ivre de tes rêves. (aran&leo)

elle ne veut pas y réfléchir, elle ne veut pas y penser trop longtemps. elle agit avant même de comprendre ce qu’elle est en train de faire. au début, elle se demande même qu’est-ce que ce bruit qui sort de nulle part ? avant de se rendre compte que c’est elle qui fait ce boucan. que c’est son hurlement, sa voix. qui résonne dans l’obscurité. elle se tait dès qu’elle comprend. elle ferme la bouche immédiatement, son cerveau tourne à plein régime. qu’est-ce qu’il m’a prit putain ? c’est à cause de lui. tout est de sa faute à lui. elle n’aurait jamais ouvert la bouche pour émettre un son s’il ne l’avait pas glissé sur son épaule pour la kidnapper. bordel, pourquoi ce fou furieux veut-il la ramener chez lui ? pourquoi ne peut-il pas la laisser crever de froid et de faim dans la rue ? elle pose les doigts sur ses lèvres soudainement beaucoup plus calme, les coups de poings ont cessé, les gesticulations aussi. elle avait pas entendu le son de sa voix depuis tellement de temps, et de ses cris encore moins. elle a pas les moyens d’y penser vraiment, elle se sent tomber c’est aran qui pour la faire taire lui plaque la main sur la bouche. elle voit dans ses yeux qu’il est surprit, il ne s’attendait certainement pas à ce qu’elle se débatte de cette manière. ça ne devait même pas lui avoir traversé l’esprit. mais après la légère surprise, son visage se transforme, ses yeux brillent d’une lueur nouvelle. elle sent un mur derrière son dos, le haut de son crâne tape contre le béton dur et elle grimace tant dis ce que lui sourit comme un idiot. il a gagné une bataille en la faisant crier, mais pas la guerre. et elle compte bien le lui faire comprendre. « tiens ça y est, tu l'ouvres. » le regard de la blonde est aussi noir que la nuit sans étoile qui les entoure. mon dieu, elle aimerait lui faire avaler ses dents et ses fossettes. son bras contre la poitrine de la gamine l’empêche d’esquisser le moindre geste, de toute façon elle a arrêté de se débattre depuis un moment. elle a pas envie d’être ici, elle a pas envie de le suivre. « le soucis c'est ce que t'as pas le choix. » comme s’il lisait dans ses pensées, il attend d’elle qu’elle se montre conciliante, docile. qu’elle se plie à ses règles. la gamine réfléchit à ses options, il ne lâchera pas l’affaire, c’est le genre de gars qui obtient toujours ce qu’il veut peu importe le prix. et aujourd’hui, il la veut elle. elle pousse un soupir profond, comme pour signer sa défaite, elle lève les mains paumes face à lui en signe de capitulation. son regard qui dit : lâche-moi maintenant, c’est bon. elle le suivra si c’est ce qu’il veut vraiment, mais comme la dernière fois au petit matin, elle se barrera.

