres.
ce n’était pas le moment. elle était bien trop jeune. c’était un jour anodin pour le gamin qui approchait la dizaine d’année. le soir d’halloween. son père refusait formellement qu’il participe à cette fête qu’il disait stupide. il n’en comprenait pas l’intérêt. mais ce soir là, il l’avait laissé y aller, après les cris entre les deux adultes et quelques coups. en vérité, il n’avait pas dit oui. il ne l’avait même pas insinué. mais wes, il avait peur, peur de prendre encore des coups. alors, recroquevillé dans un coin du salon, près de la chambre, il avait filé dans cette pièce, laissant ses parents s’entretuer. il avait été si lâche ce soir-là. encore aujourd’hui, il s’en veut tant. il avait ouvert la fenêtre et avait totalement désescaladé l’immeuble. cinq étages. lui aussi, il se le demandait : quelle idée insensée de vivre si haut. il avait réellement tout descendu, mais pas sans mal, au contraire ! nombreuses ont été les fois où il avait cru qu’il allait tombé et d’une façon ou d’une autre, ça ne lui aurait pas déplu parce qu’il ne savait pas encore ce qui l'attendrait en rentrant. à la fin pourtant, il était tombé, sur le flanc en plus. il s’était relevé sans sentir grande douleur et avait profité du fait qu’il soit désormais en bas pour aller fêter halloween. le coco, il était déjà dans son élément, il était taché de sang, des cernes jusqu’aux pieds et il boitillait légèrement. à ce moment-là, on aurait dit un mort-vivant. célébrer cette fête unique en son genre, cela lui avait suffit comme cadeau d’anniversaire. et quand tous les enfants furent rentrés, après que les bonbons de la récolte qu’il avait faite lui ait servi de repas, le gamin gringalet se précipita chez lui, aussi rapidement que son corps le lui permettait. il montait les marches d’escalier deux à deux ; il croyait ressentir comme une sorte de pressentiment qui lui donnait une adrénaline incontrôlable.
il était arrivé sur le palier, la porte légèrement ouverte. inquiet, il poussa celle-ci, et il n’y avait absolument personne. la peur envahissait alors tout son corps tandis qu’il avançait à tâtons dans le lieu où il vivait. autour de lui, tout semblait avoir été saccagé, comme si des voleurs étaient venus piller ses biens. après s’être assuré qu’il n’y avait personne dans le salon, il s’était précipité sous le lit double où lui et sa mère dormaient chaque nuit pour aller chercher ce à quoi il tenait plus que tout au monde : il s’agissait d’un mignon lapin blanc en peluche. fort heureusement, celui-ci semblait ne pas avoir bougé. mais en regardant en face, la vue donnait sur la porte entrouverte de la salle de bain. une porte maculée anormalement de tâches rouges en forme de main. quelque chose qui mit la puce à l’oreille du petit fugitif qui s’y précipita. à l’intérieur de celle-ci, sa mère était adossée au mur, l’air inconsciente. “ maman ? ” qu’il demanda. elle ne répondit pas. il insista. “ maa-man ? ” elle ne répondait toujours pas. alors il s’est approché et lui a doucement secoué la tête. elle avait les mains rouges, les mains recouvertes d’un sang qui ne semblait pas tellement être le sien. ou alors, c’était le sien, mais il n’y avait pas que lui. “ maman ! ” redemanda-t-il, commençant à s’inquiéter. il la secoua à nouveau et un petit bruit se fit entendre. de sa main gauche venait de tomber une plaquette. il les reconnaissait. ces médicaments qu’elle utilisait contre sa dépression. il n’avait jamais su les effets réels qu’ils avaient. mais la plaquette vide, jadis pleine. plaquette qu’elle avait dû terminer. et tout s'enchaîna dans sa tête lorsqu’il comprit. s'ensuivit cris et pleurs. poings dans le mur et haine profonde. elle ne devait pas mourir. pas en ce jour si important à ses yeux qui deviendra alors un jour de recueil plus qu’un jour de fête, à l’avenir.

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