son cris, sa voix contre la violence encore une fois. maitresse de cérémonie de tous ses faits et gestes, il sourit l'ingrat, croyant de façon puéril qu'elle recommencerait rapidement. pas tout de suite peut-être, mais cela le conforte dans l'idée qu'elle est la seule inquisitrice de ce mutisme. son sourire reste imprégné sur son visage un long moment, trop long sûrement et ça la rend plus ténébreuse qu'à l'habitude. il voit la surprise dans son regard à elle aussi, ses pupilles se noircissent, son visage lisse devient presque menaçant à son égard, mais elle cesse de se battre. il sent son corps capituler, desserrer ses poings, ses bras pour enfin se calmer malgré la rage qui sommeille en elle. forcée, amenée de force jusqu'à chez lui de façon non consentie, aurait-il raté une étape ? sûrement, mais il s'en moque éperdument. son impulsivité aura un jour raison de ses vices. son bras est encore engourdi par le combat, sa mâchoire douloureuse et les hématomes se transforment en tâches bleutées sur sa nuque et ses épaules. chaque fin de combat est une épreuve, que son corps évacue trop lentement à son goût. sa peau parle pour lui, lui qui ne laisse rien transparaitre sur son visage rongé par les cicatrices s'effaçant au fil du temps. pas de carnet, ses mains reste silencieuses pour une fois, n'ajoute rien à son monologue et semble capituler. il sait que cet état désœuvré ne durera pas sur la longueur. alors il retire sa main de sa bouche et son sourire, relâche son emprise petit à petit et en laissant sa main voguer sur sa joue pour remettre une mèche doré derrière son oreille. « tu dois te souvenir du chemin » ton interrogateur, il indique le bâtiment, le trajet à suivre d'un geste de la tête. il aimerait lui dire que c'est pour son bien, que son obstination à vouloir rester dans la rue est vaine, avec lui. la seule faute qu'elle est commise est bien de l'avoir croisé sur sa route. lui, le gamin des rues devenu un meurtrier paranoïaque et entêté, privé d'attention depuis trop longtemps probablement. il pousse légèrement son bras pour qu'elle avance, marchant à sa suite dans la ruelle sombre et silencieuse. leurs pas résonnent sur l'asphalte et le vent s'anime tandis que la pluie s'échappe vers le nord. ils sont proches, et lui la regarde faire du coin de l'œil, captivé par le moindre geste et à l'affut d'une énième fuite de sa part.

les mains levées en signe de capitulation, il finit par la lâcher content de savoir qu'elle vas pas se barrer. « tu dois te souvenir du chemin. » il se moque, ça le fait sourire, le petit con, elle le déteste. plus agacée que jamais la gamine a quand même décidée de capituler pour une fois, pour une soirée parce qu'elle sait au fond d'elle qu'elle se comporte comme une idiote. ce type lui propose un toit et il ne semble rien vouloir d'elle en retour pourtant elle se terre dans ses retranchements refuse de lui dire oui. refuse d'accepter l'aide de qui que ce soit, elle a toujours été indépendante, elle ne veut pas se risquer à l'oublier. vivre à la merci de quelqu'un, même de quelqu'un de bien. et puis, il y a la pluie qui menace d'exploser à nouveau au cours de la soirée, elle se dit que dormir au chaud pourrait ne pas lui faire de mal, il y a le carton, et les couvertures humides qui l'attendent plus loin alors qu'elle a encore le souvenir de la dernière nuit chez lui, au fond de ses draps chauds. elle avance jusqu'à la porte d'entrée, elle attend patiemment alors qu'il déverrouille celle-ci, un regard toujours vers elle comme si elle comptait encore s'échapper. elle le suit à l'intérieur après un regard prolongé sur le mur en face d'elle où trône encore son audace de la dernière fois, elle se décide à faire comme chez elle, peut-être qu'au moins cette fois, il aura la bonne idée de la virer. si elle se comporte comme une de ces foutues invitées détestables peut-être qu'il pourra plus se la blairer et qu'il la mettra dehors à coup de pied. elle commence par la chambre, elle attrape des vêtements secs à lui puis sans un regard pour sa personne, elle s'enferme dans la salle de bain. l'eau chaude est une bénédiction, un plaisir qu'elle ne se permet pas de négliger, elle reste une bonne demi-heure sous le jet. les cheveux mouillés, la peau rougie, elle sort de la salle d'eau. le gars est toujours planté là. évidemment puisque c'est chez lui, elle se demande s'il va encore dormir sur le canapé, il est bien trop petit pour un gabarit grand comme le sien. mais après tout, elle devrait s'en ficher c'est lui qui s'inflige ça à vouloir la faire dormir là. elle ouvre le frigo, toujours vide. elle grimace. se retourne pour l'observer et d'une voix rauque, mais assurée, elle lance : « faudrait peut-être penser à acheter à bouffer. »

elle n'a rien de normal leo, puis déjà qu'est-ce qu'elle peut bien foutre dans la rue ? il ne connait pas son âge, mais derrière la couche de grasse masquée sur son visage, ses traits de poupée n'ont rien de mature. trop blonde, trop jeune, trop pure pour être salis à ce point. en la regardant s'éloigner, bras levés, c'est enfin cette pensée qui lui traverse l'esprit, pourquoi se foutu caractère dans une corps si frêle. elle fait face à chaque instant, toujours sur la défensive, et même si les manières du garçon sont loin d'être adéquates, elle reste constamment sur ses gardes et agressive comme un chaton sauvage. au fond, il aimerait qu'elle devienne sage, que ses attentions ne soient pas si mal perçues. il aimerait lui faire le serment de la protéger peut-être, maladroitement, mais faire tenter de rendre sa vie un peu plus confortable. ce n'est pas une soutien psychologique ou sain qu'il peut lui offrir, rien de stable en tout cas. mais juste un toit, pour une nuit, ou pour d'autres. la solitude le gagne de jour en jour, il détourne son chemin du sinners depuis le départ de nevan, son cœur trop écorché pour survivre à une nouvelle vague de tentation. plus l'envie, plus le besoin peut-être, il s'attelle à continuer ses combats, régresse dans ses buts qui lui paraissent aujourd'hui inatteignables. il trouve enfin quelque chose à mettre entre ses mains, projet abordable et lui paraissant assez juste pour continuer sur ce chemin. il n'a au qu'elle en tête depuis son départ, tentant en vain d'arrêter les questionnements que sa fuite avait laissé. sans compter son prénom tagué en gros sur son mur. entendre son cri, sa voix, était une étape qu'il ne pensait pas si proche. cette attaque avait éveillé la surprise et sa fierté. alors elle avance et lui emboite son pas, épiant le moindre geste et percevant ses regards en coin. il surveille sans pour autant croire avec assurance qu'elle ne s'échappera pas. ils arrivent devant la porte qu'il ouvre avant de la laisser passer, tandis qu'il sent son comportement changer. une aisance forcée, il la regarde quitter la pièce pour gagner sa chambre, puis la salle de bain et lui s'efface un instant. il en sourit, rejoins sa chambre pour sa changer, retirer sa veste, ses chaussures et enfiler un jogging plus ample. il regarde son téléphone, réponds aux quelques messages laissés suite au combat de tout à l'heure, à l'arrivée de leo dans l'arène et la réaction du crétin qu'il avait tabassé. ses sourcils se froncent, mais son attention repasse bien vite par les bruits ambiants que son hôte forcée fait résonner entre ses murs. la porte de la salle de bain qui se ferme, un regard à travers lui pour l'ignorer enfin pour enfin s'agripper au réfrigérateur. il sort de la pièce en l'écoutant presque religieusement. il marque un temps d'arrêt, elle parle enfin, aligne plusieurs mots à la suite sans crier. c'est surprenant, agréable à entendre et en sourit bêtement. l'intérieur de son frigo est bien évidemment le cadet de ses soucis, sa remarque le fait rire un peu, alors il hausse les épaules en s'approchant sur plan de travail trop sommaire pour faire de la vrai cuisine. « commande ce que tu veux » il lance plus sèchement pour calmer son audace naissante. il fait glisser son téléphone vers elle, elle qui rôde maintenant dans les parages, doit bien connaitre le nom d'un livreur de hamburger du coin. espérant juste qu'elle sache se servir d'un smartphone. elle mangera sûrement comme quatre, à l'image de la dernière fois, contrairement à lui qui garde ce noeud dans son estomac. il se dirige à son tour vers la salle de bain pour essuyer ses plaies salis par le sang, le sien, celui de perdant, un mélange d'hémoglobine malsain qui perle encore sur sa peau. ses épaules et avant-bras bleuis par les coups le martèlent un peu plus chaque seconde. mais il ne dit rien aran, reste toujours muet face à la douleur en évitant de croiser son propre regard fauve dans le miroir.

elle aime pas le sourire idiot qui s'affiche sur le visage d'aran quand elle lui parle, elle aime pas son petit rire discret, son air content de lui, comme s'il pensait avoir gagné quelque chose,  une sorte de trophée. si elle lui parle c'est simplement parce que son stylo a disparu et qu'elle n'a plus la foi de trouver un autre moyen de communiquer, elle se doute qu'écrire d'autres mots sur ses murs pourrait le mettre plus en colère, encore que la dernière fois, et au fond d'elle, elle ne préfère pas. parce qu'il faut bien avouer qu'elle est mieux ici que dehors la gamine, qu'une nuit dans ce cocon chaud ne peut pas lui faire de mal, que la pluie et la nuit obscure semblent loin d'elle en cet instant, propre et vêtue d'un tee-shirt qui sent l'assouplissant. mais elle sait aussi que ce n'est pas une situation saine, que demain elle devra dire au revoir aux draps chauds, et à l'assurance d'avoir à manger dans son assiette. parce qu'elle ne peut pas s'habituer à vivre comme ça, parce qu'elle sait que ça ne durera pas, que comme le reste, on le lui arrachera et ça elle ne veut pas. il s'approche d'elle, et lui tend en toute confiance son téléphone portable. elle arque un sourcil, un peu surprise, après tout elle pourra partir avec dès qu'il aurait le dos tourné, mais il semble totalement s'en ficher. «  commande ce que tu veux. » il lui dit, un ordre sympa, mais un ordre quand même. elle le sent dans le ton qu'il emploie. sa voix n'inspire pas la sympathie, sans même un autre regard pour sa personne, il se détourne et s'enferme dans la salle de bain pour prendre sa douche à son tour. la gamine baisse la tête vers le cellulaire qui traîne sur le comptoir, ses yeux restent rivés un long moment sur l'objet. elle secoue la tête. elle chasse les pensées qui lui assaillent l'esprit et avec des doigts tremblants, elle prend le combiné pour taper le numéro d'une chaîne de restaurants qu'elle adorait manger quand elle était gamine. ça sonne deux fois avant qu'une voix vienne percer à travers le combiné. «  allô? » c'est déjà la troisième fois que le gars derrière répète ça et leo est toujours incapable de prononcer la moindre syllabe, finalement trop paniquée elle raccroche. non, mais qu'est-ce qu'elle croyait? qu'elle allait y arriver? à se remettre à parler à tout le monde comme si rien ne c'était jamais passé. c'est sa faute à lui, c'est lui qui a cru ça, c'est parce qu'elle lui a parlé. elle aurait pas du. il pense que quoi, ça y est? elle est réparée? on répare jamais ce genre de maux. elle s'éloigne de la cuisine pour s'aventurer dans le salon, l'absence de déco et d'objet personnel est vraiment le signe d'une vie de solitaire. pas de femme, pas de gamin, rien dont il aurait envie de se souvenir, aucun objet qui lui donnerait envie de sourire. elle a les yeux qui traînent jusqu'à tomber sur la télécommande de la télévision, elle décide de la tripoter jusqu'à se décider à l'allumer. l'écran s'illumine, ses yeux aussi. c'est un dessin animé qui est diffusé, son âme d'enfant se réveille soudainement. leo en regardait tout le temps, dans le temps, avant ouais quand elle vivait chez papa et maman. elle s'assoit tout près des images, alors que derrière elle, il y a un canapé qui ne demande qu'à l'accueillir, un truc qui a l'air tellement moelleux, qu'elle s'enfoncerait dedans pour plus jamais en ressortir, mais elle est passionnée par ce qui se passe dans la boîte à image. elle est à fond dans son truc quand aran se plante debout à ses côtés, elle finit par lever les yeux vers sa silhouette qui s'étire dans l'obscurité. «  tu vas encore dormir sur ça? » elle demande en pointant du menton le futon. avant d'ajouter. «  j'ai envie d'un taco. appelle pour des tacos. » elle réfléchit une seconde pour se souvenir de comment elle aimait ça avant. «  extra fromage. »

il pourrait lui faire remarquer, insister sur le fait qu'il a gagné cette manche, mais à cet instant, il n'en ressent pas le besoin. ses tempes cognent, créant un léger maux de tête et il est temps pour lui de s'éclipser pour mieux revenir. une douche rapide pour tenter de délier ses muscles, décontracter son corps entier encré d'hématomes. la peau rougit sous le chaleur, il sort du cocon de vapeur pour mieux se rhabiller gardant juste son torse nue. la sensation est agréable, la chaleur du logis, la pièce chaleureuse par sa superficie plus étroite que les autres. plus rien ne passe dans son esprit, juste quelques grognements internes qui lui feront un jour regretter de marteler son corps de la sorte. il pense avoir le temps aran, malgré l'espérance de pouvoir gagner un jour la paix éternelle. toujours rien de concret. il sort de la salle de bain en s'essuyant le visage, jette la serviette au sol dans le couloir par pure manie masculine avant de retrouver la gamine scotchée à son écran de télévision. il lève les yeux au ciel, l'a t-elle vu ? durant quelques secondes, son innocence lui saute aux yeux, une essence muette devenu plus bavarde qu'à l'habitude et pourtant, si déchainée à l'extérieur. le paradoxe est immense, comprendra t-il une jour pourquoi son comportement ? probablement le jour ou lui-même avouera ses tares, autrement dit, jamais. elle est jolie leo, assise en tailleur avec son regard scintillant. son visage propre, les cheveux humides et le coeur cassé. il imagine un passé douloureux sans vraiment entendre comme une jeune femme a bien pu se retrouver dehors à battre le pavé d'un silence angélique. « tu vas encore dormir sur ça? » il marque un temps d'arrêt avant de regarder dans la direction donnée. plus de sourire, juste un mouvement de la tête pour accompagné son affront « on verra » ça dépend de toi, de moi leo, ça ne tient qu'à un fil. il ne peut s'empêcher pour la première fois s'imaginer aller plus loin. mais quelque chose le gêne. un sentiment faisant surface, une barrière invisible qui semble bloquer son passage. il est un homme avide de pouvoir certainement, mercenaire aux pulsions dévastatrices, des mains de tueur marquées de sang, mais aucunement guidé pas des envies sexuelles désordonnées. elle est ce nuage qui s'évade en poussière dans une seconde, et la seule chose qu'il se permet à présent, c'est bien de prendre soin de son hôte. elle a l'air d'en avoir besoin, ou bien est-ce lui qui en ressent la soif ? leo continue, n'a pas dû passer ce coup de téléphone qui leur ramènerait des vivres. « putain tu déconnes ? » est-ce la faim qui gronde ? ou plus simplement l'agacement de la voir aussi prête à lui donner des ordres, aussi minime soit-ils ? « ta une langue maintenant, alors démerde toi » il regarde le téléphone posé au même endroit que tout à l'heure, lui jette un regard noir avant d'ajouter. « tu prononces les mêmes mots les uns après les autres » il ne veut pas y voir le trouble que cela pourrait lui causer, s'affale dans le fauteuil en posant sa tête contre le haut de l'assise. « t'as un putain de problème leo » ses mots s'échappent instantanément sans même un regard vers elle. toujours aucune question directe, juste des attaques détournées, leur langage à eux.

« on verra. » il jette à peine un coup d'oeil au canapé. tes dents se plantent dans ta lèvre inférieure, tu n'es pas ingrate au point de le laisser dormir sur ce truc pendant plusieurs jours d'affilés sans t'en soucier, tu es bien d'accord qu'il a l'air confortable pour s'y installer pendant quelques heures le temps de regarder un film, mais toute une nuit? avec un gabarit comme le sien? même toi, tu devrais te recroqueviller. mais tu n'es pas non plus assez bête pour lui laisser le lit qui trône au milieu de sa chambre, après tout, tu es l'invitée et pour le peu de temps que ça durera, tu veux profiter de tout le confort qu'il a à t'offrir. les yeux rivés à la télévision préférant fixer l'écran que ton hôte lunatique, tu réfléchis à une solution qui éviterait que vous ayez à partager le même espace pendant plus de quelques heures. oh maintenant, tu te doutes bien qu'il gardera ses mains dans ses poches et qu'il n'a rien d'un violeur et presque rien d'un psychopathe, tu penses être certaine qu'il ne te touchera pas comme ça, jamais, mais ce n'est pas pour ça que tu t'inquiètes. c'est juste que vous deux dans la même pièce suffit à créer des étincelles, il suffirait de quelques minutes dans le même lit pour que l'un casse la gueule à l'autre. pour des actions stupides sûrement qui plus est du genre prendre trop de couverture, bouger dans tous les sens ou marmonner dans son sommeil. elle fronce le nez doucement, est-ce qu'il ronflait? l'idée lui donnait des nausées, son père ronflait aussi, elle détéstait ça. « peut-être qu'il faudrait que tu investisses dans un autre matelas, si tu comptes me garder dans les parages. » elle ne sait pas pourquoi, elle dit ça. elle est pourtant toujours certaine qu'elle s'en ira dès le lendemain matin aux premières lueurs du soleil. mais l'idée de rester lui plaît au fond d'elle, elle ne veut simplement pas le lui avouer. et.. aran. aran est la seule personne à qui elle adresse la parole depuis des années, la seule en qui elle fait étonnamment assez confiance pour ouvrir la bouche, elle ne compte pas faire des longs discours tous les jours et peut-être continuera t-elle de se servir de son carnet en sa présence même si elle sait que ça l'énervera probablement, mais c'est déjà un grand pas, un pas de géant même pour elle. sauf qu'il ne semble pas le remarquer, voir s'en ficher totalement, elle ne voit pas son expression quand il s'agace qu'elle n'ait pas utilisé le téléphone comme il le lui avait demandé. pour lui c'est facile, habituel. pour elle impossible, elle a essayé. mais à quoi bon lui dire? tant pis. elle peut rester des jours sans manger. elle aurait préféré s'endormir avec un taco dans l'estomac, mais puisque c'est comme ça, elle crèvera de faim comme tous les soirs. demain, dehors, elle fera les poubelles à la recherche de quelque chose à se mettre sous la dent. « t'as un putain de problème leo. » elle roule des yeux, un sourire qui se dessine sur son visage, mais qu'il ne voit pas. c'est elle qui a un problème? c'est lui qui recueille une sans abri chez lui, c'est lui qui casse la gueule à des inconnus pour le plaisir de voir l'autre souffrir. elle émet un bâillement audible en s'étirant signe de la fatigue qui l'assaille. le dessin animé est presque terminé de toute façon.

« peut-être qu'il faudrait que tu investisses dans un autre matelas, si tu comptes me garder dans les parages. » elle n'insiste pas sur le repas, son regard vissé sur l'écran de télévision coloré par des personnages excentriques. il voit l'enfant, reconnait l'allure nonchalante même dans sa manière de parler. rien ne lui permet d'être un logeur agréable, ses parents ne lui ont pas léguer la souplesse exemplaire de la bienséance. il est fatigué, physiquement, mentalement, son cœur tambourine et fait gonfler ses veines dans son corps trop lourd à présent. il y a pensé pendant une fraction de seconde, se lever, appeler à sa place pour tenter de paraître courtois, mais d'autres maux l'en empêche et détourne son humeur. elle est là, au chaud, un téléphone, de quoi manger si elle le souhaite, mais ne prend pas l'opportunité. presque décevant. « on verra » même réponse à ses questions, pas d'argumentation de prévu, son crâne sonne l'échéance et son bâillement la fin pour eux deux. elle ne mangera donc pas ce soir tout comme lui par sa faute peut-être, sûrement même et son obstination reste au dessus. on verra si je dors dans mon lit et toi là, on verra demain si on a vraiment faim ou pas, on verra si finalement tu dormiras avec moi leo. impossible de réfléchir vraiment, il n'a qu'une envie, c'est bien de clore les paupières pour cette fois encore. son sommeil semble arriver et se déverses sur ses songes à toute vitesse. alors il se lève finalement pour prendre le chemin de la chambre, ses épaules craquent, il cache sa démarche chancelante. « je vais me coucher » lance-t-il au dernier moment avant de s'engouffrer dans la pièce sombre que le lumière du couloir transperce dans un coin. juste ce qu'il faut pour ne pas se prendre le pied dans les affaires laissées au sol. maintenant qu'elle est là, maintenant qu'elle parle, il a l'impression d'avoir accompli sa mission en quelque sorte. des émotions multiples que son corps absorbe intentionnellement. il attends de voir, si elle osera passer le pas de la porte, si elle restera dans l'autre pièce. et si elle partait aran ? si elle s'enfuyait comme l'autre fois ? l'hypothèse est énorme, plausible, mais il n'a plus la force de combattre, comme elle, qui semble poser les armes. il aimerait la voir dans l'encadrement de la porte, pointer son visage trop lisse et ses jambes trop fines pour lui demander de rester, qu'il se sente enfin utile à quelqu'un, mais jamais rien ne sera aussi facile. et finalement, avant de s'installer il fait marche arrière, un instant de faiblesse l'appellera t-il. il va pour la chercher ou bien juste attirer son attention, le but est incertain. il la retrouve debout sans chercher à savoir ce qu'elle était en train de faire avant de lui lancer « t'as vraiment faim ? » prêt à récupérer son téléphone à quelques pas, ces dernières forces pour une attente trop longue, il irait probablement se coucher avant que le livreur n'arrive. il le fera, si elle le demande, mais la proposition lance un compte à rebours contre elle, sa décision contre sa peine à lui.

c'est lui le muet maintenant, des réponses monosyllabiques, un regard fuyant, il a accompli ce pour quoi il a passé les dernières semaines à se torturer. voir la gamine chez lui, la faire parler. elle continue d'observer l'écran de télévision, le générique de fin qui s'affiche. aran bien que silencieux n'en est toujours pas moins vicieux, il lui en demande trop, appeler le livreur, lui parler, elle refuse et il ne fait rien pour l'aider. ils dormiront le ventre vide tous les deux cette-nuit là apparemment, elle se dit que lui aussi doit être habitué, après tout son frigo est toujours vide, ses placards aussi. « je vais me coucher. » il finit par dire à son intention, le bruit de ses pas qui se dirigent vers la chambre, leo se crispe. il ne ferme pas la porte signe que dormir à deux lui a traversé l'esprit à lui aussi. il compte dormir là-bas. comme elle. enfin, elle croit, elle ne sait plus trop. finalement alors qu'elle se ronge les ongles en regardant une émission de cuisine, son inconnu à la capuche débarque à nouveau dans la pièce. « t'as vraiment faim? » il lui demande, et elle trouve la question un peu idiote étant donné qu'il l'a trouvé dans la rue, mais ça part d'une bonne intention, alors elle hoche juste la tête et dans un soupir, il se dirige vers le combiné pour commander. un petit sourire vient orner le visage de la gamine ravie qu'il ait cédé, peut-être pas aussi mauvais qu'il essaie de le faire croire, elle fait tomber ses barrières la blonde et un sentiment de fierté l'assaille. elle l'entend marmonner les mêmes mots qu'elle quelques minutes plus tôt, puis il repose le téléphone ainsi que quelques billets sur la table basse avant de repartir se coucher. il ne faut pas plus de trente minute pour que le livreur arrive avec le ravitaillement, mais ça lui paraît une éternité tellement elle est excitée à l'idée de manger quelque chose de chaud. elle tend les billets avec une impatience certaine, un dernier sourire et elle est attablée avec son taco devant les yeux. elle prend son temps pour savourer chaque bouchée si bien qu'elle n'arrive même pas à le finir, elle range les restes dans le frigo car il est hors de question pour elle de jeter, boit une dernière gorgée de soda qu'elle n'avait jamais goûté jusqu'à présent  et qu'elle semble adorer avant de se diriger à pas feutrés jusqu'à la chambre ou aran est allongé. elle soulève doucement les couvertures heureuse de voir qu'il s'est cantonné à un côté spécifique du lit et se glisse sous les draps, le ventre plein. il ne lui faut pas plus d'une minute après avoir fermé les yeux pour trouver le sommeil, c'est seulement ce qui semble quelques heures plus tard que la jeune femme se sent secouée, elle se réveille en sursaut, les mains moites, le cœur qui bat à cent à l'heure, aran penché au dessus d'elle. elle s'humidifie les lèvres, passe ses doigts dans ses cheveux avant de marmonner. « c'était juste un cauchemar. »

la bonté, celle qui lui fait mordre l'intérieur de la joue à chaque syllabe prononcée. et pourtant, c'est bien ce qu'il est en train de faire, lui proposer d'appeler, lui rendre se servir, la nourrir comme un père le ferait. mais il n'a plus envie de rire, plus envie de se battre encore et connait la maladie dont elle souffre, la faim. se nourrir d'un rien, faire sans, ou avec le peu qu'on ose prendre. il a cru que la gamine prenait confiance au départ, mais elle reste pourtant si fragile, elle ne tient plus tête. la guerre serait-elle terminée ? son visage acquiesce alors il s'exécute. décroche le téléphone et commande ce qu'elle avait demandé, un numéro déjà imprimé dans son répertoire, un service rapide il le sait, malgré l'heure tardive. aussitôt fait, il part se recoucher, laisser enfin ses membres se calmer, ne plus leur demander d'avancer ni de combattre. terminé pour aujourd'hui, il ressent la lourdeur de son corps en s'installant d'un côté du lit, se moque de savoir si elle le rejoindra ou pas. il reste statique à son tour, s'endort sur le flanc et sa respiration devient plus lente. le sommeil arrive vite, encore un coup au crâne de plus, mais la sensation est plus agréable cette fois. enfin débarrasser des problèmes du jour, il se laisse bercer par les bruits de la ville et la lumière changeante des phares de voiture. il tombe dans le noir, avant qu'un geste trop brusque vient à le réveiller en pleine nuit. la couette tremble mais ce n'est pas lui, un mouvement lui parvient derrière son dos. elle est là leo, sous ses draps, accrochée au tissu qu'elle fait bouger par ses spasmes ininterrompus.  il se redresse brusquement dans sa direction, pur instinct l’empêchant de rester stoïque face à une sorte d’appel à l’aide. pourtant habitué au sommeil tourmenté la nuit, ce sursaut aura eu raison du léger pic de stresse procuré par sa réaction. il ne sait pas comment réagir, perché et contraint de ne pas réagir car leo finit par ouvrir les yeux. un silence, il voit la poitrine de la gamine s’essoufler sous ses yeux, ses doigts bouger machinalement et sa respiration trop courte pour enchaîner les mots proprement. un cauchemar ? certainement, même si par expérience son imagination a pensé en premier lieu à l’overdose. pourquoi j’ai l’impression que ça t’arrive souvent ce genre de choses. il grogne un peu, au lieu de lui demander si elle va bien, au lieu de savoir de quelle histoire ce mauvais rêve pouvait-il raconter. il frotte son visage, relâche enfin ses épaules avant de tourner à nouveau le visage vers elle. t’as quel âge leo ? une question pas si hasardeuse qu’elle n’y parait, il sait qu’elle est trop jeune pour se trouver la dans son lit, mais il sait aussi qu’elle est bien trop jeune pour être dehors, dans le froid. ce paradoxe prend de l’ampleur en la scrutant à ce moment précis. cet événement lui fait perdre le contrôle un court un instant, divaguation légère plutôt que de se préoccuper de son propre sommeil. pourquoi lui demander maintenant ? sa tête se repose à nouveau sur l’oreiller, les yeux bien éveillés, il passe ses mains sous sa tête. tu devrais être chez tes parents. et pas dans les draps d’un parfait inconnu. bombe larguée, sans détour, il n’imagine pas la teneur de ses mots en lançant une telle phrase.